Lisa était en train de poncer une vieille table de chevet qu’elle avait récupérée dans une brocante. C’était l’étape indispensable avant de la repeindre. Elle avait de quoi s’occuper en attendant l'arrivée de son amie. Le bricolage la relaxait et accaparait toute son attention. Elle en avait grand besoin, car elle avait hâte de retrouver son fiancé. Plus qu’un jour à patienter.

On sonna à la porte. Lisa débrancha son outil, puis cria tout en retirant ses gants et ses lunettes de protection.

― J’arrive !

Elle ouvrit et trouva Manon qui tenait une boite en carton ainsi qu’un petit sac.

― Ce sont mes macarons préférés et je crois que tu les aimes aussi, mais je n’en suis pas certaine. Et ça, c’est une surprise pour toi.

Lisa sourit en regardant son amie. Manon était fidèle à elle-même, à la fois gaffeuse, et adorable.

Les deux jeunes femmes s'installèrent confortablement dans le séjour. Elles s'assirent sur le nouveau sofa de couleur paprika. Sur la table basse en cuivre, Lisa avait disposé les macarons dans une jolie assiette blanche et une théière rose fumante, ainsi que deux grandes tasses assorties.

― Lisa, tu n’as pas encore ouvert ton petit cadeau.

― Manon, il ne fallait pas…

― Ce n’est pas grand-chose et je sais que tu en fais la collection…

Manon s’interrompit, car elle en avait trop dit.

Lisa avait presque deviné de quoi il s’agissait. Elle collectionnait des objets à l'effigie d'un personnage fictif issu du théâtre populaire italien depuis son adolescence. Elle défit aussitôt le petit emballage vert foncé. C’était un ravissant cadre baroque en étain noirci, mais ce fut la photo en noir et blanc qui attira son attention. Un séduisant Arlequin était assis sur les marches d’un palais vénitien. Il semblait bien triste.

― On dirait qu’il attend sa Colombine, plaisanta Manon.

Lisa n’arrivait pas à détourner les yeux, elle était captivée pour une raison qu’elle n'aurait su expliquer.

― Je crois que Kévin a du souci à se faire.

― T’es bête ! Et merci, la photographie est superbe. Il faut avouer que je trouve cet Arlequin bien mystérieux. Bon, je pense que le cadre a besoin d’un sérieux nettoyage.

Lisa allia le geste à la parole en retirant avec précaution la photo du vieux cadre. Le verre se fissura malgré tout.

― Oh zut, marmonna Lisa.

― Ce n’est pas grave, le verre se remplace, dit Manon d’une voix rassurante.

Lisa prit délicatement la photo et la retourna. Un message était manuscrit.

« Je t’attends depuis si longtemps ma Colombine »

― Cet Arlequin semble si tristounet avec son beau costume terne, suggéra Manon.

― T’as raison ! Il manque de couleurs ! Que cela doit être triste d’être enfermé dans ce décor pour une éternité, plaisanta Lisa.

Lisa se leva pour poser la photo sur le buffet et se coupa l’index de la main droite. La blessure était superficielle, mais assez profonde pour bien saigner.

― Je suis d’une maladresse...

Au même moment, ses yeux commencèrent à la démanger.

― Je crois aussi que j’ai attrapé une cochonnerie dans l’œil.

― Bon, j’ai compris, Lisa. je vais te tenir compagnie jusqu’à ce soir.

Manon regarda la blessure.

― Un petit coup de désinfectant et un petit pansement. Ça n’a pas l’air méchant.

Son amie resta jusqu’au dîner. Lisa avait évité de se plaindre, car ses yeux étaient de plus en plus douloureux, à la limite du supportable. Et la coupure la démangeait également. La jeune femme ne tarda pas à se coucher. Demain serait un autre jour.

* Si vous voulez connaître la fin de l'histoire, je vous invite à consulter le chapitre précédent (on commence par la fin et on finit par le début).