La lune éclaire la pièce.
Pâle et brillante, ses rais se projettent au sol et sur les murs.
Ils révèlent peu à peu l'endroit et chassent la pénombre d'alors. Le silence est lourd, l'air poisseux, la pièce, étouffante.
Les bougies se sont éteintes il y a un moment déjà. La lune si blanche révèle la figure géométrique que j'ai tracé au sol. Le soufre sature l'oxygène. Ma respiration est saccadée. Je délire. Les formes des ombres prennent vie sous mes yeux. Le rituel est accompli...
Espérons qu'il fonctionne. Je sens ma consience vasciller, se détacher. Des mains griffues m'agrippent et me grattent la peau de leurs doigts gras. L'ombre repousse la lumière. Les ténèbres prennent leur couronne. Un sifflement macabre semble gémir au dessus du plafond. Des bruits indescriptibles viennent teinter le silence. La musique du monde ralentit, ralentit, ralentit encore... S'arrête. Se retourne.
Tout est joué à l'envers. Le Mal sera Bien, la lumière sera ombre, l'existence sera néant. Je m'abandonne au Rien. Ma consience rejoint l'oubli. Un bruit répété vient se présenter à moi. Est-ce le début de la sérénade du Vide ? Le bruit continue, plus puissant. Je tourne mon regard presque mort et tue le rien un instant. Mes yeux renvoient à mon esprit quelque chose. Une forme, une main décharnée, dont les tissus putrides imbibent la toile grisâtre que devient l'existence d'une teinte rougeâtre. Elle gratte lugubrement la fenêtre.
Quoi ? Je n'ai donc pas tué l'existence ? Je ne sais donc rien faire convenablement ? Je suis incapable de convoquer l'Oubli pour me débarasser de ces insectes stupides me parasitant l'existence ? Aurais-je oublié... ? J'observe la pièce et cette main horrible. Le rituel devait amener la Fin. Ce membre purulent est celui de la Mort et de la Pestilence. Des morts...
Ce n'est pas le Vide. J'entend des cris au dehors, des alarmes de voiture, des raclements de gorge immondes. Je me suis trompé. Surement perturbé par la possibilité d'y arriver. J'ai commis une erreur. Ce n'est pas le Vide, c'est le début de la Fin, apporté par ces créatures au dehors.
Je m'approche de la fenêtre. Je regarde la main seule... le reste du corps pourri est retombé en bas la maison. Des cadavres déambulent dans le quartier. J'entends des cris.
Si la Fin est donc pour demain, ce soir la destruction chantera sa chanson mortuaire, aux notes de spectres, de goules et de trépassés ambulants. Frémissez, chiens. Tremble, monde des hommes, toi qui laisse les tiens sombrer dans les affres de la solitude, toi qui persécute les uns et élève les autres. Mourez mortels, vous n'êtes pas de taille.