3. Coup de Feu
Tom roulait à fond sur son vieux vélo, sac de sport dans le dos, direction le vieux gymnase dans lequel jouait son équipe de handball. D'une rue à l'autre, dans cette banlieue marseillaise, il empruntait tantôt la route, tantôt les trottoirs, esquivant les voitures et les passants. Cela dit, le trafic était moins dense qu'en semaine et il put rouler librement et rejoindre sa destination sans prendre de retard. En arrivant, il fut accueilli par le gardien du gymnase, un vieil homme souriant.
— Alors mon p'tit Tom, prêt à jouer aujourd'hui ? C'est pas un match facile à ce qu'on m'a dit.
— Non c'est sûr, on joue la meilleure équipe de la poule, mais on va tout donner comme d'habitude, répondit le jeune garçon avec enthousiasme.
— Ça j'en doute pas. Mais dis-moi, ça te fatigue pas d'entrée, de faire la route en vélo ? Faudrait garder du jus pour le terrain quand même.
— Non ça va, j'habite pas si loin, ça m'échauffe à peine. Et puis j'ai pas le choix, c'est pas comme si on avait les moyens d'avoir une voiture avec ma mère.
— Ah oui c'est sûr... D'habitude ce sont plutôt les parents un peu friqués qui se permettent de payer une licence dans un club de sport pour leur gamin. Au fait, ajouta-t-il, elle ne vient pas te voir jouer ?
— Si, pour une fois. Elle est en congé cette semaine. Elle arrive un peu plus tard.
— Super, ça ! Joue à fond bonhomme, rend-la fière de toi, montre lui qu'elle a eu raison d'investir dans ta licence, dit-il dans un rire gras.
— Bien sûr qu'elle a raison, lança Tom avec amusement. J'y vais, on va pas tarder à commencer.
— Ok champion, cours, va rejoindre tes camarades ! Bon courage !
— Merci !
Tom s'empressa de ranger son vélo dans le local des équipements, à défaut de posséder un antivol. Il rejoignit le vestiaire pour saluer coach Momo, ses coéquipiers et parmi eux, son meilleur ami Quentin. Il enfila ensuite le maillot de l'équipe, bleu et blanc, numéro 17. Toujours le même depuis ses débuts.
— C'est bon, tout le monde est en tenue ? demanda Moktar, alias Momo. Parfait. J'ai deux mots à vous dire avant de commencer.
À partir de cet instant, un silence total laissa chaque mot du coach résonner dans le vestiaire. Il éleva alors la voix.
« Les gars, ce match là n'est pas un match comme un autre. S'il y en a un à gagner, c'est bien celui-là. Nos adversaires sont au sommet du classement et ont mis des fessées à toute la poule, une équipe après l'autre, à commencer par nous. Mais c'était il y a plusieurs mois maintenant. Entre temps, nous avons tous progressé, surtout les nouveaux. J'ai confiance en vous les gars, ça va pas être un match facile, mais on a les moyens de l'emporter si on se donne tous à fond !
Il frappa du poing dans la paume de sa main, les sourcils froncés.
« Si on gagne, on se maintient à la quatrième place et on garde une chance de se qualifier pour les demi-finales. Mais si on perd, on risque d'être dépassés, et il nous restera plus que quelques matchs pour remonter, on se trouvera en mauvaise position. Compris ? C'est maintenant ou jamais les gars !
Il pointa le sol du doigt.
« On est chez nous et on va leur montrer d'entrée de jeu comment on joue, ici ! On leur rentre dedans, on leur fout la tête dans le sac et fin de l'histoire, n'évitez aucun contact ! gronda-t-il en frappant de nouveau dans sa paume. Je veux voir tout le monde aller aux charbons ! Allez venez-là, on crie.
Les joueurs se réunirent en cercle pour poser leur main sur celle du coach.
« Un deux trois !
— Team ! rugirent les joueurs en chœur, prêts à en découdre.
