Prologue
Il est hélas devenu évident aujourd'hui que notre technologie a dépassé notre humanité
Albert Einstein
Alexa Parker lâcha un profond soupir juste devant la porte de sa supérieure. Elle n’avait aucune envie de franchir le palier pour se retrouver dans son bureau. Non, aujourd’hui elle n’avait pas envie de travailler, de chercher, de filer, de tuer. Elle voulait rentrer chez elle et tentait de finir sa courte de nuit.
Ces derniers temps, c’était le même rituel. Elle se réveillait dans la nuit, sans savoir pourquoi, en sueur et avec un mal de crâne à lui donner envie de frapper sa tête contre les murs. Elle ignorait pourquoi, mais elle savait qu’une raison se cachait derrière ses nuits courtes, mais pour l’instant elle lui échappait. Elle devait en plus faire abstraction de tout ça, en tant qu’agente du service de renseignement et d’espionnage du Conglomérat, elle avait beaucoup de travail. Et dans son travail, l’hésitation ou la fatigue pouvaient être fatales. Ce n’était pas un métier qu’elle affectionnait, loin de là. Alexa se rêvait souvent dans une autre vie, dans une autre activité. Mais elle était coincée dans ce travail ingrat et piégé dans sa condition sociale. Elle ne pouvait pas s’en échapper, même avec toute la volonté du monde. Ce travail, c’était ce pour quoi elle avait été créée. Elle secoua doucement sa tête, ses longs cheveux blonds suivirent le mouvement avant de retomber sur ses épaules.
Quand il faut y aller…
La porte du bureau s’ouvrit dans un coulissement silencieux et dévoila le bureau de la directrice du Service de Renseignement et d’Espionnage du Conglomérat. Le S-REC. C’était un bureau qui était à moitié dans la pénombre. Il était tard, et seules les lumières artificielles de la ville de Paris passaient à travers les stores vénitiens des fenêtres. De vieux stores qui étaient le symbole d’une époque bien lointaine. Plus personne n’utilisait ce genre de volet, sauf sa directrice. Face à une des fenêtres, Alexa voyait justement sa silhouette qui fixait en silence la ville endormie. En entrant, elle déclencha le détecteur de mouvements qui alluma les lumières au plafond. Alexa plissa les yeux, aveuglée par la lumière blanche et criarde. La directrice se retourna, presque surprise de ne pas l’avoir entendue plus tôt. Alexa remarqua qu’elle n’était pas la seule à être fatiguée. La directrice, Andréa Parker, qui se trouvait être aussi sa mère, montrait des signes de fatigue évidents. Les yeux émeraude de cette dernière avaient beaucoup de mal à rester ouverts avec l’heure tardive. De plus, ses signes de vieillesse ressortaient d’autant plus avec la fatigue. Alexa avait l’impression que ses cheveux étaient plus blancs qu’à l’accoutumée, et ses rides plus creusées. Pourtant la directrice ne faisait pas son âge. Loin de là. Avec les progrès scientifiques, les humains vivaient généralement plus vieux, et repoussaient l’échéance fatale chaque jour qui passait.
Andréa resta silencieuse un moment, comme perdue dans ses pensées. Alexa était mal à l’aise. Chaque fois qu’elle était face à sa mère, elle avait l’impression de se voir plus tard. Sans doute allait-elle lui ressembler. Les mêmes longs cheveux blonds, les yeux verts, la même carrure fine, et les mêmes traits du visage. Elle lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. La seule différence, c’était leurs caractères, et surtout, les manies d’Alexa. Dans n’importe quelles circonstances, elle était toujours impeccable. Pas une tâche ni un pli sur son uniforme.
La directrice se rendit compte visiblement que son esprit vagabondait, car elle secoua sa tête. D’un geste de la main, elle invita Alexa à prendre place en face d’elle. Elle s’exécuta, et comme d’habitude, elle attendait en silence que sa supérieure commence son briefing, le dos bien droit.
« Bon, Alexandra, j’ai une mission pour vous. »
Malgré leur lien de parenté, le protocole restait en place. De toute façon, Alexa n’avait jamais vraiment eu une relation épanouie, ni même classique avec sa propre mère. Une conclusion logique quand on est agente du S-REC et que vous êtes née en cuve.
