Moi j'aime bien m'allonger dans l'herbe. Je regarde le ciel. Je cherche la porte du paradis.

Regarde ! T'as vu ? Les dragons ?
Ils se déguisent en nuages pour se cacher.
C'est pour ça qu'on peut pas parler aux morts.
Maman avait promis de me raconter là-haut.
Elle avait prévenu :
« Peut-être pas tout de suite, mais je viendrai quand tu seras vieux ».

Je crois que je suis vieux maintenant :
« MAMAN… JE SUIS VIEUX ! . »

Chaque jour sans pluie, je m'allonge par terre pour l'appeler, mais les dragons du ciel écrasent mon cœur et l'empêchent de passer.
Je suis vieux, je suis fatigué.
Dans la maison moche où je vis il y a beaucoup de monde, beaucoup de gens vides qui tournent en ronds et je suis tout seul, comme eux.
On s'occupe de moi, mais jamais pour me câliner, pour me dire que je suis un rayon de soleil, que le monde est beau grâce à moi.
Depuis que maman est partie, ma peau sert à personne, il fait nuit et le monde est laid.
Mathieu m'a dit :
« Ne sois pas triste, je vais t'aider à faire un ballon… »

Je lui ai dit que j'aime pas le foot.
C'est pas un jeu « le foot » : y a qu'un ballon et tout le monde se tape dessus.
Mathieu m'a dit :
« C'est pas pour jouer au foot, c'est un ballon qui s'envole. »

Je sais pas comment il veut faire Mathieu, ni pourquoi.
Oh ! Faire un ballon qui s'envole, ça changera que de faire du rien du tout.

C'est drôle, pour faire une baudruche en papier, il en faut une en plastique.
Une bande après l'autre dégoûtante, dég'ueulinante à cause de la colle qu'on pose sur le ballon gonflé. Et puis ça sèche, c'est long.
Je me suis allongé dans l'herbe pour chasser les dragons.

Mathieu est revenu me chercher. Il m'a donné une aiguille pour que je pique le plastique. Ça fait le même bruit que le Bertrand qui pète ! On a bien rigolé avec Mathieu, mais j'ai rien dit à Bertrand, ça fait longtemps qu'il ne comprend plus rien.

Le ballon en papier, il est fragile. J'ai fabriqué un panier en alu, on l'attachera dessous. Mathieu a troué le papier en bas avec des ciseaux.
Dans le panier il a mis une capsule de gel.

Maintenant il voudrait que j'écrive un mot et le ballon va l'emporter dans le ciel... J'ai demandé s'il ira au paradis ?
Mathieu l'a promis :
« Bien sûr qu'il ira au paradis »

Je ne sais pas écrire, mais j'ai copié les signes.
Cette nuit Mathieu travaille pas, mais il viendra quand même et tous les deux on allumera le feu dans le panier, et le ballon s'envolera et les dragons ne pourront rien faire.

C'est pour maman la lettre qui vole, elle dit :

https://www.scribay.com/text/723689672/le-dragon-de-papier/chapter/178507