Sur le piano

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L'étage. Le parquet aux lattes gondolées d'humidité grince douloureusement sous nos pas. Sur les murs et au plafond, des moulures de plâtre, ébréchées et fêlées s'émiettent sur nos têtes en une pluie de poussière de craie. Les chambres, huit au total, se révèlent vastes et miraculeusement épargnées par le temps. Chacune est équipée d'un lit à baldaquins qui donne à Séverine des idées libertines, d'une cheminée et de sa propre sale d'eau avec, oh comble du luxe, de l'eau courante. Froide, bien sûr. Des crucifix d'ébène ornent régulièrement les pièces, étrange pour une prétendue demeure du diable.

À l'inverse du rez-de-chaussée, les tentures de velours affichent encore des couleurs éclatantes à peine surannées, pourpre, violet, andrinople. L'ensemble, d'un style baroque assez lourd, ne manque pas de charme. Charmant également ces lithographies aux murs dont les sujets sont sans équivoque. Des nymphes forniquant avec des créatures mi-homme, mi-animaux, sous l'œil vicieux de petits angelots aux fesses roses qui se branlent avec ostentation. Le dernière maître du domaine était un libertin.

Séverine passe son bras sous le mien, malicieuse jusqu'au bout des seins, ses seins qui pointent explicitement sous sa robe colle-au-corps, me laissant deviner sans peine ce qu'elle a dans la tête.

- Maître Guimpbert, dit-elle, je vous remercie pour votre sollicitude, mais mon fiancé et moi aimerions refaire un tour du propriétaire seuls. Cela vous ennuierait de...

- Je vous attends à la voiture.

Comme s'il avait compris l'urgence des ovaires de Séverine, il s'éclipse. Aussitôt, Séverine me tire par le bras et m'entraîne au pas de course.

- Viens, j'ai repéré un piano à queue.

- Toi, dès qu'il y a une queue.

- Je n'ai jamais fait l'amour sur un piano.

- Ça va être ton baptême.

- Baise-moi comme une chienne.

Comme une chienne. Un pied sur le piano, en équilibre, penchée en avant, croupe relevée, sa fente ouverte à ma bouche avide. Je prends tout mon temps pour lui sucer le con. Je lui tète le clitoris et enfonce deux doigts dans mon orifice. Je pourrais y mettre la main tellement elle est dilatée mais ce serait du gâchis. Elle hurle de jouissance, me supplie de la baiser. Sur la route, il m'est arrivé d'arrêter la voiture sur des petits chemins vicinales aux abords des routes pour la sauter sur le capot. Mon sexe dans mon pantalon enfle à son paroxysme, dur comme du bois. Un véritable glaive en acier trempé. Sûr qu'elle va déguster. C'est pour ça que je me retiens, pour lui en foutre plein la vulve. C'est ça qui lui plaît à Séverine.

Son pied glisse sur le clavier, entraînant avec lui des notes éraillées qui s'accordent étrangement à ses gémissements. Son souffle se raccourcit, elle se pâme, pleure, s'affaisse en avant, croupe relevée. Son liquide macule ses cuisses jusqu'aux genoux. C'est le moment. Je me relève, défais mon pantalon et m'enfonce en elle d'un seul coup. Sa robe relevé jusqu'au milieu du dos me révèle ses reins campés entre lesquels coulissent mon membre. Je lui frappe le ventre, la soumet de ma chair, la marque de mon sceau. Ne suis-je pas le seigneur de ce château ? Me la suis-je déjà faite avec autant de vélocité ? Sans doute. Séverine est au bord de l'évanouissement. Un dernier soubresaut et me voilà répandu dans son corps, fusion bestiale et lyrique, rythmée par les notes d'un piano désaccordé. Il lui faut du temps pour reprendre son souffle. J'utilise sa culotte pour l'essuyer.

À quel moment ai-je eu l'impression d'être observé? J'imagine ce coquin de notaire, caché derrière une tenture en train de nous reluquer tandis que je fourrageais Séverine. Il a dû s'en mettre plein les yeux. Un étrange parfum de lilas flotte dans mes narines. Existe-t-il réellement ?

Séverine halète comme une chienne.

- Tu manques de souffle, ma chérie? C'est l'altitude?

- L'altitude? Tu m'as baisée comme un porc.

- Si tu le dis. Je n'ai jamais baisé de porc!

- Ça baise comme toi, un porc.

- Tu as déjà essayé? Son regard croise le mien, stupéfait.

- Tu... tu veux dire que...

- Un porc? Non, ça pue un porc. Ne t'inquiète pas, ma chérie, je plaisante. La zoophilie, ce n'est pas pour moi.

Elle hoche la tête, dubitative. Ma grivoiserie s'arrête en général au feu qui lui consume le derrière. Inutile de me creuser le cigare, Séverine anticipe toutes les positions, en invente, innove. Il y en a même pour lesquelles et devrait vendre le brevet. Elle possède des ouvrages interdits, des rééditions des manuscrits du marquis de Sade, et des petits livres de croquis au fusain d'un érotisme à ne pas mettre entre toutes les mains.

- Parce que, tu sais, si ça te plaît, ce genre de truc... bon un porc, je ne dis pas, mais on pourrait avoir un chien...

Devant ma mine ahurie, elle éclate de rire. Rire contagieux auquel je ne tarde pas à me joindre. Faire l'amour nous a mis l'un et l'autre dans une humeur délétère. Main dans la main, nous retournons à la voiture en riant comme des gosses qui ont fait une bonne blague. Traversant la galerie sous les tableaux d'ancêtres incroyablement conservés, nous riions encore dans toute l'insouciance qui suit ces doux moments d'égarement, quand un froid m'envahit. Brutal. Et toujours la sensation d'être observé. Étudié. Je lève les yeux sur les portraits. Leurs yeux de peinture semblent vivants, si vivants. Ils m'observent. C'est plus qu'une impression, c'est une certitude.

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