La blouse du mardi
Chaque mardi, Murielle, la prof de chant, vient nous faire cours, les CP - CE1. Elle se positionne face à nous et brandit ses petites mains dodues. L’échauffement va commencer. J’ignore le visage de la dame. En revanche, son buste occupe tout mon champ de vision. Murielle est courte et large. Elle se présente chaque semaine dans la même tunique ample bleu marine à motifs roses et rouges, boutons fermés de haut en bas.
Dès que mes yeux accrochent le tissu en question, je me retrouve enfermée dedans. D’un côté, cela m’arrive chaque mardi, donc ça a un côté rassurant, comme un retour à la maison. Pourtant, j’avoue passer un sale quart d’heure. La blouse a ce côté méchant. C’est un piège. La blouse me rappelle que je ne suis qu’une enfant, et que parfois, Yolande me tire les oreilles. Pendant que Madame nous demande de bâiller et de prononcer les voyelles “A, O, I, U”, mon regard se fatigue sur les motifs recouvrant son abdomen épais. Mes yeux ne sont plus capables de passer à autre chose, et l'écoeurement arrive tôt ou tard. Puis, je commence à avoir honte. Une inattention, et c’est fichu. La remarque va tomber, je serai démasquée. Elle verra que je me suis fait pipi dessus. En plus d’être humide et de sentir mauvais, je serai montrée du doigt et moquée. Maudite soit la robe qui habille le mardi. Mon regard s’est pris dedans et mes cordes vocales ont déraillé.
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