La prison
Le matin, comme le soir, la vie te parait carcérale. Le reste du temps, s’il s’agit de jour ouvré, ton esprit roule dans la routine, s’affaire, se perd dans les petits oublis pour se retrouver juste après, dans l’effort de revenir en arrière. Tout est tellement la même chose, comment ne pas oublier. Comment ne pas se laisser aller á la perte de souvenir, á la fuite constante du temps. C’est bien la seule liberté qu’on voit á sa portée. Le reste est une grande prison, une immense prison. Aussi grande que son propre monde et même au-delà, prison du monde entier, prison de l’univers, impossible de s’échapper. Une geôle sans porte ni fenêtre…ni mur. Une prison faite de peau et d’os, contenant du contenu, cage de l’esprit. Si tu la romps tu meurs.
Comme ton esprit, le monde est prisonnier, á l’intérieur. Il n’est qu’un simple reflet. Nul ne sait ce qui se trouve au dehors de la cage. Alors on fait comme si de rien n’était. On continue á vivre, ou survivre pour les plus conscient d’entre nous. Les gestes quotidiens ne sont rien, les erreurs, les accrocs, les virages mal négocies sont les seuls ersatz de notre liberté, ce qui nous laisse un peu l’illusion d’exister. Celui qui ne fait pas d’erreur, qui n’a jamais essayé puis échoué, qui n’a jamais été meurtri par l’amour qu’il a construit, celui-là n’aura même pas existé. Il ne fut rien de plus que prisonnier. Juste parti du décor. Et toi le rebelle, toi qui t’élève contre un système, contre une partie du monde, si tu es voué á l’échec des plus cuisants sachant ta rébellion être un un suicide, alors toi, oui, tu auras failli t’échapper, tu auras pu hisser ton corps pour voir un peu par dessus, au dehors, et presque t’extirper. Toi, souvent, seule la mort te délivrera.
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