L’interview.1

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I. Une grande première.

La porte du studio 102 de la tour Fréquence s’entrebâilla.

Jean-Pierre Le-Franc, grand journaliste de l’audiovisuel que tout le monde associait aux initiales JPLC, discutait sur le seuil, avec son assistante, restée en retrait derrière la porte.

— Il est arrivé ?

— Non, pas encore. Il reste 5 minutes avant le direct, vous croyez qu’il sera à l’heure ?

— Je n’en doute pas une seconde ; je ne connais personne plus soucieux du temps que Lui.

Le journaliste vedette entra dans le studio, laissant la porte à battant se refermer toute seule derrière lui.

Il franchit les quelques mètres le séparant des fauteuils des invités. Toute l’équipe de tournage était en effervescence.

— Bonjour Jean-Pierre. Lança le premier technicien du son, en le croisant.

— Bonjour.

— Bonjour monsieur Le-Franc. Annonça à son tour la script lorsqu’il arriva devant les fauteuils.

— Bonjour Marie.

— Comment vous sentez-vous pour cet événement ?

— Çà va, je vous remercie ; j’ai une certaine habitude de questionner les grands de ce monde, lui répondit, en souriant calmement, le journaliste de Fréquence.

La script lui adressa à son tour un sourire respectueux.

— Où voulez-vous vous asseoir pour cette interview ?

— Devant la caméra 3 ; laissons-Lui le champ principal des caméras 1 et 2.

— Plus que deux minutes ! Annonça à haute voix le technicien principal du plateau.

Jean-Pierre se dirigea vers le fauteuil bleu, placé devant la caméra trois. Il posa calmement son cartable au pied du confortable siège de tissus carmin tressé.

— Vous voulez un café, monsieur Le-Franc ? Demanda la script.

— Non, je vous remercie ; je préfère rester détendu devant mon invité.

— Plus qu’une minute ! Annonça sans émotion apparente le technicien principal du plateau.

Jean-Pierre Le-Franc fit le tour du fauteuil. Il hésita un moment, puis finalement s’assit.

Machinalement, il regarda sa montre. Il restait 30 secondes. Viendra-t-Il ?

JPLC se pencha sur son sac de cuir râpé, et en extrait son dossier d’interview ; une pochette rouge qui contenait une trentaine de feuilles.

Il posa le dossier sur la tablette devant lui, et l’ouvrit à la première page.

— Antenne ! Annonça sèchement le technicien principal du plateau.

Le générique musical débuta immédiatement.

La symphonie du Nouveau monde résonna sur ce plateau 102, où JPLC allait une fois de plus interviewer une personnalité de réputation mondiale.

Le journaliste aimait ce générique, et se laissait porter par son air entrainant, qui lui servait un peu de relaxant avant un événement important.

Les caméras balayaient le plateau, montrant tour à tour, les techniciens du son, de la lumière, les gradins où le public fébrile attendait le début de l’interview, le fauteuil encore vide de l’invité, pour terminer en zoom-avant sur le fauteuil du journaliste, qui paraissait concentré à consulter ses fiches.

Le générique approchait de la fin. JPLC ferma son dossier, se redressa dans son fauteuil, et regarda la caméra 3, qui maintenant le cadrait parfaitement au niveau de son buste.

Le thème musical du Nouveau monde était maintenant terminé, et Le-Franc prit la parole :

— Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bonsoir.

JPLC marqua une courte pause, comme à son habitude avant de présenter son invité.

— Ce soir est une soirée particulière, et je sais que vous êtes très nombreux devant vos écrans à attendre, et cela depuis très longtemps pour certains, ce moment que je qualifierais d’événement planétaire.

Le journaliste marqua une nouvelle pause. Il ouvrit alors son dossier et fit mine de le consulter; il imaginait bien que le suspens était à son comble dans les milliards de foyers qui regardait son émission tout autour de la planète.

— Notre invité, vous le savez est la personnalité que nous pouvons considérer comme la plus importante de notre Monde, et cela depuis très longtemps. Vous savez que depuis des années, j’ai interviewé les personnes les plus influentes de notre époque, mais nous avons voulu mon équipe et moi vous permettre d’aller encore plus loin dans ce mode de communication, et vous proposant l’interview du plus inimaginable des invités. Grâce à tous les moyens de communication disponibles à l’heure actuelle, nous Lui avons proposé de devenir notre invité pour cette émission. Nous ne pensions pas que cela serait vraiment possible, mais dans un réel souci de vous informer, nous avons tenté ce pari fou, et à notre grande surprise, Il a relevé ce défi. Il nous a répondu, et Il a accepté de participer à cette émission extraordinaire ! Je vous demande de faire un triomphe à notre invité de ce soir. Je vous demande non seulement d’applaudir, mais bien d’acclamer le plus grand personnage de tous les temps. Je vous demande d’accueillir ici : Dieu !

Les caméras 4 et 5 se tournèrent vers le public assis sur les gradins qui se leva d’un seul homme, et se mit à applaudir et à lancer des hourrah.

Les caméras 1 et 2 montrèrent à leur tour, les techniciens du plateau lâchant leur équipement et applaudissant. Puis ces caméras se tournèrent vers le fauteuil rouge encore vide de l’invité, et commencèrent un zoom avant sur le siège qui allait accueillir le personnage le plus important de notre monde.

JPLC toujours très calmement feuilletait ses papiers; il imaginait la fébrilité de tous ces téléspectateurs qui attendaient la venue de celui dont ils espéraient tant. Puis, finalement le journaliste posa son dossier.

Les caméras 1 et 2, placées en position de zoom maximum cadraient maintenant parfaitement le fauteuil rouge.

JPLC regarda machinalement sa montre ; le public continuait à applaudir, attendant avec nervosité la venue de ce grand personnage.

C’est alors qu’Il apparut dans son fauteuil d’invité, et dans le cadre de la caméra 2 pour que des milliards de téléspectateurs puissent Le découvrir enfin sur leurs écrans.

Le public du studio 102 poussa alors un cri d’émerveillement, et aussi de soulagement, car de nombreux spectateurs sceptiques ne croyaient pas vraiment à Sa venue, mais Il était bien là, installé dans le fauteuil de l’invité du plateau 102, et Il ressemblait bien à l’image que chacun s’en faisait.

C’était un homme d’âge mûr, joufflu, à la chevelure et à la barbe blanche, habillé d’une grande robe blanche qui lui couvrait les bras, et le corps jusqu’aux chevilles, et il était pieds nus.

Le public, qui se remettait à peine de l’émotion qu’avait engendré Son apparition, redoubla alors de hourrahs et d’applaudissements.

JPLC lui-même n’était finalement plus si insensible à cette apparition divine ; il se leva, et se mit à applaudir à son tour cette arrivée prestigieuse.

Dieu se leva, se tourna vers le public, et se pencha pour le remercier, puis se tourna vers le journaliste et hocha la tête en signe de reconnaissance; on sentait qu’Il était ému par cet accueil.

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