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- 2002 -
Je n’ai jamais fait partie de ces jeunes populaires tout au long de ma scolarité. J’ai souvent eu ce sentiment d’être différent des autres, d’être à part, et de ne pas rentrer dans le moule de cette société. J’étais ce gamin invisible aux yeux de tous, celui que personne ne veut assit à côté de lui à la cantine, celui qu’on choisit en dernier au sport, celui qu’on bouscule dans le couloir. C’est ce que j’étais, ce garçon paumé, invisible que vous pouviez retrouver dans n’importe quelle école. Etrange, car en y regardant de plus près, Nicole et Ethan étaient appréciés des autres. Nickie était une belle fille qui collectionnait les copains, et Ethan était le sportif, le joueur de hockey que toutes les filles s’arrachaient. Et il y avait moi, James Dickens, gamin rondouillard. Tous ces ados s’épanouissaient autour de moi et je voyais tous ces garçons se former, draguer les nanas, alors que je n’en ressentais nullement le besoin. La gente féminine me laissait autant de marbre que la gente masculine.
Ma première masturbation remonte à mes quatorze ans. Si pour la plupart de mes camarades de classe le plaisir de la chair n’était plus une surprise, ce n’était pas mon cas. Je découvris les joies de la branlette grâce aux sous-vêtements en coton de Patrick, le nouveau compagnon de Debbie.
Juste après notre départ de Pembroke lors de cette nuit particulièrement agitée, nous avons traversé une partie du pays en direction de Spruce Grove, en Alberta. C’est là que grand-mère Jackie vivait. Grosse fumeuse, grand-mère était une adepte de cigarettes mentholées et de scotch bon marché. Ses lunettes rattachées à une cordelette en perles pendouillaient le long de son cou. Elle n’avait rien d’une mamie gâteau remplie de douceur, et sa voix rauque était là pour nous le rappeler. L’intérieur de la maison n’avait pas changé depuis ma plus tendre enfance et la décoration était figée dans les années soixante-dix. Grand-mère et Robert donnèrent naissance à deux filles, Deborah et Sarah Dubois. A l’inverse de grand-mère, Robert n’était pas un grand fan de scotch mais plutôt de gin, de vodka, et de bière. Alcoolique invétéré, il n’était pas rare qu’il soit violent envers sa femme et ses filles. Debbie avait refait exactement la même chose que grand-mère, c’est-à-dire épouser un homme violent et se réfugier dans la boisson. Et tout comme sa propre mère elle mit fin à ce calvaire plus ou moins de la même manière. Robert était porté disparu et personne ne faisait allusion au fait qu’il est été effacé de nos vies du jour au lendemain. A dire vrai, je soupçonnais grand-mère de l’avoir enterré dans le jardin.
Lors de notre longue route vers l’Alberta, nous nous sommes arrêtés sur une aire de repos. Debbie nous avait dit d’aller nous chercher de quoi manger le temps qu’elle fasse le plein d’essence. Je la vis depuis le shop, dégainer son téléphone portable et rester un bout de temps en ligne. Elle fit de même au motel où nous avons dormi. Elle s’était réveillée dans la nuit pour appeler cette personne et ces appels continuèrent à Spruce Grove, jusqu’au jour où nous emménageâmes à Westmount, Québec, et que nous fîmes la connaissance de Patrick alors que nous prenions possession de la maison. C’est dans un quartier résidentiel populaire de la ville que nous avions déposé bagages. C’était typiquement le genre de quartier florissant dans les années 70/80, et dont les prix attiraient désormais la classe ouvrière.
Patrick avait la quarantaine, des cheveux grisonnant, une carrure d’athlète, des bras musclés, et quelques poils blancs sortaient de sa chemise. Il bossait comme chef de chantier dans le bâtiment, ce qui expliquait ses mains de travailleur. C’était un habitué des chemises en jean assorties au pantalon qui lui moulait son petit cul rebondi.
