Devine qui c'est ?
Voilà une promesse faite à moi-même qui n’était pas une chose facile à réaliser… Retrouver une vie sociale… Cela peut vous paraître simple, sortir, rencontrer des personnes, s’amuser… ça ne l’est absolument pas pour moi, j’ai mes convictions et surtout des goûts bien précis. Une personne peut m’intéresser que dans certains cas, il doit avoir de la conversation, mais que celle-ci ne tourne pas qu’autour de ses problèmes personnels. Avoir du goût dans les arts et une certaine culture générale. Un talent certain à la critique, non pas celle que l'on utilise pour amuser la galerie, mais la critique pertinente. Ne ressembler à rien, avoir du style et non pas chez HetM… un aspect physique qui ne sort pas des catalogues d'archéologies. En soit, tout un contexte qu'une minorité sur cette planète possède. Mais je m'étais fait la promesse de retrouver un semblant de vie sociale, alors quitte à rechercher, je vais employer les grands moyens !
Je me consacrerais chaque mercredi matin à des entretiens au café du coin de ma rue. Hors de question de me retrouver à l'autre bout de la ville pour rencontrer des prétendants à mon amitié. Le principe sera simple, une annonce passée sur les réseaux sociaux, un rendez-vous donné à ceux qui auront un certain tact a me répondre, puis, ce fameux rendez-vous confirmera ou infirmera mon avis sur la personne considérée quelques jours avant sur mon annonce. J'avais déjà en tête ce que j'allais annoncé " jeune femme en manque de compagnie amicale est en recherche de personnes cultivé pour entretient amicale."
Net, droit, précis, direct. Les chichis et tourner autour du pot ce n'était pas ma tasse de thé. Les réponses ne se firent pas tarder, dans la soirée cinq personnes m'offraient de venir me rencontrer. Pour faire mon choix, je me rendais sur leur page de réseaux sociaux pour identifier leur lieu d'habitation, leur hobbies ainsi que leur emploi, s' ils en avaient un. Le tri fut tout aussi rapide, sur les cinq, une seule personne sortait plus ou moins du lot, et encore, c'était un choix par défaut car si il n'en tenait qu'à moi, je ne l'aurais pas prise non plus, mais fallait il bien laisser le bénéfice du doute…
Le rendez-vous était pris, le mercredi suivant nous nous retrouvions au café sur l'une des tables en terrasse, il n'y avait pas meilleur endroit pour profiter d'un tel rendez-vous.
Les courtoises étaient de mise, bonjour, comment allez vous ? Le plaisir de vous rencontrer est partagé… etc. Pour un début, il n'y avait rien de flamboyant ni d'intéressant, rien que de simples bienséances habituelles.
La discussion se poursuivit, le beau temps, les oiseaux qui chantent… que commander, que boire, et vous quel est votre boisson favorite… l'ennuie pointait déjà le bout de son nez. Il fallait pourtant que je garde le cap, essayer de creuser un peu plus, comme dirait n'importe qui, il ne faut pas toujours se fier à sa première impression. Nous continuons sur un gâteau pour poursuivre la discussion, une religieuse au chocolat pour ma part et un éclair au café pour le sien… au vu de son choix ses goûts étaient définitivement trop communs… la patience m'ayant quitté, j'écourtais l'entretien en inventant un rendez-vous familial important. Je pouvais retourner à mes recherches sur les réseaux sociaux, ce premier rendez-vous était un pitoyable échec.
L'envie de recommencer ne me donnais pas envie, mais je ne faisais jamais de promesse en l'air, même si ce n'était qu'à moi même, ma parole était toujours honnête. Je laissais pourtant passer quelques jours, me faisant oublier de mon premier rendez-vous, sans me rendre non plus sur le site pour voir si j'avais d'autres propositions. Un beau matin, je me décidais enfin à essayer de nouveau. Avec le temps écoulé j'avais bien plus de personnes, de coutume je recommençais mes recherches sur leurs pages de réseaux sociaux faisant une sélection stricte, ne souhaitant pas renouveler l'échec précédent. Cette fois-ci trois personne sortirent du lot, deux hommes et une femme. Le compte est fait, les rendez-vous sont pris d'une semaine d'intervalle entre chaque.
