Chapitre 18 - Marvin, le feu follet

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Circella assise sur son balai, s’amuse à flotter au-dessus des buissons fleuris, évitant leurs épines empoisonnées et effrayant les insectes s’y dissimulant. Son stage ne commençant que le lendemain, elle ne se presse pas et joue les touristes, observant les différents paysages qu’elle traverse. L’air de ce milieu d’après-midi est sec, sans une brise de vent. Le sable jaune recouvrant le chemin ressemble au désert du Sahara. Circella humecte ses fines lèvres, regrettant de n’avoir pas pris la gourde d’eau en poils de chameau qu’elle utilise habituellement lors de ses voyages. Alors qu’agitant sa baguette en peau de dragon, elle hésite à faire apparaître une glace à la fraise, la magicienne distingue avec reconnaissance un sentier à l’ombre, amenant à la lisière d’une forêt. Les arbres la bordant ont une allure fantasmagorique. Les troncs tordus et bruns penchent lourdement, comme s’ils allaient tomber. Les branches ressemblent à des bras qui tentent d’attraper les pauvres promeneurs égarés et leurs feuillages touffus donnent une étrange impression de claustrophobie. Malgré cette vision peu enchanteresse, Circella est soulagée. Enfin un peu de fraîcheur. Descendant prestement de son balai (qui la suit, voletant entre les arbres), elle s’engouffre dans ce coin sombre. Elle marche entre les bosquets, respirant goulûment l’air chargé d’humidité d’où se dégage une odeur de champignons et de vase.Traversant les bois, elle finit par longer un marais, qu’une brume aérienne semble recouvrir. La sorcière s’en approche, espérant repérer des crapauds. En effet, elle aimerait beaucoup avoir un nouvel animal de compagnie. Alors qu’elle se penche vers l’eau miroitante, une lumière en surgit, légèrement vacillante. Circella, recule de quelques pas, inquiète de cet étrange phénomène. Devant elle, le halo doré se transforme. Deux billes noires habillent la flamme et une ligne droite termine ce qui paraît être un visage.

— Un feu follet ! s’exclame la magicienne.

La créature s’incline.

— Je m’appelle Marvin. J’habite ces marais depuis longtemps. Je suis content d’avoir un peu de visite, car je commençais à m’ennuyer.

La sorcière s’avance vers lui, se demandant déjà quelles potions maléfiques nécessiteraient un esprit de ce genre. Après avoir conclu que le petit être ne lui serait d’aucune utilité, elle décide de poursuivre son chemin sans lui prêter plus attention. Sauf que ce n’est pas du tout ce que souhaite le feu follet, mais alors pas du tout. Délaissant le marais, il flotte vers elle, lui barrant le passage.

— Tu vas où ?

— J’ai des choses à faire, répond sèchement Circella, le contournant et continuant de marcher.

Marvin se met à sa hauteur.

— Quoi comme choses ?

— Ça ne te regarde pas.

— Peut-être, mais je suis curieux. C’est mon défaut. J’aime bien tout savoir. Alors, dis-moi, que vas-tu faire ?

La magicienne s’arrête net et observe l’esprit.

— Si tu continues avec tes questions, je vais ordonner à la pluie de tomber, et tu sais ce qui arrive aux feux follets trempés ?

La couleur miel de Marvin s’estompe légèrement.

— Je disparaîtrais.

— Voilà, tu as tout compris alors cesse de m’embêter.

— D’accord. Pfff, souffle l’adorable démon, tu n’es vraiment pas gentille.

— Les sœurs Sinistrel n’ont pas à être aimables.

— Ah ! Tu es l'une des sorcières, je comprends mieux, remarque malicieusement l’esprit.

— Tu sais qui nous sommes ? interroge Circella avec suffisance.

— Bien sûr. Je vis éloigné de Tourloing, mais je reçois la visite de certains habitants du village.

— Qui ?

— Sacha surtout, et il ne parle pas vraiment de vous en bien.

Le visage de Circella se rembrunit.

— Tu connais le loup ?

— Oui. C’est mon meilleur ami. Il vient me voir de temps en temps. Il me raconte toutes vos mauvaises plaisanteries.

— Tu m’en diras tant. Sais-tu que ton cher compagnon de bavardage n’est pas un ange ? Il ne fait pas partie des gentils.

La couleur du feu follet étincèle, évoluant en une pigmentation rougeoyante.

— Je suis au courant. Sacha se confie à moi, sans rien me cacher. Il est conscient de ses mauvaises actions. J’espère qu’il finira par changer, par être une bonne personne. Mon souhait est de l’aider dans cette démarche.

— Parce que Sacha a envie de devenir quelqu’un de respectable ? ricane Circella.

— Non, avoue son interlocuteur d’un ton déçu.

Un sourire satisfait étire les lèvres de la sorcière qui, ne trouvant plus aucun intérêt à cette conversation, bâille ostensiblement en reprenant sa marche.

Marvin, retourné au-dessus du marais, lui crie joyeusement :

— Tu sais, finalement tu n’es pas si méchante que ça !

Circella, qui ne lui offre que la vue de son dos, agite vaguement la main, ses pensées déjà tournées vers sa formation. Peut-être va-t-on lui apprendre à torturer les feux follets… elle adorerait ça… vraiment !

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