Raconter une histoire d'horreur ! En 3000 mots 

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Émile n’est pas ce que l’on pourrait appeler un bon élève.

Non pas qu’il soit idiot, loin de là ! Mais il n’aime pas vraiment faire d’efforts, et il préfère souvent rêvasser à des sujets plus intéressants que ses terre à terre et ennuyantes leçons.

Parfois, il arrive bien à se motiver suffisamment pour aller gratter une note moyenne à un contrôle, mais cela ne représente pas la majorité des cas.

Sa scolarité bat donc fortement de l’aile, pour la grande désapprobation de ses parents… mais qui ne cherchent pas particulièrement à changer les choses pour autant, trop occupée par leurs propres affaires et soucis.

« Il aura largement le temps de se rattraper », se disaient-ils surement.

Mais c’est alors qu’il rentre d’une énième journée barbante, au moment où il pénètre dans sa chambre, qu’il voit quelque chose.

Un cahier gris, posé sur son bureau.

Il en est sûr, il ne l’a jamais vu.

Quand il l’ouvre, curieux, il constate que l’objet parait avoir du vécu, mais que les pages sont pourtant vierges.

Au moment du repas, il est tenté de poser la question à ses parents de l’origine de ce cahier, mais un il-ne-sait-quoi le retient.

Il aura bien le temps de leur en parler plus tard.

Cependant, une fois sorti de table et de retour dans sa chambre, il est pris d’une soudaine envie d’inspecter une nouvelle fois l’objet.

Et alors qu’il l’ouvre à la première page, quelle n’est pas sa surprise de découvrir que des mots y sont désormais tracés.

« Tu sembles en difficulté. Ce ne sont pas de très belles notes que tu as. Veux-tu que je t’aide ? Il te suffit d’écrire ta réponse. »

Émile reste ébahi plusieurs longues secondes.

Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

« Tu… m’entends ? »

Pas de réponses.

Le garçon tourne le cahier en tous sens, mais ne lui trouve rien de particulier…

Juste, au moment où il le rouvre, le texte a disparu pour qu’il ne reste plus que le « Il te suffit d’écrire ta réponse. »

Bien que septique, Émile prend un crayon.

« Qui es-tu ? »

Il patiente un moment, mais rien ne se passe.

« Je rêve ? » se dit-il d’abord, avant de penser : « Le cahier était fermé avant chaque changement… peut-être… ? »

Il rabat la couverture, puis la rouvre aussitôt.

« Je peux t’aider. »

Le garçon sent son sang se glacer dans ses vaines. Ça fonctionne bel et bien…

« Ça ne me dit pas qui tu es. »

« Un cahier, comme tu peux le voir ;) »

« Et comment un cahier peut-il m’aider ?? »

« Accepte mon aide et tu le sauras. Je pourrais le faire par six fois. »

« Et pourquoi 6 ? »

« Acceptes-tu ? »

Émile sent la moutarde lui monter quelque peu au nez ! Ce cahier esquive un peu trop ses questions à son gout !

Mais d’un autre côté… il est vraiment curieux.

« On peut faire un essai ? »

« Je peux t’aider pour ta prochaine interrogation. »

« Mais que ce soit un essai, que ça ne compte pas dans les 6. »

« Désolé, mais ça ne fonctionne pas comme ça. Quelle est ta réponse ? »

Il hésite, puis finit par écrire : « Ok. Comment ça marche ? »

« Tu verras la veille de ton interrogation. »

À partir de là, Émile a eu beau écrire et ouvrir et fermer le cahier, il ne put obtenir d’autres types de réponses que « Tu verras »

Puis vient l’annonce d’un contrôle de mathématiques.

Émile révise de son côté, mais les chiffres dansent la sarabande dans son crâne et il n’arrive pas à trouver la motivation d’insister, que la veille au soir, il n’a pas avancé.

Il se couche donc, prêt à se manger une nouvelle mauvaise note, n’accordant qu’une piètre confiance aux paroles du cahier.

Il s’endort surprenamment vite.

Et dans le monde des songes, un curieux rêve l’attend…

Il voit sa chambre, plongé dans le noir, avec seulement un fin rayon de lune qui filtre par le rideau de la fenêtre.

Il se voit, allongé, endormi, sa respiration soulevant régulièrement la couverture.

Et devant le bureau, ou plus exactement devant le cahier, se tient une silhouette.

Il ne parvient pas à dire si elle lui parait plus masculine ou féminine…

Elle n’est pas grande comme un adulte, mais pas petite comme un enfant…

La silhouette s’avance, jusqu’à pouvoir toucher le corps assoupi d’Émile.

