Nuit sans lune
Nous glissons sous le ciel noir. Les chiens connaissent bien le terrain. Ils filent sans bruit dans l'air glacial, à peine éclairés par la frontale du musher. A l'approche du lac, le couple de tête dresse les oreilles : pourront-ils galoper sur la glace ? Non : aujourd'hui encore, le maître lance le signal "stop" et débarque ses touristes. Le temps de dételer et de distribuer les croquettes, le groupe va s'installer pour une longue attente, allumer un feu, faire griller des saucisses, danser pour se réchauffer, ouvrir les thermos de café, préparer les appareils-photo et guetter l'ouverture des nuages.
Il est bientôt trois heures du matin, il fait intensément froid et rien ne se passe mais les étoiles brillent dans le ciel maintenant dégagé donc prometteur. Seul le battement d'ailes d'un rapace, trop étouffé pour alerter les dormeurs, vient sporadiquement faire dresser une oreille ou le museau d'un husky qui s'empresse de retourner à ses rêves.
Et soudain elle est là.
Une timide bande vert clair se dessine au-dessus de l'horizon. Elle ondule et commence à se déployer. Une draperie s'étend à toute la moitié Nord du ciel. Elle tourne, s'enroule, se déchire et se reforme. La luminosité augmente de seconde en seconde. Des spirales se forment. Le ciel bruisse de milliers d'étincelles. Les rayons s'allongent, maintenant frangés de rose.
Quand le scintillement s'estompe, une deuxième salve apparaît, illumine le ciel, tournoie, étincelle, rétrécit et se redéploie. Les touristes émerveillés distinguent qui une tête de dragon, qui une queue d'hippocampe. Les chiens blasés poursuivent leurs rêves de chasse au lièvre.
Le musher s'active à rassembler les provisions restantes, nettoie le terrain, étouffe les dernières braises et se prépare à atteler. C'était une bonne sortie
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