Chapitre ---
Audience de Rosalie, lieu, heure et date inconnus.
– Quand et comment avez-vous compris qu'il connaissait Astrasel Noé ?
– Le jour où j'ai malheureusement laissé échapper que cet homme me paraissait fou. Je savais déjà qu'il l'admirait et l'avait croisé lors de réceptions, mais... sa colère après ça ! Il m'a dit que je ne le connaissais pas, que je n'avais pas à le juger, que Noé était un génie incompris de tous.
Rosalie s'interrompit pour boire une gorgée d'eau fraîche. Sa gorge restait pourtant sèche, à force de parler et d'étaler ainsi sa vie au grand jour.
Elle reposa le verre d'une main tremblante. EM lui adressa un regard compatissant – un de plus, que Rosalie ne prit pas la peine de rendre.
Elle voulait faire disparaître cette femme et tous les autres. Ne comprenaient-ils pas qu'elle en avait assez ? Qu'elle était épuisée de repenser sans cesse à cette histoire, que des journalistes lui avaient rappelée encore ce matin en l'attendant au coin de la rue ?
– Et ensuite ?
– Il est parti. Il m’a laissée tomber alors que j’avais besoin de lui. Comme je n'arriverai pas à me défaire de l'idée qu'il fréquentait cet homme, je l'ai suivi pour en être certaine. Mais je l'ai perdu dans la foule.
– Mais il a fini par avouer.
– Oui. Il était en quelque sorte devenu son assistant, et qu'il projetait de quitter son travail actuel pour se consacrer à plein temps à « ses nouveaux objectifs », comme il disait.
AS ne répondit pas. Il croisa ses mains devant son visage, connaissant déjà l’évidence. Rosalie continuerait son récit. Il avait raison, elle ne parvenait pas à s'arrêter. Vider son sac, même si c'était à de parfaits inconnus. Expliquer les choses de son point de vue, raconter ce qu'elle avait subi, qu'on s'intéresse enfin à sa personne et non pas à ce traître qu'elle avait désormais en horreur.
– Vous l'avez soutenu ? Dans son envie de changer de voie ?
– Changer de voie ? Dans sa folie, oui ! Astrasel Noé se fichait des règles, la couronne ne le tenait qu'à peine en laisse. Et voilà qu'il se mettait à embrigader d'autres personnes !
– Vous savez bien que c'est le contraire. Ce nouvel assistant l'a supplié de le laisser travailler à ses côtés.
– Mais Noé était bien content d'avoir quelqu'un pour hocher la tête à chacun de ses délires.
AS hocha lui aussi le menton. Rosalie lui aurait bien flanqué une gifle.
– Revenons-en à votre réaction.
Elle haussa les épaules.
– Je n'avais pas le choix que d'approuver. Il était trop têtu pour entendre raison et il était sur le point de perdre son travail à cause de ses absences répétées – chose que j'ai découverte par hasard ! Il faut être deux pour s’en sortir.
Même si à l'arrivée, Rosalie s’était bien retrouvée unique maîtresse à bord, à devoir composer avec de moins en moins d’argent.
Forcément, au bout de plusieurs mois, les problèmes avaient débarqué. Rosalie ne pouvait pas nourrir tout le monde et payer les factures.
Elle se retrouvait seule pour affronter cela. Eux qui étaient si proches, étaient devenus de parfaits inconnus.
Rosalie soupira – encore.
– Est-ce qu'on peut faire une pause ? Je meurs de faim.
– Bien sûr. Nous reprendrons dans une heure.
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