« Première fois que je t’aide… Permets-moi de prendre mon dû. »

Et la silhouette se penche pour lui saisir le bras, qui se couvre d’une fine pellicule sombre !

Le rêve s’interrompt là-dessus.

Le garçon se réveille brutalement, parcouru d’un frisson inexplicable.

Qu’est-ce que c’était que ce rêve ? Ou devrait-il plutôt dire : ce cauchemar !

Mais alors qu’il se redresse, il sent des picotements dans son bras droit… celui que l’ombre lui a touché…

Cependant, quand il le regarde, il ne voit rien de particulier. Mis à part ses picotements discrets, auxquels il s’habitue déjà, il ne constate rien d’anormal.

La voix de sa mère lui intimant de se dépêcher lui parvient.

Aussi relègue-t-il cette énigme à plus tard.

Au collège, il se retrouve vite confronté à son ennemi du jour : son fameux contrôle !

Et là, une fois assis devant sa copie… miracle : les réponses lui viennent ! Fluides, naturelles, comme s’il avait révisé parfaitement !

C’est avec l’esprit embrumé qu’il ressort de classe, l’évaluation achevée.

Ça a bel et bien marché… le cahier a tenu parole… C’est incroyable…

Envahi par une soudaine euphorie, il se résout aussitôt à renouveler l’expérience le plus tôt possible !

L’occasion ne tarde pas.

En anglais, cette fois-ci !

« Eh, cahier. Tu peux m’aider pour n’importe lequel de mes contrôles ? »

« Si tu me le demandes, oui. »

« De l’anglais, c’est dans tes cordes ? »

« Aucun souci, si tu me le demandes. »

« Je te le demande ! »

« Alors marché conclu. »

Et effectivement, la veille de l’épreuve, pour laquelle Émile n’a même pas révisé cette fois-ci, dès qu’il s’endort, il se retrouve une nouvelle fois dans cet inquiétant rêve, avec la silhouette obscure.

« Et de deux. » commente celle-ci, juste avant de lui toucher le bras gauche, qui se colore de sombre comme le premier.

Au réveil, Émile sent les fourmillements dans ses deux bras cette fois.

Mais il chasse la sensation bien vite.

Il court au collège, tellement il est pressé de voir si le miracle a fonctionné une seconde fois, précipitation qui lui attire les regards surpris de ses parents, qui ne sont pas habitués à le voir ainsi !

Et au moment du contrôle, Émile renouvelle l’expérience de ce prodige : toutes les réponses lui viennent sans faute.

Il sort de classe en se retenant de rire sous l’excitation ! …Dieu du ciel, pourquoi faut-il que ce prodige ne puisse être utilisé que six fois ?!

Pendant la récréation, il va se poser dans un coin tranquille et sort le cahier.

« Merci, grâce à toi, tout s’est passé à merveille ! »

« De rien. »

« D’où est-ce que tu viens ? » demande-t-il, soudain curieux.

« D’ailleurs. »

« C’est vague… »

« Oui. »

« Mais ça t’arrive de faire de longues phrases, des fois ? »

« Si c’est nécessaire, oui. »

« Eh beh, je demande à voir ! »

« …Préviens-moi quand tu auras de nouveau besoin de mon aide. »

Et les pages se taisent.

Émile a cependant le sourire aux lèvres. Il l’aime bien ce bout de papier susceptible ! …Bon, d’accord, il l’aime surtout car il lui permet d’avoir de bonnes notes sans avoir à fournir d’efforts… Mais ça l’amuse aussi de discuter avec lui, de le taquiner !

Une dissertation de français. Tel est le défi suivant !

« J’ai un nouveau chalenge pour toi ! »

Le cahier accepte avec son coutumier manque de localités.

Mais Émile fronce les sourcils, une idée lui traversant l’esprit : « Par contre, vu que c’est sur un livre que le prof nous avait donné à lire, tu vas quand même pouvoir ? »

Mais son allié le rassure d’un très laconique : « Oui. »

« Et ensuite, dans la même semaine j’ai de l’italien. »

« Aucun souci. »

Ses doutes écartés, le garçon peut donc dormir sur ses deux oreilles.

Et c’est comme ça que, au moment venu, par deux fois il fait le cauchemar auquel il va finir par s’habituer : l’ombre vient, lui touche un membre, se sont les jambes qui y passe cette fois, l’une après l’autre, avant de se colorer de sombre, et au réveil il a des fourmillements dans ses parties touchées.

Rien de nouveau, même si ça devient un peu désagréable, à la longue…

Mais d’autre part, il se rappelle qu’il ne lui reste plus que deux utilisations…

« Eh, tu ne m’as pas répondu la dernière fois : il va se passer quoi quand je t’aurai utilisé 6 fois ? Tu vas partir ? », écrit-il, un soir.