Ils se ruèrent sur le terrain pour s'échauffer. Tom était bouillant. Mine de rien, les mots du gardien l'avaient touché. Il était vrai que la fragile petite famille qu'il formait avec sa mère ne pouvait pas se permettre de se payer tout ce que possédaient les autres enfants de son âge. Mais elle lui avait payé sa licence dès ses huit ans, et ceci chaque année depuis. Elle lui avait aussi acheté son vélo, pour qu'il puisse se rendre à tous ses entraînements et matchs sans marcher trop longtemps. Ainsi qu'un ballon, des chaussures... De manière générale, peu importe ce qu'il désirait, elle était prête à sacrifier une bonne partie de leur maigre budget pour lui.
Elle plaçait à la fois tant d'espoir et d'argent en lui qu'il se sentait infiniment redevable. Oui, ici et maintenant, il allait tout faire pour la rendre fière. Elle, mais aussi ses coéquipiers. Dans l'équipe, il était un des rares à jouer au handball depuis toujours, il était sûrement le plus expérimenté, un des meilleurs. L'issue du match reposerait certainement en partie sur ses épaules. Pourtant, à sa grande surprise, au moment de commencer la rencontre, Momo le laissa sur le banc.
Le match débuta fort, les deux équipes jouant agressivement. Les quelques spectateurs présents, en grande partie des parents de joueurs, encourageaient leurs enfants de tout cœur. Les cris stridents des mères mêlés aux grondements des pères étaient ponctués par les vociférations des deux coachs. Le ballon volait d'un bout à l'autre du terrain et les jeunes joueurs se percutaient, se contournaient, soufflant et suant, dans une cacophonie de semelles crissant sur le sol. Seul le sifflet de l'arbitre venait l'interrompre, et s'accompagnait de protestations diverses depuis les gradins.
Tom, quand à lui, trépignant d'impatience, attendait sur le banc que Momo lui permette d'entrer. Les minutes s'égrainaient, une à une, et petit à petit son équipe se trouvait distancée au score. Elle tenait bon en défense, mais ne parvenait pas vraiment à marquer. Tom grinçait des dents, certain qu'il pourrait faire la différence s'il entrait. Ses tirs étaient redoutables, il était un buteur hors-pair. Momo, qui le coachait depuis cinq ans maintenant, le savait très bien et n'hésitait pas à le faire jouer d'ordinaire... Qu'est-ce qui avait bien pu changer pour qu'il se retrouve ainsi délaissé ? Il était tenté de le lui demander, mais c'était contre les règles : interdiction de se plaindre de son temps de jeu, coach Momo détestait ça. Il fallait être patient. Il allait entrer, à un moment ou à un autre.
Il vit sa mère s'installer dans les tribunes, tout sourire, et répondit à son signe de la main. Dire qu'il était là, assis à ne rien faire, alors qu'il pourrait être en train de changer le cours du match le plus important de la saison... Son équipe avait clairement besoin de lui. Nerveusement, il tapait du pied par terre et des mains sur le banc. La première mi-temps s'acheva sans qu'il n'ait foulé le terrain une seule seconde. L'équipe se regroupa au vestiaire. Les joueurs au teint rouge, le souffle court, vidaient leurs gourdes.
— Bon les gars ! s'exclama le coach en applaudissant brièvement pour demander l'attention des jeunes garçons. C'est pas trop mal ce qu'on fait, on perd quinze à neuf. Défensivement c'est très correct, au match aller on avait déjà encaissé vingt buts à la mi-temps. Vous pouvez être fiers de votre boulot. Par contre, dit-il en haussant la voix, on marque rien là, c'est ridicule ! Vous visez le gardien ou quoi ? Il a juste à lever le petit doigt pour stopper la balle ! Oh ! Réveillez-vous !
— Coach... appela timidement Quentin. Pourquoi Tom joue pas ? Je pense pas qu’on gagnera sans lui.
— Vous en dites quoi les gars, on a besoin de Tom ?
Quelques approbations discrètes vinrent appuyer l'intervention. Momo se frotta doucement le menton, circonspect. Il s'adressa au principal concerné.
— Tu te sens bien ? Prêt à jouer ?
— Bien sûr coach ! Laisse-moi jouer, s'il te plaît !