Le premier fut une belle surprise, de prime abord. Quand la conversation s'accentua sur sa carrière, il me perdit définitivement, celui-là ne vivait que pour son boulot et n'avait guère de temps libre pour le divertissement. Le second rendez-vous fut rapidement bouclé, celui-là ne cherchait qu'une conquête, il fut rapidement renvoyé de là où il venait. La troisième… dois-je réellement en parler ? Sa silhouette a fini de me convaincre sur cette solution absurde. Je quittais le café aussi rapidement qu'elle arrivait à la table.
Le soir de ce dernier entretien, je m'écroulais dans mon sofa comme une chiffe molle, commandant dans un restaurant réputé un plat en livraison. Toute mon énergie s'était définitivement évaporée, laissant place à l'agacement et la lassitude. Définitivement, je doutais d'arriver à tenir cette promesse en trente jours, voilà déjà trois semaines que j'étais en recherches intensives sans jamais être convaincue une seule fois… le temps me paraissait interminable. Le samedi matin je me rendis a l'hopitale Psychiatrique pour rendre mon habituelle visite à Anne, lui racontant mes déboires amicaux et ces rencontres désastreuses, faisant l'éloge de la personne qu'elle était avant de finir enfermer ici. Son regard vide m'observait sans pour autant qu'un son ne sorte de sa bouche. Ça me brisait le cœur…
La semaine qui suivit, je me rendais chaque matin au café, commandant toujours la même chose, un café noir sans sucre et une religieuse que je variais entre caramel ou café. Ce mardi matin je fut surprise de voir un homme à la tenu protocolaire d'un postier s'installer sur la chaise qui me faisait face avant de me sortir une phrase curieuse.
- Sachez ceci, les pyramides de Gizeh ne se sont pas construites en un jour, ni même en un mois.
Il me sourit, prend la tasse et boit une gorgée avant de me saluer et de partir comme il était venu. Sous le choc de son comportement tout a fait grossier, je restais coït en l'observant partir dans sa voiture jaune. Une fois disparu de mon champ de vision je repris doucement mes esprits, regardant la tasse souillée. Je levais alors le bras pour commander au serveur une nouvelle tasse et qu'il me débarrasse de celle-ci. Par une surprise, j'ai découvert un morceau de papier plié en quatre sous la soucoupe de la tasse à moitié bu. Je le dépliais et en lu ceci "pour l'idée, ça vous vaudra un rendez-vous avec moi. A demain Elysabelle." Il m'avait définitivement cloué le bec par son comportement, comment un tel rustre pouvait espérer recevoir une quelconque attention agréable de ma part ?! Il n'aurait droit qu'à du mépris pour m'avoir si familièrement parlé !
Le soir venu, on ne pouvait pas dire que je fut des plus détendus, tournant en boucle cette rencontre affreuse dans ma tête comme un mauvais film. Croyait-il réellement me revoir demain à ce café ? Si tel était le cas, il serait bien déçu ! Le lendemain, je ne me rendis pas au café, il m'était inenvisageable de répondre à une telle demande ! Je préférais aller rendre visite à ma tante qui habitait l'appartement au dessus du mien. Durant la visite, je ne cessais d'observer la pendule, ce qui me valut une remarque de ma tante.
- Tu t'ennuies tellement que les minutes te paraissent plus accommodantes à ma compagnie ?
