Voyage sur la Terre
Amis Sélénites,
Je vous écris de la Terre. C'est une bien malheureuse contrée, en vérité, que la Terre, où partout vont d’étranges créatures ; celles-là mêmes qui, par une inexplicable rage, ont pris congé de la nature habitée de tant d’animaux, de mers, de rivières, de montagnes et de forêts, si bien que, déclarant la guerre aux adversaires de ce massacre, elles ont, au nom d’une divinité nommée Progrès, tout entier dépeuplé leur monde. Je pense à notre astre, si tranquille, jonché de vallons creux et de montagnes quatre fois plus hautes que leur mont Everest, et qui brille toujours d’un éclat sans pareil. Ces petits hommes, qui vivent si peu, n’ont point comme vous et moi de gentillesse d’imagination. Où donc sont passés leurs artistes, leurs savants, philosophes, musiciens et hommes de lettres ? Désormais en proie à l’ennui, ils ne connaissent plus rien des choses de l’amour ; ils sont riches et connectés, ou du moins l'étaient-ils. Chers amis, à moi qui suis de la Lune, voici mon sentiment : nos voisins ont perdu la tête. Incapables de toute entreprise, mais disputant avec opiniâtreté de choses inutiles, les voilà, ô comble de misère ! sans leur nouveau dieu. Les voilà qui, jeunes ou vieux, scandent à longueur de temps ces mots bizarres : Internet down ! Internet down !
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