Steve qui était venu à pied chez Angéline ne s’attarde pas en chemin et parvient rapidement devant le château des sorcières. Il y voit le skate de son ami, ce qui lui confirme sa présence. La grille étant ouverte, le prince la passe sans encombre et découvre qu’il en est de même pour la porte d’entrée. Surpris et méfiant, il sort son épée en argent de son fourreau et la tient d’une main ferme.

— Thomas !

Seul un silence pesant le défi.

Steve reste dans le hall, réfléchissant à toute allure. Que doit-il faire ? Où trouver Thomas au cœur de ces immenses pièces ? C’est alors que le prince charmant entend des pas descendre le long escalier lui faisant face. Il reconnait Pétunia dont les talons résonnent de façon funèbre sur les dalles de marbre.

— Tiens, on dirait qu’un seigneur s’est perdu chez moi, remarque l’ensorceleuse avec une grimace de plaisir.

— Où est le chasseur ? questionne Steve vibrant de colère.

— Qui ça ? interroge Pétunia d’un ton de fausset.

— Thomas ! J’étais avec lui quand il a reçu ton message et Agatha est rentrée. Je sais que son père est venu la délivrer, j’ai aperçu son skate dehors ! Je te demande donc une dernière fois, où est mon ami ?

Une lueur de ruse mauvaise traverse le regard de la sorcière.

— Tu as raison, Thomas est bien mon prisonnier. Il a pris la place de sa fille. Mais lui, je ne l’échangerai contre personne ! Alors tu peux t’en aller… ou mourir.

— Je ne partirai pas !

— Je vois… la mort donc, confirme Pétunia.

Elle écarte d’un geste négligent un grain de poussière sur sa manche, signifiant ainsi que, pour elle, la fin de cet homme n’est rien. Puis semblant se raviser, elle darde un regard provocateur sur le prince.

— Serais-tu prêt à tout pour revoir ton ami ?

— Oui, pour le sauver de toi, je serais capable de donner ma vie.

— Bien, car ça risque fort d’être le cas.

Pétunia claque des doigts et une statue de pierre au visage figé dans le granit s’avance vers elle d’une démarche lourde.

— Je te présente mon garde du corps. Si tu arrives à le battre, je te remettrai Thomas. Si tu perds… la sorcière émet un gloussement de petite fille, eh bien, c’est un combat à mort alors si tu échoues…

Le prince charmant n’a pas vraiment le choix. Il prend aussitôt une posture d’attaque, les jambes écartées, légèrement fléchies et l’épée en avant. Face à lui, la statue fait de même.

Le duel commence.

Le hall du château résonne des bruits de lutte. Les lames s’entrechoquent et Steve halète sous l’effort. Pétunia qui observe la scène, applaudit à chaque impact porté par son guerrier. Mais c’est Steve qui donne le coup de grâce, il rate malencontreusement le cœur, mais vise quand même juste au-dessus. La statue s’ébranle légèrement puis s’écroule par terre, se brisant en mille morceaux dans un fracas assourdissant. L’ensorceleuse pousse un petit cri, et, surpris, Steve y reconnait non pas de la détresse, mais du triomphe. Hélas, il devine vite pourquoi. La sculpture en pierre s’évapore, laissant apparaitre le corps de Thomas. De la magie noire ! Le prince charmant comprend qu’il a été victime d’un artifice. Horrifié, il réalise avoir assassiné celui qu’il était venu sauver. Il s’écroule sur le sol, retenant à grande peine ses larmes et gémissant.

— Qu’est-ce que j’ai fait, mon Dieu ?!

Derrière lui, son ennemie jubile.

— Tu as tué ton meilleur ami.

— Tu m’as piégé ! se lamente Steve.

Pétunia hausse les épaules. Elle a eu ce qu’elle voulait. Thomas est mort, le reste l’indiffère complètement. D’un geste de la main, elle congédie le prince charmant.

— Je te laisse récupérer le corps de ton compagnon. Tu vois, comme promis, je te le rends.

Et lui tournant le dos, elle quitte le hall dans un froufroutement de soie.