La rage des perdants
Je ne peux plus le supporter. Tous les soirs, il est là, face à moi, avachi, une bière à la main. Et il reste là pendant des heures à me fixer avec cet air stupide. Il est laid, il est vulgaire. Et ça rote, et ça pète, et ça mange comme un porc. J’ai envie de lui cogner dessus, de lui enfoncer la tête dans sa pizza. Mais je reste là, impuissante et résignée.
Qu’ai-je donc fait pour mériter ça ? Moi qui ai toujours rêvé de liberté, de grands espaces, pourquoi suis-je condamnée à cette vie médiocre, à ce triste enfer quotidien ? Que la destinée peut donc s’avérer sombre et injuste !
Il se lève, approche et tend vers moi son doigt gras et sale. Je frissonne de dégoût. Je ne supporte plus qu’il me touche. Il finira par s’endormir. Je bénéficierai alors de quelques heures de répit. Et je rêverai, imaginant mille destinations paradisiaques.
Bientôt tout cela sera fini. Bientôt, je partirai. Pour de bon.
Loin, très loin.
Jusqu'au cimetière des téléviseurs.
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