— Je ne veux pas que tu te fasses mal à peine revenu de blessure... Les entorses fragilisent les articulations. Échauffe-toi bien et tu vas remplacer Liam dès la reprise. Ne prends pas de risques, on a besoin de toi pour la fin de saison.
Après un second cri de guerre, les joueurs, toujours déterminés, retournèrent sur le terrain pour s'échauffer à nouveau avant le début de la seconde période. Tom effectuait les mêmes gestes répétés à l'entraînement des dizaines de milliers de fois. Le tir comme la passe étaient gravés en lui, automatiques. Ils s'exécutaient en un éclair, sans le moindre doute. Les mots du coach l'avaient soulagé et empli de confiance. Une lueur de volonté brillait dans ses yeux, comme deux flammes bleues.
Il était prêt.
À peine le jeu eut-il reprit que Tom le prenait à son compte, sous les acclamations de sa mère. Il trouva facilement coup sur coup deux occasions de tirer, mais manqua les buts de peu.
— Attention au black, le numéro 17 ! hurla le coach adverse après son deuxième échec.
La troisième action devait être la bonne. Il prit une grande inspiration en recevant le ballon. Feinte de passe à gauche, un unique dribble à droite, puis il engagea ses trois pas vers la surface de but. Un défenseur colossal se dressa face à lui pour lui barrer la route.
Sur son dernier appui, il plongea de côté pour trouver un angle de tir. Suspendu un instant en l'air à l'horizontale, comme au ralenti, il repéra un minuscule espace. Son bras déclencha le lancer instantanément juste avant qu'il ne s'étale de tout son long. La balle fila tout droit, frôla la jambe du défenseur, puis la base du poteau, au ras du sol, avant de faire frissonner les filets sans que le gardien n'ait le temps de réagir. Tom bondit sur ses pieds, le poing en l'air, sous la clameur du public. Mais il n'avait d'yeux que pour sa mère qui applaudissait, aux anges.
L'action suivante, il reçut la balle loin des buts, dos au gardien. Sa position préférée pour prendre par surprise quiconque ne connaissait pas la puissance de son tir. En un seul geste continu, il pivota et fendit l'air de son bras, envoyant un missile que le gardien manqua de nouveau. Il se replia à toute vitesse en défense avant la relance de ce dernier.
Un but de plus, quinze à onze. Plus que quatre à remonter. Malheureusement, après avoir réussi deux tirs difficiles, la défense adverse semblait avoir compris qu'il ne s'agissait pas d'un coup de chance. Elle était maintenant focalisée sur lui. Ses coéquipiers firent tourner la balle en enchaînant patiemment les démarquages pour finir par trouver Tom en bonne position. Il la réceptionna en pleine course, mais cette fois sa tentative de tir fut bloquée. La contre-attaque, immédiate, fut couronnée de succès.
Attaque après attaque, Tom persistait. Il tirait encore et encore, bien que tous les joueurs adverses le suivissent à la trace. Son manque de taille l'empêchait de sauter pour tirer par dessus la défense alors il était forcé de trouver un angle par sa vitesse et sa technique. Il put marquer encore deux fois malgré la pression défensive, grâce à ses tirs millimétrés, mais il commençait à sérieusement fatiguer. Ses courses ralentissaient, ses tirs faiblissaient et la défense comme le gardien les arrêtaient de plus en plus souvent.
Il reçut une passe sur l'aile gauche. Ici, l'angle de tir était bien trop fermé. Il sauta en levant le bras, pour feinter le tir, puis posa un dribble en retombant, ce qui lui permit de distancer son opposant direct et foncer dans l'axe. Au moment où il arma son tir pour réellement faire feu, un second joueur se jeta sur lui.
— Passe ! hurla Quentin dans son dos.
Tom, par réflexe, amortit son geste et fit tourner son poignet pour lâcher la balle derrière lui à l'aveugle. La seconde suivante, elle se logeait dans la lucarne. Son ami lui envoya une bonne claque dans le dos.
— C'est bien de faire le mec, mais oublie pas qu'on est sept, mon pote.
