5 - Samuel

5 minutes de lecture

.

Samuel

.

   Dans la salle de bain accolée à ma chambre, je frictionne avec douceur le dos de Damian qui vient de vomir pour la troisième fois d'affilée. Vomir est un bien grand mot, puisqu'il ne lui reste actuellement plus rien à renvoyer. Une simple bile acide jaillit de ses lèvres tremblantes pour aller rejoindre le fond de la cuvette. Penché en avant, il tousse, et je constate qu'une partie de son renvoi est passé par ses narines.

C'est dégueulasse.

— Est-ce que ça va ?

Il tousse, et s'essuie le bas du visage d'un revers du bras, étalant ce qui lui maculait le visage sur la main et le poignet. Il a un teint blafard, un regard totalement perdu, et une expression entre l'hébétement et la profonde tristesse.

— Je peux avoir de l'eau ?

J'opine, et vais lui chercher la bouteille sur ma table de nuit.

Nous avons dû mettre bien trente minutes pour rentrer de chez Julio, qui habite pourtant à deux rues d'ici. Damian a trébuché et est tombé plusieurs fois, s'est écorché les genoux et une partie de la joue, que je vais devoir désinfecter une fois qu'il aura terminer de se vider. Sur le chemin, j'ai envoyé un message à sa sœur pour la prévenir qu'il dormirait chez nous ce soir, et en ai tenu deux mots à Rafaël, que nous avons croisé dans la cuisine. À la vue de Damian, il a secoué la tête d'un air désapprobateur, et m'a indiqué de lui donner un aspirine avant de le mettre au lit, avant de me tendre un saladier ''au cas où''. J'ai vu dans ses yeux qu'il était déçu : qui ne le serait pas ? J'avais promis de rentrer assez tôt pour être frais demain matin, j'ai finalement failli à cette promesse.

Damian boit quelques longues gorgées trop vite, en revomit une partie, puis finit par se lever et s'asseoir sur la cuvette, la tête entre les mains.

— Bouge pas, je vais m'occuper de ton visage et de tes genoux.

— On peut pas le faire demain ? Je suis fatigué.

Je secoue la tête, attrape un coton et du désinfectant avant d'en vaporiser sur ses genoux. Il gronde, surtout quand j'applique la compresse, et commence à se tendre lorsque j'attrape son menton pour pouvoir mieux observer son égratignure à la joue.

— Tu t'es pas loupé.

— Ça pique ta merde.

— Continue de me gonfler et je t'en fous un coup dans les yeux.

— T'oserais pas.

— Ah ouais ?

Je hausse les sourcils, et il baisse les yeux.

Après l'avoir désinfecté, j'entreprends également de le démaquiller, pour éviter qu'il ne mette du bleu et du rouge partout dans mon lit.

En quelques secondes, tout est nettoyé et je le prie d'enfiler le pyjama improvisé de la dernière fois que j'ai eu la présence d'esprit de garder au cas où.

Il s'habille dans la salle de bain, et moi dans la chambre, puis me rejoint et observe ma chambre d'un long regard.

— Il est où le tapis de gym ?

— C'est bon, prend la partie gauche de mon lit, ça le fera bien.

Il se tord les mains, et j'ai envie de le secouer.

— Tu m'a léché le cou, je te rappelle.

— Oui mais...

— Dam, il est presque quatre heure trente là, alors tu te fous sous la couette, et tu arrêtes ton cirque parce que là tu me casses les pieds.

Il ne bataille pas plus, et s'enfouit enfin sous les couvertures, le visage tourné vers le plafond. Je le rejoins, branche mon portable, puis éteins les lumières.

Sa respiration à côté de moi m'est inhabituelle, et j'essaye de comprendre pourquoi elle est si peu régulière.

— Tu as un saladier à côté de toi au cas où ça remonte.

— Merci.

— Tant que tu vomis pas dans mon lit, moi ça me va.

— Non, merci pour m'avoir aidé tout à l'heure.

Je me tourne vers lui, et bien que le noir nous enveloppe, j'essaye d'imaginer son expression. Je vois bien quelque chose d'embarrassé et de contrarié, avec un poil de gratitude, très loin au fond de ses deux yeux verts.

Il se tourne à son tour vers moi, quittant la contemplation du plafond pour imaginer lui aussi, la forme de mon sourire et l'état de mes yeux.

— C'est normal Damian.

— Non, tout le monde l'aurait pas fait. Je veux dire, pas beaucoup de monde se soucie du puto qui se fait tripoter sur le canapé de Julio.

— Bah moi si. Et t'es pas un puto ou je sais pas quoi là. Moi je pense que t'es juste paumé.

— Hein ?

— Rien, t'façon tu t'en souviendras pas demain matin.

Il reste silencieux un petit moment, avant de reprendre.

— J'aime mieux quand tu m'appelles Dami. Ariana aussi m'appelle comme ça quand elle est pas en colère.

Un sourire étire mes lèvres, et je tends le bras pour toucher son épaule.

— Pourquoi elle est en colère ?

— Parce que je fais que de la merde tout le temps. Comme ce soir.

Un frémissement dans sa voix m'informe que c'est un sujet sensible pour lui, alors je n'insiste pas. À la place, je lui étreins une dernière fois l'épaule, et commence à ramener ma main vers moi, lorsqu'il l'attrape au vol.

— Tu m'en veux pas hein ? s'enquit-il avec inquiétude.

— T'en vouloir de quoi ?

— Pour la danse, et la tequila, et tout ça. je suis désolé putain.

Un trémolo agite sa voix, et je devine les larmes qui dévalent sur ses joues, les même qui viennent d'agiter sa voix. Sa main se cramponne à la mienne, tandis que les sanglots l'agitent.

Il est totalement ivre, et je ne sais pas comment gérer.

Avant ce soir, je n'avais jamais participé à aucune soirée, je n'avais jamais bu, je n'avais jamais fais de ''tequila paf''. Alors maintenant que je me retrouve avec Damian totalement bourré allongé à mes côtés, je ne sais pas vraiment quoi faire.

Je tends la main pour caresser sa joue, et constate effectivement quelques perles salées échouées le long de son visage.

La peine me tord le ventre, et je constate alors que j'assiste à un déclin, une facette de Damian que je ne connaissais pas encore. Le regret le submerge, alors qu'il me supplie de le pardonner. Je le console, du mieux que je peux, essaye de comprendre pourquoi il se met dans un état pareil.

— Tu seras encore mon ami demain ?

— Oui, Dami. Oui. maintenant il faut que tu essayes de te reposer pour évacuer tout ça.

Je l'entends murmurer quelques mots.

Il tient toujours fermement ma main et ne la lâche pas, même lorsqu'il me souffle un léger « Bonne nuit Sam » presque éteint.

— Bonne nuit Dami.

Je caresse une dernière fois ses cheveux trempés de sueur.

Et surtout, je ne lâche pas sa main.

Annotations

Vous aimez lire Cirya6 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0