Chapitre 3 Les premières semaines - Lina
Nous passons deux semaines à visiter et à parcourir la côte nord de Colombie, longée par la mer des Caraïbes. La côte est touristique mais il faut avouer que c’est très beau.
Jusqu’à présent, ce voyage me laisse un peu sur ma faim. J’aurais aimé plus de lâcher prise, j’aurais aimé redécouvrir Alice comme je la connaissais auparavant. Au lieu de cela, elle reste là, les yeux rivés sur son portable qui semble être devenu le prolongement naturel de son bras droit. Alternant entre sa boîte mail et les photos qu’elle envoie à Damien, elle passe des heures à ouvrir chaque notification. Damien, le pauvre, ne doit plus avoir de mémoire sur son portable. Alice, elle, semble dans son élément. Pas de prise de risque, pas de changement d'itinéraire de dernière minute, on est restées sages.
J’ai laissé ma sœur faire ce qu’elle voulait, voir ce qu’elle voulait. Ma sœur a servi de guide ou plutôt le guide du routard a décidé de notre itinéraire. Dans chaque rue, Alice me lit avec une volonté sans faille chaque passage concerné. Nous sommes de vraies touristes et je n’aime pas ça.
Avant le départ j’avais rêvé de rencontres inattendues, j’avais rêvé qu’on se greffait au road trip de nouveaux amis fait sur le chemin. Mais cela ne passe que dans les films visiblement.
Les paysages sont très beaux c’est sûr, on a découvert la belle ville de Carthagène et le street art de Getsemani, on a randonné dans le parc Tayrona bordé de la mer des caraïbes bleu turquoise, on a marché dans la jungle de Minca et côtoyé les nombreux toucans qui y vivent. Mais il n’y a pas eu d’étincelles. A défaut de nous rapprocher, j’ai l’impression que ce voyage nous a éloignées. Nos différences n’ont jamais été aussi visibles.
Alice me reproche d’être trop impatiente, trop rêveuse et trop inconsciente lorsque je lui reproche d’être trop rigide et trop peureuse. Décidément, nos personnalités adultes ne sont plus compatibles. J’essaie désespérément de mettre de l'eau dans mon vin pour ne pas lui sauter au visage à la moindre occasion mais lorsque l’on est H24 avec une personne qui nous énerve au plus haut point, se supporter devient très compliqué.
Allongée dans mon hamac dans la cour intérieure d’une belle auberge de Carthagène, je me dis que tout n’est pas perdu. Il nous reste encore une semaine de voyage. Et pas des moindres, c’est la semaine de l’imprévu. On sait juste où on dormira le lendemain puis on se laissera porter par nos envies du moment. On a encore le temps de changer les choses et de rattraper cette relation qui nous file entre les doigts. Je gratte mon avant bras, la plaque d’eczéma n’a cessé de grandir. Il faut que je fasse quelque chose en rentrant en France.
Alice étend ses petites culottes qu’elle vient de laver à la main dans le lavabo de l’auberge. Je sais qu’elle n’aime pas ce manque de confort, ce manque d’espace personnel dans les auberges de jeunesse. Pourtant c’est ce que je préfère, les aléas de la vie en communauté. Les rencontres quotidiennes au détour d’une douche ou dans la cuisine.
Je respire à fond. Oui, cette fois je suis bien décidée à mettre un peu de piment dans ce voyage quoiqu’en dise Alice. Demain, nous partons pour Medellin, notre avion est programmé pour 15h. Je suis sûre qu’on va trouver le moyen de changer le cours des choses.
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