— T'inquiète, répondit le buteur essoufflé.
La menace qu'il représentait balle en main forçait l'attention de toute la défense, et laissait à ses coéquipiers plus d'occasions. Ce qu'il avait oublié, dans sa hâte de marquer et remonter leur retard. Il fut alors remplacé et rejoignit ses coéquipiers sur le banc. Momo lui tapa dans la main quand il passa.
— T'en fais trop, te précipite pas. Tu t'es crevé en quelques minutes. C'est super là, ton p'tit numéro, mais tu peux pas tout donner et réussir à conclure à chaque action. Laisse les autres faire leur part.
— Ils la font en défense, répliqua le buteur, moi je fais la mienne en attaque.
Cette réponse ne plut pas du tout à son coach.
— C'est pas comme ça que ça marche le handball, tu dois être capable d'attaquer puis de défendre dans la foulée. Si tu fais pas ton boulot, t'es un maillon faible dans la ligne défensive. Et malheureusement, un seul maillon qui casse suffit pour briser une chaîne. T'as de la chance qu'ils aient pas cherché le duel face à toi, on en aurait sûrement encaissé quelques-uns de plus.
— J'étais pas crevé, j'aurais pu encore tenir ! s'exclama avec humeur le jeune plein d'ego.
À cet instant, Momo sembla perdre patience.
— Tu sais quoi, Karabatić ? Tu vas rester sur ce fichu banc jusqu'à ce que tu redescendes de tes grands chevaux et que tu sois prêt à défendre. Défaite ou pas, je m'en tape !
— Mais...
— Chut ! Je veux pas t'entendre ! cracha-t-il en agitant férocement la tête.
L'enfant leva les yeux au ciel. Il se mordit les lèvres, amer. Malgré sa sortie, Tom semblait avoir relancé son équipe sur une bonne dynamique. Elle était revenue dans le match et c'était grâce à lui, quoiqu'en dise le coach. Le score était serré, mais il allait sûrement de nouveau basculer en leur défaveur bientôt, s'il restait en dehors du jeu trop longtemps. Et à ce moment seulement, il allait certainement être renvoyé sur le terrain par son coach. Mais il n'irait pas, c'était décidé. Il n'allait pas accorder le moindre caprice autoritaire comme ça, sans représailles. Il voulait se séparer de son atout numéro un ? Tant pis pour lui.
Les minutes défilaient une à une, la bataille se poursuivait. Après avoir boudé un temps, Tom s'était décidé à encourager ses camarades sur le terrain, comme les autres remplaçants. Toujours rude, le match n'était pas hors de portée, mais l'équipe gardait en permanence un but ou deux de retard. Malgré la fatigue qui s'emparait d'eux un à un, à mesure que la rencontre approchait de son terme, ses coéquipiers maintenaient la cadence infernale qu'ils dictaient depuis le début de la seconde période.
Car s'il fallait gagner ne serait-ce qu'un match, c'était celui-ci. Il était disputé âprement, et il le serait de plus en plus jusqu'à sa conclusion, une tension électrique émergeant d'entre les volontés incandescentes des athlètes, galvanisées par le public, lui aussi de plus en plus animé. Partout dans la salle, les souffles s'amenuisaient, les regards vers l'horloge se faisaient de plus en plus vifs, de plus en plus anxieux.
Mais parmi tous les esprits compétiteurs présents, celui étant le plus tyrannisé par l'obsession du triomphe final n'était autre que celui de notre buteur. La colère avait laissé place à l'exaltation du suspense. Il sentait son corps entier brûlant, prêt à exploser à tout moment. Peu importe ce qu'il avait décidé en sortant, il n'avait plus qu'une idée en tête, et une seule : marquer l'ultime point, celui qui scellerait leur victoire.
À la suite d'un but marqué par son équipe, accueilli par un grand vacarme dans le gymnase, ses yeux pleins d'espoir se posèrent sur le tableau d'affichage. Une minute restante, vingt-quatre partout.
Submergé par une flamboyante ardeur, il se leva instantanément. Le coach, en une demi-seconde, se tourna vers lui, hésitant, puis vers le panneau, puis de nouveau vers lui, mais paniqué cette fois.
