Chapitre 5 - La Bonne Fée
Même s’il s’est vengé de Pétunia, Crégor n’a pas pour autant récupéré sa crinière. Pour rien au monde, il ne souhaite garder cette ridicule queue de lapin. Déjà, les autres centaures se moquent de lui. Naguère le plus séduisant des hybrides, il n’entend désormais que des rires sur son passage. Il décide donc de se rendre à la clairière enchantée "Aux Papillons" afin d’y trouver la Bonne Fée qui y réside. La pluie ayant enfin cessé, il part aussitôt, empruntant un sentier de terre rouge où il marche de longues minutes. L’odeur de l’herbe mouillée et le pépiement des oiseaux accompagnent agréablement sa balade. À l’orée du chemin, il débouche sur une vaste trouée avec en son centre un banc de pierre. Un saule pleureur immense, aux feuilles tombantes, recouvre l’endroit de son ombre.
À quelques mètres, un parterre de fleurs aux couleurs chatoyantes abrite des papillons aux ailes moirées. Crégor s’approche et ils volent vers lui, se transformant en une fée portant une longue robe de satin scintillante.
— Bonne Fée ? demande Crégor incertain.
— Oui, c’est bien moi, confirme une vieille dame au chignon blanc.
— J’espère ne pas vous déranger.
— Pas le moins du monde, dit gentiment Bédélia. Je viens de quitter ma filleule, Cendrillon qui est tellement heureuse avec son prince. La fée ajoute tendrement, je prédis de grandes choses à cette belle jeune femme.
— Oui, hum, sans doute, répond Crégor légèrement décontenancé par cette confidence qu’il n’a pas sollicitée. Il toussote et reprend, j’ai un service à vous demander... Pétunia m’a ôté ma crinière pour y mettre cette queue d’animal. Pourriez-vous y remédier ?
— Rien de plus facile.
La fée relève les manches bouffantes de sa robe et agite sa baguette en direction de Crégor qui recule légèrement inquiet.
— Badibalaboum, que le lapin laisse apparaître le centaure, badibalaboum, que fonctionne merveilleusement mon sort !
Une gerbe d’étincelles rouge et or jaillit de la baguette magique et Crégor constate avec satisfaction que la vilaine queue a laissé place à sa crinière, aussi belle et soyeuse qu’avant.
— Merci Bonne Fée.
— Ce n’est rien, répond-elle d’un ton guilleret. J’espère que désormais Pétunia ne t’ennuiera plus.
— Si elle ne s’en prend pas à moi, ce sera de toute façon pour faire une autre victime.
— Je le crains, approuve tristement Bédélia.
— Il serait temps que quelqu’un remette ces sorcières à leur place ! s’insurge le centaure.
— Je ne m’inquiète pas pour ça, le rassure la Bonne Fée, il y a des écrits, des prophéties… des choses vont changer, mais le moment n’est pas encore venu.
— Que voulez-vous dire ?
— Je ne peux en raconter plus. Tu as retrouvé ton apparence, c’est tout ce qui compte en cet instant.
Et sous les yeux du centaure, Bédélia disparaît, une multitude de papillons prenant sa place. Crégor n’ayant plus rien à y faire quitte la clairière, sa crinière fouettant fièrement l’air derrière lui.
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