Debbie nous le présenta d’abord comme un simple ami lors de ce déménagement, mais il n’en fallu pas plus à Nickie et à moi-même pour nous douter de ce qui se tramait. Elle le connaissait visiblement depuis longtemps, et cette liaison ne datait pas d’aujourd’hui. Les rumeurs qui couraient sur Debbie à Pembroke étaient-elles fondées ? Trompait-elle réellement Jacob avec Patrick ? Peu importe. Debbie semblait heureuse et pleurait nettement moins les nuits.
Patrick incarnait l’autorité, une figure paternelle qui m’avait cruellement manqué depuis tout petit. Au-delà de ça, le regard que je portais sur lui était étrange. J’étais à la fois impressionné comme un gamin pouvait l’être par son père, mais aussi effroyablement excité dès lors que mes yeux se posaient sur lui.
Une nuit, alors que je me réveillais pour pisser, je traversai le couloir pour me rendre au rez-de-chaussée lorsque du bruit provenant de la chambre parentale m’interpella. Je m’avançai à pas de velours et regardai par l’entrebâillement de la porte entrouverte. Debbie travaillait de nuit et Patrick était seul. Allongé sur le lit, sa grosse queue veineuse en main, il s’astiquait devant un film porno. Son regard était focalisé sur l’écran tandis que ses mouvements devenaient plus brusques. Une fulgurante érection me chatouilla.
Suite à ce soir-là, je profitai de l’absence de tout ce petit monde un après-midi en rentrant du lycée, pour me faufiler dans la chambre parentale. J’ouvris les tiroirs de la commode où je mis la main sur des strings et autres porte-jarretelles appartenant à Debbie. Mais l’objet de mon désir n’était pas là. J’ouvris un second tiroir et trouvai la collection de slips blancs en coton de Patrick. Je m’emparai d’un de ces morceaux de tissu, sortis ma queue d’ado pré-pubère de mon pantalon, et m’astiquai frénétiquement le manche pour cracher un énorme paquet de sperme chaud dans ce doux slip blanc.
J’ignorais encore en ce temps-là ce dont j’avais réellement envie en matière de sexualité, contrairement à Debbie qui semblait avoir été au courant de mon homosexualité bien avant moi. C’était d’ailleurs devenu un sujet de dispute récurrent entre elle et Jacob. Je l’entendais vociférer « Tu vas en faire une tapette !!! J’ai l’impression de voir Allan en miniature quand je vois ce gosse ! ». Al était le seul et unique frère de grand-mère. Parisien, il bossait dans la mode, aux côtés des plus grands. Autant dire qu’il cumulait tous les clichés inimaginables. Il avait tout d’une grande dame, une lady, une diva, et je l’adorais pour ça. Malheureusement je n’eus pas la chance de le côtoyer autant de temps que je l’aurais voulu. Al a eu la malchance de connaître les « années SIDA » qui ont brisé net cette vie libertine et libérée.
Ma vie d’adolescent en pleine crise d’identité prit un tournant intéressant lors de ma seizième année, durant l’automne 2002. J’avais abandonné mes lunettes, rasé ma chevelure buissonneuse, et m’étais débarrassé de ces kilos superflus. J’avais même droit à un début de barbe piquante sur le visage que je laissais fièrement pousser.
Et Lisa apparut. Seize ans, plantureuse, les lèvres maquillées d’un rouge vif, habillée d’un long manteau léopard et de bottes, Lisa se définissait comme féministe jusqu’au bout des ongles et comme grande défenseuse de la communauté LGBT. Elle avait tout d’une révolutionnaire et j’aimais ça. Nous nous étions rencontrés lors d’une manifestation devant le lycée suite à l’agression homophobe d’un couple de garçons après un match de hockey. Lisa fut mon déclic, le petit plus qui me manquait pour enfin me révéler, pour éclore au grand jour et être celui que j’avais inconsciemment toujours voulu être.
