Chapitre 2 - Réception au château

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Après la cérémonie religieuse, l’assistance était restée un long moment à Saint Félix pour les incontournables photos protocolaires et d’innombrables selfies. Brigitte et Philippe s’étaient assez rapidement éclipsés pour repasser au domaine familial avant la réception de mariage. Brigitte avait échangé sa robe sage pour un ensemble beaucoup plus glamour, mettant en valeur sa silhouette et ses charmes. Philippe avait de son côté opté pour un costume sombre et de coupe classique.

« Qui as-tu l’intention de séduire ce soir ? demanda le médecin en admirant son épouse.

— Je ne sais pas encore ! Ton cousin Loïs n’est pas mal, si on aime le style aristocrate prussien. Il n’est pas marié que je sache, et je n’ai pas vu de femme avec lui.

— Nous sommes tous convaincus qu’il est gay, mais qu’il n’ose pas l’assumer en famille.

— Tu me donnes des idées. J’ai ta permission ?

— Tu veux que le vieux Karl ait une attaque ? Le fils du Landgrave von Schliemann qui se fait draguer par sa cousine !

— Par alliance, ça ne compte pas. Et puis, ça se fait dans l’aristocratie, non ? Sa sœur a épousé un roturier, c’est bien plus grave.

— Oui, une erreur de jeunesse, mais réparée maintenant, corrigea Philippe.

— Tu parles, la particule de ce Mas-Thomier ne date que du second empire.

— Quelle importance, mon meilleur ami est un roturier, pur républicain, même pas bonapartiste. Si j’avais un fils, il serait son parrain.

— Pour avoir un parrain, il lui faudrait un baptême, je te croyais athée ! Bon, tu préfères le jeune Pierre ? Lui aussi était seul à ce qu’il m’a semblé.

— Je ne te savais pas cougar. Ça pourrait être amusant, j’imagine les yeux de Ségolène.

— En tout cas, je n’ai pas l’intention d’être la gentille belle-fille bien sage et prévois de conduire au retour, je ne vais pas me contenter d’eau gazeuse. »

Le mariage se poursuivait dans un château appartenant à la famille Mas-Thomier. Plus précisément, dans le parc du château car la construction très ancienne n’était pas en mesure d’accueillir les nombreux invités dans des conditions décentes. Un grand chapiteau avait été dressé au milieu d’une vaste pelouse, sous lequel le couvert avait été mis. Brigitte fit un rapide calcul et arriva à près de trois cents personnes. Plusieurs tentes plus petites abritaient des bars et des buffets. Sous un dernier barnum, un petit groupe de musiciens jouait des airs d’ambiance insipides. Brigitte reconnut son beau-frère, entouré de quelques militaires de rang inférieur. Le cousin Michel, en tenue de clergyman était en conversation avec Loïs von Schliemann. Son père, le Landgrave, s’entretenait avec le père de Philippe et deux autres hommes de leur âge. De jeunes enfants couraient entre les groupes, poursuivis par des jeunes filles. Les baby-sitters, pensa Brigitte. Des adolescents étaient rivés à leur portable, multipliant des photos immédiatement partagées avec le monde entier.

« Tu m’offres à boire ? demanda Brigitte à son mari. »

Philippe fit un imperceptible signe qui attira immédiatement l’attention d’un serveur, en tenue de laquais, qui se précipita avec un plateau chargé de verres remplis. Brigitte prit une flute de champagne, Philippe se contenta d’un verre de Perrier.

« Qu’est-ce que tu crois que ton cousin Michel a en commun avec Loïs ? demanda Brigitte en désignant les deux hommes.

— Rien, justement, c’est pour ça qu’ils ont tant de choses à se dire.

— Tu crois qu’il essaie de le ramener dans le droit chemin ?

— Connaissant Michel, certainement pas. Il est bien trop intelligent pour ça, mais je pense qu’ils peuvent avoir une conversation très érudite sur les philosophes allemands, Silesius peut-être ou bien Leibniz ou encore Kant.

— C’est trop ennuyeux pour moi, déclara Brigitte, je vais attendre qu’il soit un peu plus alcoolisé.

— S’il n’a pas changé, ça ne saurait tarder. N’attend pas trop !