« Depuis quelques jours, nous faisons face à une vague de décès étranges. »
La main de la directrice effleura son clavier holographique posé sur son bureau. L’écran qui était fixé au mur, à gauche d’Alexa, s’alluma et montra des images de cadavres réduit en charpie par des explosions. Alexa n’eut même pas un mouvement de sourcils, elle avait vu pires au cours de ses nombreuses missions.
« Trois victimes, toutes ici à Paris. Un point commun, leur implant Horizon semble avoir explosé.
— étrange…
— Et surtout très mauvais pour les affaires. Le Conglomérat s’inquiète de voir une mauvaise pub. Bientôt, les gens se méfieront des implants.
— Ils ont déjà inspecté les implants ?
— Oui, et la seule explication qu’ils ont trouvée, c’est que ses implants ont été trafiqués. Jamais ils n’ont explosé lors d’une utilisation.
— J’imagine que l’enquête est déjà en cours.
— Oui, sous la direction de l’inspecteur Tomas Anderson et de son équipe du SSC. Mais pour l’instant, ils piétinent. C’est la raison pour laquelle je veux que vous ailliez là- bas. »
Alexa se retient de lâcher un soupir. Pour elle, cette mission s’annonçait des plus ennuyeuses. Pour un peu, il s’agissait juste d’implant frauduleux. Elle ne voyait pas l’intérêt d’envoyer un agent du S-REC pour ceci. Mais au moins, elle pouvait se satisfaire en se disant que ça serait une petite mission tranquille, sans problèmes. Ensuite, elle pourrait espérer se reposer.
« Pourquoi ne pas envoyer un bleu ?
— Je n’ai personne d’autre. Je pense aussi que vous êtes surqualifiée pour cette mission, mais au moins on peut espérer qu’elle se résout vite. Je ne veux pas avoir le Conglomérat sur le dos. »
Personne ne voulait avoir les entreprises les plus puissantes de la Terre sur le dos. Elles dirigeaient l’ensemble de la Terre, les états n’étaient plus que des reliques d’un temps ancien qui étaient en place uniquement pour rassurer les gens. Les vraies décisions et lois étaient prises par le Conglomérat qui installait à la tête des états les hommes qu’il voulait. En même temps, c’était eux qui possédaient le plus de ressources sur la planète, mais aussi qui étaient à l’origine de l’ensemble des nouvelles technologies ; des implants, des prothèses, des clones, ou bien encore des androïdes. Si la Terre était devenue ce qu’elle est aujourd’hui, si elle avait survécu aux dernières catastrophes, c’était grâce au Conglomérat.
« Quand je commence ? demanda Alexa.
— Toute de suite, le SSC a signalé un nouveau meurtre, proche des quais de Seine. C’est l’occasion de vous mettre tout de suite dans le grand bain. »
Alexa opina du chef et se leva, prête à partir, lorsque la directrice l’interpella une dernière fois :
« Oh, Alexandra, tâchez de collaborer avec le SSC, je n’ai pas envie de faire de la diplomatie avec le SSC et le Conglomérat. »
Elle se contenta de hocher la tête et de sortir. Il est vrai qu’Alexa n’était pas habituée à travailler en groupe, encore moins avec de simples policiers. De plus, Alexa n’était pas vraiment douée avec les relations humaines. Une conséquence de l’entraînement des agents du S-REC. Elle savait qu’elle pouvait paraître blessante ou froide, mais en même temps, elle n’était pas là pour faire dans le sentimental. Elle devait résoudre une affaire. C’était son seul objectif. Elle se dirigea en dehors du QG du S-REC et se posta dans sa voiture.
Coordonnée du lieu du meurtre mis à jour.
La voix de son IA, reliée par son implant neuronal, résonna dans sa tête. Tous les agents, sans exception, avaient une IA qui les guidait dans leurs missions. L’implant situé à la base de leur nuque se plantait dans la moelle épinière et les nerfs adjacents et envoyer des informations aux membres ou au cerveau. C’était un atout précieux, mais Alexa ne l’avait jamais apprécié. Elle avait constamment la sensation de se faire épier par sa hiérarchie, d’être sous une surveillance constante. Mais elle n’avait pas le choix. Elle ne l’avait jamais eu. Protéger le Conglomérat était sa vie, et le refuser était sa mort. La voiture se mit en route, pilotée par l’IA, et sans qu’Alexa ne puisse rien dire, elle était déjà en route pour le lieu du crime.
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