« Effectivement, nous nous quitterons. »

« C’est triste… »

« C’est comme ça. C’est le cycle. »

« Le cycle ? »

« Préviens-moi quand tu auras de nouveau besoin de moi. »

Émile ne tente pas de poursuivre la conversation. Il a fini par comprendre que le cahier utilise cette phrase quand il clôt une discussion.

Le garçon tient deux mois. Deux mois où ses notes recommencent à baisser inexorablement.

Il a eu beau faire, sans son allier de papiers, il ne parvient pas à tenir…

Mais l’année est loin d’être finie. Et s’il n’a pas d’épreuves cette année, il n’a pas pour autant envie de gaspiller ses derniers jokers…

Et puis qui plus est, cette période sans le cahier lui a permis de prendre un peu de recul sur cette histoire.

Il y a des trucs pas tout à fait nets dans cette affaire…

C’est comme cela qu’un beau jour, pris d’une pulsion, il va s’enfermer dans les toilettes pendant l’un des intercours, et sort le cahier de son sac, qu’il ouvre vivement.

« Comment tu fonctionnes ? »

« Comment ça ? »

« Comment peux-tu me donner les réponses comme ça ?? »

« Tu as accepté mon aide. Je te l’ai donné. C’est tout. C’est comme ça que ça fonctionne. »

Émile mâchonne avec hésitation son crayon, puis pose la question qui lui brule les doigts : « J’ai fait des cauchemars à chaque fois que j’ai demandé ton aide. Est-ce que c’est toi ? »

« Je me suis payé, oui. »

Le garçon ne peut réprimer un juron étouffé.

« Comment ? Je veux dire : comment tu te payes, concrètement ? Et puis tu ne m’avais jamais parlé de payement, au fait ! »

« Rien n’est gratuit. Et tu n’as pas demandé. »

« Tu ne réponds pas à ma question : comment tu te payes ? Je t’ai vu toucher mes bras, puis mes jambes… Et j’ai comme des fourmis dans les membres, maintenant ! »

Émile doit ouvrir et refermer plusieurs fois les pages, avant qu’un texte n’apparaisse, comme si l’objet avait cherché ses mots.

« À chaque fois que je t’aide, je prends un bout de toi. Un peu de ton énergie, si tu préfères. Rien de méchant ! Tu peux voir ça comme un moyen pour moi de mettre un pied dans ton monde et de t’aider. C’est par ce biais que je te souffle les réponses. Et j’ai besoin de ça à chaque fois. »

C’est la première fois que l’objet s’exprime autant… mais cela ne lui apporte même pas une once de plaisir… ce qu’il lit est trop inquiétant.

« Ok… mais du coup, pourquoi les fourmillements continus ? Et pourquoi tu touches un membre différent à chaque fois ? »

« C’est comme ça. »

« Tu esquives la question ! »

Mais les pages n’affichent plus le moindre mot. Émile a beau faire : le cahier ne parle plus.

Il jette l’objet au sol, de dépit, mais le ramasse après seulement quelques secondes.

Il va encore en avoir besoin…

Il rit jaune.

Après deux ultimes utilisations, le cahier partira…

C’est ce qu’il a dit…

Et c’en sera fini de cette histoire qui n’est pas si excitante que ça, finalement !

Oui, voilà, c’est ça !

Deux fois, juste deux petites fois…

L’annonce de prochains contrôles de mathématiques et d’anglais arrive presque comme des délivrances, pour le garçon !

« J’ai du travail pour toi. »

« À ton service. »

« Et après… by by ! »

« Comme tu dis, oui. »

La nuit précédant l’épreuve de mathématiques arrive rapidement.

Émile se couche avec une drôle de boule au ventre, pendant que ses fourmillements se font sentir plus qu’à leur accoutumé.

Il a posé le cahier par terre, à côté de son lit, avec l’espoir que cela accélèrerait les choses.

Et effectivement, quand le sommeil le fauche et que le cauchemar commence, la silhouette obscure est déjà debout à côté du lit.

« Plus qu’une… » susurre l’apparition, alors qu’elle dépose sa main sur le torse d’Émile, recouvrant celui-ci de ses ténèbres.

Mais contrairement à d’habitude, le rêve ne s’interrompt pas immédiatement…

« Tu sais… j’ai hâte, moi aussi. Vraiment… hâte. »

Émile se réveille là-dessus, transpirant et haletant.

Son corps entier lui fait mal sous le coup des fourmillements… !

C’est difficilement tolérable… Il peine à s’y habituer…

Il tombe à moitié de son lit quand il essaie, tant bien que mal, de se lever !

