Chapitre 5 - Liliane Bosc, la légiste
Ce chapitre est le cinquième d'un polar écrit à plusieurs mains initié par Julien Neuville dont vous retrouverez l'intégralité du texte ici : https://www.atelierdesauteurs.com/text/749008690/carpe-diem--l-histoire-dont-vous-faites-les-heros---
Comme à son habitude Liliane avait pris son service de bonne heure et sirotait son premier café-cognac indispensable à son réveil matinal. Être ainsi entourée de morts à longueur de journée ne poussait pas vraiment à la joie de vivre, mais Liliane était plutôt une déjantée. Elle avait choisi la médecine légale un peu par dépit, elle n'aurait jamais à regretter d'avoir tué quelqu'un par inadvertance après une soirée trop arrosée dont elle avait le secret.
Consciente d'être devenue alcoolique avec le temps, elle n'en était pas prête à changer ses « bonnes » habitudes pour autant. Café-cognac vers 6 h, une eau pétillante aromatisée de Gin à midi, un deuxième café-cognac vers 15 h et une demi-bouteille de Whisky en rentrant chez elle, histoire de bien décompresser de la journée. Âgée d'une cinquantaine d'années, elle était malgré tout toujours très soignée et attirante. Elle ne ressemblait pas du tout à ce dont on pouvait s'attendre d'une ivrogne. Sa silhouette sculpturale, sa queue-de-cheval parfaitement lissée et ses lunettes Dior en faisaient un parfait mannequin de spot publicitaire.
Elle reçut un appel du central, lui demandant de se rendre au plus vite sur les lieux d'un meurtre en haut de la tour Carpe Diem, véritable citadelle de béton, de métal et de verre des Ateliers InVivas. Elle s'y fit conduire par un agent en service et s'alluma une cigarette en bas de la tour avant de décrocher son téléphone, appelant sa confidente et amie, l'inspectrice Evra, chargée de l'enquête.
Le premier bip retentit, suivit d'un second, Charlotte décrocha.
- Allô, où es-tu? On t'attend ici!
- Salut ma belle, figure toi que je suis en bas de ta fameuse tour en train de fumer une clope. Tu sais comment je suis si je n'ai pas ma dose de café et de nicotine, répondit-elle d'un ton enjôleur.
- Oui, Liliane, je sais surtout que sans ton petit cognac, tu ne sais pas démarrer !
- Olala ma jolie, tu as encore passé une mauvaise nuit, je l'entends à ta voix. C'est le petit qui fait encore ses dents ?
Il y eut un silence, comme si Charlotte essayait de retenir une montée émotionnelle inopportune dans ces conditions. Elle expira lentement et parla d'une voix plus calme.
- Oui, tu as deviné. Dépêche-toi de monter s'il te plaît, j'aimerais quitter ce carnage au plus vite pour faire mon rapport et commencer l'enquête.
- Pas de soucis ma mignonne, j'arrive.
Arrivée au dernier étage de l'édifice, Liliane salua Anthony qui la laissa passer sans un mot.
- Ah et elle, c'est qui ? Demanda Nicolas Bianchi, dont la patience commençait à atteindre ses limites.
Il s'était levé le doigt tendu vers la nouvelle arrivante qui avait si facilement passé la garde du policier.
- C'est la médecin légiste, Monsieur Bianchi, veuillez vous asseoir et rester calme ou nous serons dans l'obligation d'utiliser des moyens plus dissuasifs.
L'homme obtempéra marmonnant dans sa barbe.
- Ah, enfin! Bienvenue en enfer, lui lança Charlotte d'un air découragé.
- Ne t'inquiète pas ma grande, tu sais bien qu'avec moi, c'est vite fait bien fait, dans tous les sens du terme, fit-elle, la mine égrillarde. Et tu sais bien qu'avec toi, c'est quand tu veux, tu as sûrement besoin de décompresser un peu, non ?
Charlotte, connaissant bien son amie, lui rendit un sourire amusé.
- Je pensais que tu préférais les hommes.
- Détrompe-toi, j'aime tout ce qui donne du plaisir et je dois t'avouer que ta bouche pulpeuse et tes seins volumineux me donnent très envie d'y goûter.
- Bon, allez, maintenant soyons sérieuses. Peux-tu examiner la scène qu'on en finisse ?
- Pas de soucis mon ange, mais penses-y, tu serais bien étonnée de ce qu'une femme pourrait te faire ressentir.
Elle lui fit un clin d’œil plein de concupiscence et enfila ses gants de latex, ses lunettes de protection et un masque buccal.
Elle commença par examiner les parties génitales manquantes du défunt patron de l'entreprise. Puis remonta vers son visage toujours tourné vers le plafond. Elle dû extraire un poisson bleu de la gorge du mort et examina, pour terminer, les alentours à la recherche d'autres indices macabres. Elle prit entre ses mains la verge humide dans l’aquarium et l’emballa à fin d'analyse.
Elle retira ses gants et s'entretint à part avec Charlotte.
- Écoute, tout ceci est très étrange. Je dois dire que je n'avais encore jamais vu ça. Bien entendu, je ne suis pas encore certaine de tout ce que je vais te dire avant d'avoir analysé le corps et les échantillons au labo, mais je peux deviner que le meutrier lui en voulait terriblement. Il n'y a pas de trace de lutte, il connaissait bien celui ou celle qui l'a assassiné. Il était déjà nu lorsqu'on l'a tué. Je ne sais pas pourquoi, mais mon instinct me crie que c'est une femme que tu cherches. De toute évidence, son sexe était en érection lorsqu'il a été tranché, mais je ne peux pas déterminer si c'était avant ou après la mort. A priori, les deux événements sont extrêmement proches.
Charlotte d'abord songeuse la poussa à continuer la présentation de son analyse.
- Le poisson dans sa gorge est, curieusement, un poisson-chirurgien bleu. Son dos est couvert d'épines coupantes en forme de scalpel situées à la base de sa queue. De plus, ces épines sont recouvertes d’un mucus venimeux qui peut causer de fortes douleurs. Et j'ai découvert que la personne qui lui a inséré dans la bouche, c'est coupée sur son appendice caudal. Je t'enverrai l'analyse du sang retrouvé sur ses pointes.
- Ah enfin quelque chose d’intéressant ! s'exclama Charlotte excitée par cette découverte.
- Attends, parle plus bas ma colombe, ce n'est pas la meilleure chose que j'ai à t'apprendre. Quelqu'un a dû déplacer quelque chose avant que vous arriviez ici. J'ai trouvé une fine traînée de sang allant vers le bureau. Quelqu'un s'est empressé d'y prendre quelque chose et peut-être même qu'elle est toujours ici...
- En effet, c'est inattendu. Merci pour tout Liliane. Tu peux remballer tes affaires, Anthony va te ramener au labo pour que tu puisses commencer les analyses. On te fait transférer le corps dans l'heure.
Liliane Bosc se déhancha magistralement pour se baisser, ramassant sa mallette et laissant imaginer ce qui se trouvait (ou pas) sous sa mini-jupe. Elle jeta un regard lubrique à Anthony dont les joues s'empourprèrent. L'homme fit mine de se ressaisir, mais il était certain de passer à la casserole avant ce soir celui-là, se dit-elle déjà toute excité.
- Alors mon poussin, tu me ramènes au labo, il parait. Je t'offre un café dans mon bureau quand on y sera si tu veux...
Charlotte resta pensive devant le tableau sinistre dessiné par ce tueur amateur, un crime passionnel ? Une vengeance ? Ou cela dissimulait-il autre chose ?
*
Chapitre suivant: Charlotte Evra
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