Un jour qu'Eve déposait son chat dans un buisson pour le camoufler à des yeux moins susceptibles d'apitoiement que les siens, elle fut surprise par la femme du chef, qu'on peut appeler Anne. La jeune femme commença par craindre pour son chat, mais Anne se montra enchantée par la mignonne petite boule de poils. Elles devinrent amies et se retrouvaient régulièrement pour passer du temps en compagnie du félin. Eve trouva plaisant de reproduire le miaulement du chat devant la femme du chef, afin d'installer une ambiance plus conviviale. Anne trouva l'initiative absolument charmante, et éprouva immédiatement le vif désir de se mêler aux cris du chat et de son amie. Elle ne put satisfaire ce souhait sur-le-champ, mais se promit de s'entrainer pour apprendre à maitriser ce cri. Si Eve parvenait à imiter le bruit de la petite bête, pourquoi elle-même n'y parviendrait pas ?

De retour au campement de la tribu, elle procéda tout de suite aux premiers essais de miaulement, à proximité des oreilles ébahies, puis étonnées, enfin charmées du chef. Ce dernier se demandait quelle était cette nouvelle et étrange mode, mais à partir du moment où elle ne se révélait ni désagréable, ni dangereuse, il ne voyait pas pourquoi l'interdire. Un tyran aurait sans doute corrigé sa femme pour cette innovation malvenue et crispante, de plus potentiellement dangereuse, ce cri pouvant attirer des grands félins croyant à un appel au secours d'un de leurs petits, mais le chef ne se montrait pas très chatouilleux quant à ses prérogatives de commandement. Anne put donc poursuivre ses essais, et rapidement se montra aussi experte qu'Eve à faire le chat.

La femme du chef ne put que difficilement réprimer son impatience dans l'attente des retrouvailles avec les 2 autres miauleurs. Enfin l'heure arriva, Anne attendit, sur des charbons ardents, que son amie réponde une première fois au chat, pour enchainer par son propre cri. Eve se tourna vers elle en souriant : le « miaou » de son amie présentait une tonalité particulière, porteuse d'une nuance enfantine, la voix d'Anne étant plus aigüe que la sienne. L'initiatrice du mouvement du miaulement aurait même pu être jalouse du cri de la femme du chef, plus charmant que le sien, mais Eve se sentait trop amie pour pouvoir développer une réaction de rivalité. Cette rencontre du trio se déroula donc dans les cris multiplement répétés, et dans un certain nombre d'éclats de rire. Le chat gardait le « miaou » le plus mignon, le plus naturel, mais lui ne se révéla pas capable d'imiter le rire de ses compagnes de convivialité.