— Vas-y ! Cours ! Remplace Bryan, vite !
Au handball, aucun arrêt de jeu n’était nécessaire pour effectuer de changement. Tom se jeta dans l'action, survolté, intenable. Dans les gradins, les encouragements avaient laissé place aux braillements surexcités, si assourdissants qu'on aurait juré pouvoir observer l'air vibrer dans la salle entière.
Les joueurs, aussi bien à cause de la pression écrasante que de l'épuisement qu'ils subissaient, trébuchaient, s'affaissaient par moments sur eux-mêmes, se perdaient. La moindre décision devenait soit affreusement hésitante, soit bien trop hâtive, car lourde de conséquences. Il semblait n'y avoir qu'un seul d'entre eux qui ne se laissait pas emporter par ses propres doutes ou par le chaos ambiant ; et ce joueur, c'était Tom.
L'équipe adverse faisait circuler la balle tant bien que mal, recherchant visiblement à laisser s'écouler le temps pour prendre le tir final et ne laisser que quelques instants au numéro 17 et les siens pour attaquer en retour. Du moins en apparence, car l'un des leurs, apparemment paniqué, ou trop enflammé, tenta soudainement un tir difficile que le gardien repoussa. Ce dernier relança tout de suite vers Tom, alors que les autres, en échec, se repliaient à toute vitesse.
Le buteur remontait en dribble, doucement. Il jeta un œil à l'horloge. Plus que vingt secondes. Il n'avait pas la peur au ventre comme la plupart d'entre eux. Il venait de passer le centre du terrain, ils s'attendaient tous à ce qu'il exploite le peu de temps restant pour enchaîner quelques passes et prendre un tir proche.
C'est pourquoi il allait scorer de là où il était, immédiatement, à peine quelques mètres après la ligne médiane.
Son niveau de concentration était si élevé, sa détermination si ferme, que le monde en était réduit à une balle, six joueurs en maillot rouge face à lui, un gardien en jaune, la cage qu'il protégeait.
Il n'entendait pas la foule en liesse autour de lui, ni les cris du coach. Il n'y avait que sa propre respiration et le rebond du ballon qui parvenaient à son oreille.
Bien que l'effort eût comme baigné son corps entier dans un brasier, son esprit, lui, était aussi clair, froid et figé qu'un glacier.
Sa soif de vaincre était si exacerbée à ce moment précis que la possibilité d'échouer avait perdu tout son sens. Il allait tirer et marquer.
Il n'y avait plus que la sensation du cuir sur sa main droite, si familière.
Il n'y avait plus que sa mâchoire serrée, sa main sûre, son pas décidé.
Il allait tirer.
Et il allait marquer.
Il leva le bras, dirigé vers son arrière droit, comme pour lui faire une passe. Mais alors il tourna la tête, son œil verrouilla la lucarne gauche du but, et il déclencha son geste, ample, précis, mortel, laissant exploser l'énergie brute qu'il avait contenue jusque là.
À l'instant exact où la balle quitta ses doigts, elle percuta le coin du but, où le montant et la transversale se rejoignaient, avec un bruit d'éclatement sinistre, pareil à un coup de feu. Le public se tut, comme si une bombe l'avait soufflé.
Anormalement faible, Tom posa un genou à terre. Son corps entier frémissait à présent, sa tête tournait un peu, sa vision était trouble. Mais pas assez pour ignorer que le but vibrait frénétiquement, comme s'il n'allait jamais cesser. Un morceau de cuir cousu se trouvait dans les buts, et un autre, un mètre ou deux à côté.
C'est le ballon ça ? Pas possible.
Ses idées, si claires il y a une seconde à peine, étaient confuses. Il perdait peu à peu conscience de son environnement. Ce qui venait de se passer n'avait pas de sens. Tout simplement irréel.
Il réalisa qu'il était allongé sur le dos, d'innombrables voix inquiètes résonnaient dans son crâne, et paraissaient tourner autour de lui. Puis elles s'évanouirent, ne laissant que le noir complet.
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