Lisa plaisait à un paquet de mecs au lycée, et je l’enviais pour ça. Son côté grande-gueule et provoc les faisait tous bander. Sa silhouette et sa poitrine généreuse y étaient aussi pour quelque chose. J’aurais tout donné pour vouloir être à sa place et me sentir désiré par tous ces gars rien qu’en marchant au milieu de cette rangée de casiers du Westmount High School.
L’association LGBT du lycée ne comprenait pas grand-monde, principalement des filles. Le seul mec avant mon arrivée représentait tout ce qu’on pouvait faire de caricatural en matière de clichés homos. Dan était considéré comme la pédale du bahut, le trou sur patte, la bouche à pipe, la tarlouze. Bref, Dan prenait cher dès lors qu’il passait quelque part. A côté de lui j’avais l’air d’un bûcheron viril sorti du fin fond des forêts du Canada. Je fis plus ample connaissance avec lui lors de ma première visite chez Lisa. Elle vivait dans le même quartier que moi, dans une maison sans prétention, seule avec son père. Sa mère était partie alors qu’elle était encore gamine. Pas étonnant qu’on ait vite accroché tous les deux.
Ce soir-là, son paternel s’était absenté et nous nous sommes retrouvés dans son salon, à passer une soirée comme seuls des ados savaient le faire, avec un peu de bière bas de gamme beaucoup de conneries à raconter, et de la musique.
Blondie jouait le titre In The Flesh dans la vieille chaine hi-fi des années 80 du paternel et Lisa dansait un semblant de slow au milieu de la pièce en échangeant de langoureux baisers avec Stéphanie, la seule et unique fille de l’équipe de hockey du lycée. Lisa ne se considérait pas comme bisexuelle mais se voyait comme une fille ouverte d’esprit.
Assis sur le canapé à siroter ma mousse, Dan débarqua et me proposa une cigarette.
- Je ne fume pas, désolé.
Il portait un t-shirt tellement moulant que j’aperçus un début de poitrine provoqué par un excès de graisse au niveau de ses pecs. Son corps était disgracieux, ses hanches trop larges pour un mec, son cul beaucoup trop rebondi, et j’avais une furieuse envie de lui couper cette grande mèche qui lui cachait une partie du visage.
- Ça fait quelques semaines qu’on se connait maintenant.
Il tira une bouffée sur sa cigarette en essayant d’y mettre de l’élégance. C’était loupé.
- Oui.
- Je me dis qu’on ne connait pas grand-chose de toi finalement.
- C’est-à-dire ?
- On se dit tout, tu le sais bien, c’est notre truc. Et puis ça m’intéresserait d’en savoir plus sur toi.
Il prit une nouvelle posture et se positionna d’une étrange façon sur son transat. On aurait dit une baleine échouée sur la plage. Malgré cela, je me sentais flatté de son plan drague et mon érection le prouvait. Il était pourtant si laid.
- Je n’aime pas trop parler de moi.
- Ce n’est pas ce que dit Lisa.
- C’est différent.
- Je connais un moyen d’apprendre à se connaître James.
Il se rapprocha de moi en tenant sa cigarette de la main droite, et déposa ses lèvres contre les miennes. Sa langue épaisse et rugueuse ordonna à ma bouche de s’ouvrir et elle se colla à la mienne. Je ressentis une furieuse envie de dégueuler. Dan empestait le tabac, et son haleine laissait à désirer. Ce premier baiser était interminable. Il se retira, fier de lui.
- Et voilà James Dickens, toi et moi venons de faire connaissance.
J’étais écœuré par ce que je venais de faire. Non seulement j’avais gâché mon premier baiser mais j’avais aussi la sensation d’avoir fait quelque chose de mal. J’abandonnai Dan et courus dans la salle de bain. Face au miroir, j’observai mon reflet et je ne me reconnus pas. J’eus soudain un doute sur ma véritable sexualité.
