Chapitre 2
Le crépitement du feu apportait une bonne humeur contagieuse, couplée aux puissants arômes de la soupe qui mijotait. Guilhem hocha la tête en signe de remerciement quand l’homme lui tendit une écuelle chaude. Il se délecta du fumet et souffla avec application sur le liquide épais. Il but une première gorgée et ferma les yeux de plaisir.
— Tu t’appelles comment ? Tu es perdu ? demanda le méridional en latin avec un accent si fort qu’il avait du mal à comprendre.
Guilhem fit semblant de ne pas saisir les propos, fronçant les sourcils d’un air totalement ahuri qu’il essaya de rendre convaincant. Ce gars, en parlant, donnait plus d’informations qu’il ne le pensait. En premier lieu, son latin était bon. Il l’avait donc étudié. Soit c’était un membre de l’église, soit un noble éduqué. Son accent trahissait le méridional. Il avait vu juste.
— Tu t’appelles comment ? Tu es perdu ? recommença-t-il dans la langue d’oïl du roi de France.
Autre information. Il connaissait donc l’oïl et certainement l’oc aussi. Un voyageur lettré. La fille devait être son garde du corps. Guilhem s’essuya les moustaches d’un revers de manche. Il commençait à avoir chaud. Il dénoua la première couche de peaux. Il surprit le haussement de sourcil de la femme quand le tabard apparut, le sein gauche brodé aux armes du duc de Normandie.
— Je suis Guilhem de Normandie, répondit-il en normand, une sorte de dialecte oïl.
— J’ai combattu aux côtés des Normands de Robert Courteheuse. J’étais non loin de lui lorsqu’il arracha l’étendard du meneur des Égyptiens à Ascalon, expliqua son interlocuteur en normand.
Un croisé ! Un croisé polyglotte. Acoquiné à une gentille, rudement belle.
— Je vois que tu te poses moult questions. Je suis Loup d’Ostèr, du comté de Bigorre, envoyé dans cette contrée par le comte de Toulouse, à la demande de son cousin de Rouergue.
Loup suivit le regard interrogateur du géant blond sur Imane.
— Je suis Imane - elle prononça Iméne - de Latakié. Je suis attachée à Loup depuis qu’il a sauvé ceux de mon village d’une mort certaine. Je lui dois la vie et celle des miens.
— Une gentille qui parle ma langue !
— Serions-nous sots au point de ne pas pouvoir apprendre d’autres idiomes que le nôtre ? cracha Imane sans cacher son mépris pour le Normand.
Guilhem baissa la tête. Les femmes, il les respectait. Le père aimait lui raconter l’histoire des femmes combattantes Vikings. C’est les Francs qui méprisaient les filles, pas lui. Il posa son écuelle vide.
— Je suis désolé si je vous ai blessée. Je n’ai rien contre les gentils, ni contre les femmes qui savent tirer à l’arc aussi bien que vous.
— Alors, que fait donc un Normand si loin de ses terres ? s’enquit Loup en lui passant une outre d’alcool fort.
Annotations
Versions