Son nez se retrouve ainsi à deux centimètres du cahier, qui n’a pas bougé.

C’est avec les jambes flageolantes qu’il finit par se redresser pour aller chercher de quoi écrire…

« Dis-moi, quand tu partiras, les fourmillements s’arrêteront ? »

« Oui. Ne t’inquiète pas pour ça. Tu ne sentiras plus rien ! »

Plusieurs de ses camarades lui ont fait remarquer qu’il avait l’air éreinté et l’un de ses professeurs lui a même conseillé d’aller se reposer à l’infirmerie.

Mais Émile a tenu bon jusqu’au contrôle, après lequel il a enfin accepté de partir s’allonger.

Son père est arrivé dans l’heure qui a suivi pour le ramener à la maison, l’infirmière l’ayant appelé.

« Il semble surmené… » lui a-t-elle dit.

Son géniteur a juste hoché la tête, préoccupé.

« Tu dors tôt, aujourd’hui ! Et tu resteras au lit demain… ! »

« J’ai un contrôle demain… »

« Tant pis ! Je ferai un mot d’excuse, ils comprendront. »

Non… non… L’autre ne partira que s’il fait cette foutue épreuve !

Mais comment l’expliquer ?

Une fois dans sa chambre, allongés, ses membres lui font cependant moins mal.

Il va suffisamment mieux pour écrire sur les pages de son allié maudit : « Mon père va m’empêcher d’aller passer mon contrôle demain… Je ne peux pas lui dire que j’en ai besoin pour aller mieux ! »

« Tu veux que je passe quand même cette nuit ? »

Le cœur d’Émile rate un battement alors qu’il découvre ces mots.

« Tu peux ??? »

« Oui. Ça ne changera pas grand-chose, en l’occurrence. »

« VIENS ! »

« Parfait. »

Après cette discussion, le garçon se couche immédiatement après le repas.

Ses parents se sont inquiétés comme jamais, mais il ne s’en est pas préoccupé ! Il va être débarrassé de cette foutue malédiction… !

Il sombre dans les limbes du sommeil presque instantanément !

La silhouette est là. La main déjà tendue vers le visage d’Émile, la dernière partit de son être qui soit encore épargné…

« Enfin… »

Le garçon se réveille là-dessus.

Il ne sent plus les picotements…

Il rit de joie ! Mais s’arrête aussitôt, troublé… aucun son ne parvient à ses oreilles.

Rien, seulement un profond silence…

Il veut se redresser, mais ses membres ne lui obéissent pas…

Il ne sent rien.

Il ne sent plus ses jambes, ni ses bras, ni… ni rien.

Il tourne les yeux en tous sens, alors qu’il hurle sans produire le moindre son !

…Qu’est-ce que c’est que cet angle de vu ? Il n’est pas sur son lit…

Son propre visage entre dans son champ de vision, immense.

Sa bouche esquisse un sourire dont il ne se savait même pas capable, pendant que ses yeux brillent d’une triomphale lueur mauvaise.

Sa vision est chamboulée, alors que cet autre lui le soulève du sol puis ouvre sa couverture…

Une seconde… Sa couverture ?

Le faux Émile brandit un crayon, avec lequel il écrit sur le vrai Émile : « Tu vois ? Je te l’avais dit : plus de fourmillements ! »

« Je… je ne comprends pas… qu’est-ce qu’il se passe ?! » veut hurler le garçon.

Mais l’autre se contente de refermer sa couverture avant de le rouvrir, puis de recommencer à écrire.

« Il se passe que j’ai lentement pris ton corps, nuit après nuit, jusqu’à avoir suffisamment de force pour qu’il me soit possible d’intervertir nos places ! Comme un autre l’a fait avec moi, comme un autre l’avait fait avant lui, et encore un autre avant lui… etc ! »

« Tu… tu es le cahier… ? Tu m’as piégé !! »

L’autre sourit encore plus.

« Oui. Et si tu veux sortir de là, tu vas aussi devoir piéger un cancre, à ton tour ! Ne t’inquiète pas, être enfermé là-dedans, accorde magiquement le don de connaissance ! Tu pourras aider ta victime sans souci. »

Et sans lui permettre de répondre, il le jette en l’air… et Émile se retrouve soudain posé sur un bureau d’une chambre étrangère.

Il regarde en tous sens, jusqu’à finalement voir la porte s’ouvrir… sur une jeune fille, d’environ son âge.

Puis ses yeux tombent sur le cahier où Émile est enfermé, dont elle s’approche avec curiosité et incompréhension…

Oui… oui… viens… et dépêche-toi de me laisser ta place !!

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