— Je vais aller glaner quelques potins, on se retrouve plus tard. »

Brigitte abandonna son mari pour aller se mêler aux autres invités. Elle repéra un groupe dans lequel sa belle-sœur Sophie était en conversation avec d’autres femmes que l’avocate ne reconnaissait pas.

« Tu ne m’avais pas dit que tu avais prévu une autre tenue pour la soirée, entama celle-ci. Cet ensemble te va à ravir, il met en valeur ta silhouette. »

Si tu savais tout ce que je ne te dis pas, pensa Brigitte. C’est pas avec ton cul de jument que tu pourrais porter ça, c’est sûr.

« Je te présente Marie-Cécile, une amie de Ségolène et Anne-Laure, qui est une cousine éloignée de nos maris, reprit la femme de l’Amiral. Brigitte est la femme de Philippe, un brillant chirurgien.

— Je suis accessoirement avocate, au barreau de Paris, compléta Brigitte avec perfidie.

— Ce n’est pas vous qui avez défendu cette femme, il y a quelques semaines, il me semble vous avoir vue à la télévision.

— Oui, en effet. Je n’ai pas pu obtenir son acquittement, elle a quand même tué son mari, mais elle sortira très vite.

— Tout de même, c’est une meurtrière ! s’exclama Sophie.

— Oui, mais son mari ne se contentait pas de la battre régulièrement, il aimait aussi beaucoup les petites-filles. Alors je crois qu’elle a fait ce qui lui semblait juste.

— Comment réagit Philippe quand il vous voit comme ça au premier plan ? demanda Anne-Laure.

— C’est à lui qu’il faut le demander, mais je crois qu’il est assez fier. Ceci dit, il n’assiste pas aux procès, je me débrouille très bien sans lui, j’ai d’excellents assistants, répondit Brigitte provocatrice.

— Ça doit être excitant de se retrouver ainsi sur le devant de la scène, dit Marie-Cécile. »

Oui, c’est autre chose que ton club de bridge et tes parties de golf, pensa Brigitte.

« En effet, une plaidoirie d’assises demande une bonne dose d’adrénaline, et après, rien de tel qu’une bouteille de champagne pour faire baisser la tension. »

Et une bonne partie de jambes en l’air, ajouta-t-elle en elle-même.

« D’ailleurs, mon verre est vide ! Vous voulez quelque chose ? »

Sans attendre de réponse, Brigitte s’éloigna vers un serveur esseulé. Dotée d’une flute pleine, Brigitte reprit son errance jusqu’à un groupe de jeunes gens des deux sexes.

« Tante Brigitte, tu es superbe, lui déclara l’une de ses nièces admirative. Maman n’aurait jamais accepté que je vienne habillée comme ça, mais sur toi, c’est magnifique.

— Je te remercie ma chérie, répondit l’avocate à sa nièce Marie-Sarah, la sœur de la mariée. De quoi parlent des jeunes gens de votre âge dans de telles réunions ? Tu as passé ton bac cette année, je crois. Qu’est-ce que tu vas faire à la rentrée ?

— Oui, j’ai obtenu une mention Bien. Je ne m’y attendais pas. Je me suis inscrite en Droit, à Toulouse.

— Tu veux devenir avocate ou magistrate ?

— Je ne sais pas encore, j’ai suivi ton dernier procès, tu as été géniale. Dommage que les plaidoiries ne soient pas diffusées sur internet. J’aurais aimé voir ça.

— Je pourrai te prendre en stage, le moment venu. Et si tu préfères l’autre côté, j’ai une bonne amie au Parquet de Castres. Et vous, les garçons ?

— Je suis en prépa à Pierre de Fermat, à Toulouse aussi, dit l’un, que Brigitte ne connaissait pas.

— J’ai réussi le concours du PACES, répondit un autre, mais à Montpellier.

— Et toi ? demanda Brigitte au dernier, qui ne semblait pas vouloir s’exprimer.

— J’en ai rien à foutre des études, je vais partir faire le tour du monde et m’éclater dans des pays où on peut encore faire la fête. »

C’est vrai que quand tu reviendras, une place t’attendra dans la boîte de papa, pensa Brigitte.

« Je pourrai venir te parler un peu plus tard, plus au calme ? demanda Marie-Sarah.

— Mais oui, bien sûr, mais ne tarde pas trop, je ne serai peut-être plus en état de te répondre, dit Brigitte en levant sa coupe vide. »

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