Je ne pu m'empêcher de sourire à cette réflexion qui aurait très bien pu sortir de ma bouche. Les chiens ne font pas des chats. Pour reprendre le cours de notre discussion, je lui expliquait la rencontre des plus absurdes de la veille. Ma tante ne se gêna pas pour critiquer ma méthode pour essayer de me faire des amis, ce que je pris pour une remarque désobligeante mais dont je ne lui fis pas part. Par ailleurs elle trouva plus intéressant la rencontre avec ce rustre de facteur, pour être facteur il ne fallait pas avoir beaucoup de connaissances de base. D'après elle, cela présageait un avenir amusant. Chose à laquelle je ne croyais absolument pas, sachant comment j'étais, il y avait très peu de chance que nous ne nous revoyons un jour, quitte à ne plus fréquenter ce café pour un temps. Je la quittait sur cette discussion avant d'aller rejoindre ma salle de sport afin de défouler mes nerfs qui étaient en pelotes. Super, l'effort, la douleur, la respiration haletante… il n'y a pas meilleur exutoire. Après une bonne douche je me retrouve dans mon lit pour prendre un repos mérité… si seulement… une phrase me revint en tête et m'interloque, sur son mot il m'avait appelé par mon prénom ! Comment avait-il pu l'apprendre ? Serait il le facteur de mon quartier également ? Me suivrait-il régulièrement ? A-t-il mené une enquête sur moi ? Non, je me fais des idées, qui oserait faire de telles choses de nos jours ? Je ne rentre bien évidemment pas en ligne de compte ! Pour ma part mes recherches se résument simplement à trouver l'ami idéal à mes longues journées solitaire. Cet imbécile avait certainement dû demander au serveur qui me connaissait bien, du moins mes habitudes gustatives. Je tournais et me retournais dans le lit, le sommeil me quittant définitivement. L'idée de le rencontrer demain commençait même a me titiller l'esprit… non il était hors de question de répondre favorablement à cette proposition de rendez-vous culotté ! Je suis partis dans mon salon récupérer mon pc portable pour retourner dans mon lit et commencer quelques recherches. Des facteurs sur Paris il y en avait des dizaines, peut être même voir plus, mais tout être normalement moderne avait un compte social. Après quelques mots clés je tombais sur diverses profils, j'élimine au fur et à mesure ceux qui ne lui ressemblaient pas physiquement, les choix se résument maintenant à une dizaine. Je farfouille leurs informations personnellement, lieu de vie et de travail, ce qui en élimine trois de plus. Pour poursuivre j'entame les photos de profils et publié… ce qui prenait un certain temps. Le résultat se termina sur trois hommes, les départager n'était pas une mince affaire, mes souvenirs n'étaient pas assez précis pour affirmer ou infirmer si tel ou tel était le bon, trois étant facteur…
J'ai dû passer quatre ou cinq heures sur mes recherches sans arriver à un résultat concluant, c'était frustrant. Ne pas savoir était une chose pire que la torture physique. Me retrouvant dans ma salle de bain, devant mon miroir éclairé de deux lampes, j'observe mon visage déconfit de cette courte nuit. Il fallait que j'assouvisse cette curiosité, que ma tête retrouve une paix relative.
Au bout d'une heure j'étais prête, maquillée pour cacher ce visage fatigué, habillé pour sortir en ville. Rendez-vous au café. Il était dix heure et je prenais mon premier café, pas l'ombre du facteur dans les parages, guettant le moindre client arrivant en terrasse. Onze heure, toujours personne, j'entame ma pâtisserie, il serait d'autant plus culotté de me poser un lapin ! Onze trente, le serveur vient débarrasser mon assiette et me glisse discrètement un papier plié en quatre. Je l'observe un instant, le sourcil arqué de mon air interloqué, comme si j'étais une personne avec qui l'on communiquait par message. Le serveur s'esquiva bien rapidement après avoir vu ma tête, ce que je pouvais comprendre s' il ne voulait pas passer un mauvais quart d'heure. Je me résignais à lire ce qu'il venait de me donner, "vous savez que poser un lapin à quelqu'un qui vous invite est plutôt malpolis, j'ose espérer que vous vous déciderez à me rejoindre." Ce moquait il donc de moi ?! Après une heure trente à observer les aller et venu, je ne l'ai aucunement aperçu ! Je me mis à regarder autour de moi avant de m'intéresser à l'intérieur du café… j'aperçus une silhouette masculine me regarder par la fenêtre. Plus qu'agacée je griffonne sur le bout de papier qu'il m'avait passé, me lève et me rend à l'intérieur, passant à son côté, lui glissant le mot, puis prenant la sortie du café pour aller retrouver mon appartement, seule.
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