Un Hôtel au Panama.
I. Un retard.
Et voilà, nous débarquions, pour la première fois de notre vie, au Panama.
— Désolé, nous dit l’hôtesse d’accueil, mais votre vol pour San José est déjà parti.
— Ah ! Répondis-je, à peine surpris. Et que devons-nous faire maintenant ?
Notre vol avait décollé de Roissy avec une heure et demie de retard, et nous savions, Sandra et moi, que notre avion de correspondance à Panama City décollait 45 minutes après notre heure d’arrivée dans cette capitale, donc cette annonce n’était pas vraiment une surprise.
Vu depuis Paris, 45 minutes cela peut paraître suffisant, mais lorsque l’on traverse la moitié du Monde, çà devient insignifiant.
45 minutes, à l’échelle mondiale, c’est un battement d’un cil, celui d’une aile de papillon.
Nous avions, bien sûr, espoir que le vol vers le Costa Rica allait nous attendre ; n’étions-nous pas après tout , nous aussi, des passagers importants ?
— Les passagers pour le Costa Rica, placez-vous sur la file de droite. Nous annonça l’hôtesse, lorsque nous parvînmes enfin au bas de l’escalier mécanique menant à la douane, après avoir traversé en totalité le grand aéroport de Panama City.
Il était environ 20 heures, et l’aéroport commençait à se vider.
— Vous pourrez prendre le vol qui part demain matin, à 7h30.
— Et d’ici là, qu’allons-nous faire ? Questionnais-je par politesse, espérant bien que l’hôtesse de la compagnie allait nous donner toutes les explications concernant l’emploi du temps de notre soirée, et de notre nuit.
— La compagnie va vous remettre un Voucher pour votre repas du soir, et votre nuit d’hôtel au Panama.
En vacances à l’étranger, j’ai pour habitude de ne jamais m’énerver. Le temps paraît infini, et les aléas sont de simples aventures qu’il faut accueillir avec philosophie.
L’hôtesse nous remit ce document, et nous désigna d’un geste poli de la main, le premier poste de douane.
Devant nous, quelques passagers, sans doute dans la même situation que nous, attendaient la fin des formalités douanières ; nous étions les derniers passagers à vouloir sortir de l’aéroport.
— Bonjour. Dis-je au douanier, lorsque notre tour arriva.
C’était un petit homme moustachu à l’air affable.
— Buenas tarde, tienen ustedes el pasaporte por favor ? (Bonsoir, avez-vous votre passeport, svp ?)
Nous lui tendîmes nos passeports, que nous avions eu le temps de réunir en attendant dans la file.
Le douanier parcourut calmement les documents, et apposa ses tampons encrés sur la dernière page.
— Adonde van a ir ahora ? (Où allez-vous vous rendre, maintenant ?)
Je lui répondis en espagnol que nous devions passer la nuit à l’hôtel, car la correspondance de notre avion était déjà partie.
— Cuál es el nombre de su hotel, por favor ? (Quel est le nom de votre hôtel, svp ?) Répondit-il avec une certaine patience.
Nous n’en savions rien. Je sortis le Voucher de notre poche pour savoir si le nom de l’hôtel y était mentionné.
— No sabemos cuál es el hotel. (Nous ne savons pas de quel hôtel il s’agit)
— Ah no ! Entonces, no les puedo dejar pasar. (Ah non, alors, je ne peux pas vous laisser passer). Répondit-il avec un naturel désarmant, sans doute propre aux sud-américains.
— Pero …. (Mais …). Essayais-je pourtant.
Rien n’y faisait, il ne voulait pas nous laisser passer … Après avoir effectué toutes ces formalités douanières, nous n’étions pas autorisés à quitter l’aéroport.
Le douanier nous fit signe poliment de sortir de la file d’attente, et de nous placer sur sa droite.
Nous nous sommes regardés, Sandra et moi, frappés de notre situation Kafkaïenne :
Nous n’avions pas besoin de sortir de l’aéroport, mais notre retard nous obligeait à passer la nuit à Panama City.
Nous avions droit à une nuit d’hôtel, mais comme nous ne savions pas à quel hôtel aller, le douanier avait refusé de nous laisser quitter l’aéroport …
Nous avons commencé à nous imaginer, passant la nuit tous les deux sur un de ces anonymes bancs métalliques d’aéroports ; coincés entre trois vagabonds cosmopolites, et un paumé aviné, et espérant, avec crainte et avidité, un hypothétique lever du soleil.
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