Chapitre 39 - Alice au pays des soeurs Sinistrel
Alice essuie ses mains boueuses sur le tablier blanc noué à sa taille. Elle lance un regard mi-agacé, mi-boudeur à son compagnon.
— Tu es un vilain matou, arrête tes bêtises.
Goguenard, le chat s’élève dans les airs et se met à hauteur du visage de la fillette.
— Sincèrement, je suis navré. Cette flaque de boue m’a de suite donné envie de m’amuser.
— Je ne trouve pas ça drôle, maugrée Alice, me jeter de la gadoue dessus c’est juste salissant et en plus je vais me faire gronder par maman quand elle le saura.
— Oh, je suis certain que la Reine Cœur ne te dira rien. C’est vrai, remarque le chat, elle veut couper la tête de tout le monde, mais toi tu es sa fille chérie…
Alice hausse les épaules et reste silencieuse ne souhaitant pas avouer à son ami que bien souvent elle a droit à la fessée.
Au détour du chemin, un château aux tours noires et à la façade décrépite apparait. Alice s’arrête devant les grilles fermées et pose ses deux mains blanches dessus essayant de les ouvrir. C’est alors qu’elle remarque un cadenas rouillé qui maintient le tout.
— À qui est cet endroit ? questionne l’enfant qui repousse une mèche blonde de son visage.
— Mais aux sœurs Sinistrel, répond le chat, surpris de son ignorance.
— Qui sont-elles ?
— Il s’agit de deux vilaines sorcières. L’une d’elles est morte il y a peu de temps… la plus jeune, je crois, ajoute l’animal songeur.
— Oh, c’est triste, puis après un instant de silence elle demande d’une petite voix, tu as dit qu’elles étaient méchantes, mais… autant que maman ?
Le chat, songeur, observe sa maîtresse.
— Beaucoup plus.
Alice baisse les yeux et préfère détourner la conversation.
— Le jardin est immense. Il y a beaucoup de fleurs, j’aimerais bien y entrer, ça me rappelle la maison.
— Le Pays des Merveilles me manque à moi aussi, murmure l’animal exhalant un profond soupir.
— Peut-être que si on demande gentiment, la sorcière nous laissera visiter le parc. Ça me ferait tellement plaisir de sentir l’odeur des roses.
— Ce n’est pas une bonne idée. Viens, j’entends du bruit, partons.
Alors que l’enfant et l’animal rebroussent chemin, la porte d’entrée du château s’ouvre avec fracas et une jeune femme en sort, courant et pleurant à la fois. Derrière elle, une ombre à la voix croassante hurle :
— Anastasie, reviens ! Tu ne peux pas t’enfuir !
— Je refuse d’être une sorcière, je veux rester telle que je suis ! Et j’ai déjà une sœur ! Je ne veux pas devenir la vôtre.
— Tu ferais mieux de te montrer plus obéissante, sinon je te transforme à nouveau en rosier, comme lorsque ta sœur est venue te chercher pour te ramener auprès d’elle !
Alice et le chat s’écartent discrètement de la scène, mais l’animal de compagnie n’a pas perdu une miette de la conversation.
— Hum, tiens, voilà qui est intéressant.
Et suivant sa jeune maîtresse, il rebrousse chemin.
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