29 juin 2021 – Les zombis de l’Orgasmon
On nous avait appris à craindre des zombis sanglants et dévorateurs. Et voilà que nous sommes confrontés à autre chose. Hier aux Etats-Unis, énième fusillade, motif inconnu, qui laisse sur le carreau un mort et cinq blessés. Arrive une ambulance, un de ces véhicules larges comme des mobiles homes, pesant sur ses amortisseurs qui la font balancer comme un paquebot, noyée de lumières orange et de clignotements gyrophares, précédée et suivie du son strident de ses avertisseurs. Les urgentistes en descendent. Quotidien pour eux. Quotidien pour nous qui voyons. Seule reste l’ambulance pour marquer l’anomalie de la scène. Ses sons et ses lumières projetées. Dans ce qu’elle éclaire, plus rien d’habituel. L’atroce banalité des corps gisants et du sang répandu ? Noyés dans la lumière stroboscope. Hypnose. Envie de crier ? Qui l'entendrait sous l'hululement de la sirène ? Comme un banshee de lumière venant hurler où rôde la mort.
Puis ils arrivent. Attirés par la lumière comme des phalènes. Ils accourent. Tous ensemble, ils s’agglutinent contre l’ambulance, ils l’entourent, posent leurs mains dessus. Et ils rigolent. C’est cela le plus horrible. Ils rigolent à côté de l’agonie et de la mort. Ils ont vingt ans et envie de s’amuser, et les filles se mettent à twerker, de ce simulacre de danse, vigoureuse ondulation du bassin qui imite les mouvements de la copulation. Les garçons viennent derrière avec leurs portables, pour filmer. Substitut brandi, qui n’ira nulle part. Juste pour le fun. Le fun, plus de plaisir. Encore plus de plaisir avec son phone et puis on peut montrer à tout le monde. Les yeux sur la dalle noire, et on approche du bassin qui oscille... Hop Hop. Une fille en furie vient contre l’ambulance. Elle aussi a envie de twerker. Un garçon monte sur le toit il agite le poing. Ouais. Ouais, Tous ensemble, ouais ! Lance un objet dans la foule du geste d'un sportif qui relancerait l'action, explosion d’encouragements.
Folie. Folie furieuse et ludique. Zombis rigolards et obscènes. C’était donc celà qui devait venir et que l’on n’avait pas compris. Cela qui ne respecterait plus la limite entre les morts et les vivants. Pauvres de nous. Comme des enfants, nous avions retenu la lettre et perdu l’esprit. Ils sont bien en vie ceux qui n’approchent plus l’ultime frontière avec crainte et respect, mais qui piétinent tout dans leur fun imbécile. Voilà les zombis que l’on ne peut détruire. On ne peut que les repousser, et encore s’y opposeront ils de toute leur énergie pour continuer à braire, pour continuer à jouir de cette étincelle mentale qui les anime, et qui meut leur stupidité. Il faudrait les frapper à coups de pelle, et ils s’égailleraient en tous sens pour poursuivre ailleurs ou revenir plus tard. Et quelle victoire sinon de s’être soi-même un instant protégé de ce que l’on ne peut dé-voir. Quelle victoire ?
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