***
Ce baiser échangé avait foutu le bordel dans ma tête. J’étais à une période où je ne comprenais pas grand-chose à ma sexualité. D’un côté, mes fantasmes d’hommes murs se bousculaient dans ma tête, et d’un autre le fait de passer autant de temps avec Lisa modifiait mes sentiments à son égard.
- Et si je n’étais pas vraiment homo ? demandai-je à Lisa.
Elle portait une petite culotte cachée par un long t-shirt blanc et fumait une cigarette. En ce samedi après-midi nous passions du temps dans sa chambre, sur son lit deux places, à travailler nos cours en écoutant Blondie chanter Sunday Girl. Lisa était une fan inconditionnelle de Deborah Harry.
Une chaleur presque étouffante avait envahi la pièce tandis qu’à l’extérieur la température avoisinait les moins quinze, et de gros flocons recouvraient le paysage d’un voile blanc.
- Est-ce que tu bandes ?
- Quoi ?
- La question est pourtant simple mon gars ! T’as la gaule ?
- Non.
- Ok. Tu permets que je teste quelque chose ?
Elle repoussa son livre d’histoire, posa son mégot dans le cendrier sur la table de chevet et se plaça à califourchon sur moi. Mon regard plongea dans son t-shirt trop large qui laissait entrevoir de superbes seins tels deux monts parfaitement lisses. Ses lèvres se rapprochèrent des miennes et le souvenir du baiser senteur tabac de Dan me revint. La langue de Lisa n’était pas épaisse et rugueuse mais fine et douce, et un doux parfum de fraise émanait de notre échange. Comme si ça ne suffisait pas, Lisa prit ma main droite et la plaça dans sa culotte. Elle dirigea mes doigts au niveau de la fente de son vagin. Je me retirai instantanément et la poussai.
- Qu’est-ce que tu fais ? déclarai-je chamboulé.
- Tu bandes ?
- T’es dingue !
- Crois-moi, si avec ça tu ne bandes pas, c’est que t’es officiellement PD.
Lisa s’octroyait le droit d’utiliser « PD » à tout bout de champ pour la simple et bonne raison qu’elle défendait la cause homosexuelle.
- Je ne bande pas, ok, mais ça ne veut strictement rien dire.
- Moi aussi je t’aime mon gars. Mais que tu le veuilles ou non t’es PD.
Lisa transpirait le cul et aurait fait bander n’importe quel mec rien qu’en lui mettant ses nichons sous ses yeux.
- Dan n’arrête pas de parler de toi. Je crois que tu lui as tapé dans l’œil.
- Tu crois que tu pourrais lui dire que je ne suis pas intéressé ? Je ne sais pas trop comment m’en défaire et ses appels sur mon téléphone fixe exaspèrent ma mère.
- Si tu veux. Mais je te préviens, Dan a toujours été du genre collant.
- Fais chier.
Je me levai pour aller aux toilettes. Je descendis rapidement les escaliers et m’arrêtai brusquement lorsque je me retrouvai face à un homme dont l’image me stoppa net. Un bon mètre quatre-vingt, une carrure solide, un début de barbe de trois jours, et un crâne quelque peu dégarni sur les tempes, je venais de trouver le saint graal des hommes matures, celui capable de me faire bander et jouir toute la nuit. Son visage était dur, et son cul à tomber.
- Tu dois être James, me lança-t-il d’une voix grave.
Les mots me manquèrent.
- Richard, se présenta-il, le père de Lisa, insista-il pour me faire revenir sur terre.
- Oh oui, bonjour Monsieur.
Je n’avais pas encore eu l’occasion de le croiser, et je le regrettai amèrement.
- On était en train de réviser, Monsieur.
- Bien. Travaillez bien !
Il me sourit et alla se prendre une bière dans le réfrigérateur avant de se poser devant la télévision. Je gagnai les toilettes où mon érection était telle qu’elle m’empêcha de pisser. J’attrapai ma queue de la main droite et débutai une branlette, les yeux rivés sur cette porte derrière laquelle se cachait le père de ma meilleure amie.
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