Conversation végétale
Vieux de cinq mille ans
Le Pin de Mathusalem
Force la sagesse
Cinq mille ans poussés par les vents à rebours du temps, dans ma mémoire emprisonnée, je me souviens de ce monde parallèle auquel tu appartiens. Evoqué par tous les patriarches à ma naissance, l'avènement de l'écriture fit grand bruit à la frondaison. Résonnent encore les paroles de mon aïeul :
« L'homme cultive la terre, la terre domestique l'homme. De semis en sillons, les graines en dormance au gré d'une nature clémente, offrent à foison leurs nourritures terrestres. Par de petits signes gravés dans l'argile, l'homme méticuleux consigne le fruit de ses récoltes. Son esprit calcule. Habile de son calame, sa main court sur ses pensées... glisse sur son imaginaire et l'harmonie de son trait poursuit l'histoire d'un roi. »
Je pourrais te réciter ces mille six cents vers écrits au pays de Sumer si tu restais à m'écouter un instant.
Beauté ancestrale
Suspend sa prière au ciel
Force d 'espérance
Je m'appelle Pinus longaeva. J'ai grandi sur l'hémisphère ouest de la planète bleue dans une forêt entourée de patriarches. L'amplitude des vents et la rigueur des éléments n'enfreignent nullement ma nature, mon corps s'étire vers le ciel et croît très lentement. La plus sombre de mes nuits, jamais, ne me fit perdre mes repères. À l'envers du ciel, j'étends mes racines dans l'humus bleu de la terre.
Roc et roi rebelle
Jamais craintif de la foudre
Force de la vie
Fluide, mon esprit végétal devient langage courant sous l'écorce terrestre. En silence, je converse à des lieues à la ronde pour enseigner et ainsi protéger les miens. Sous les vents violents, mes branches tremblent sans frayeur. Je me défends sans connaitre la peur.
Agile de son corps, l'homme esquive ses tourments ; libre de ses mouvements, il s'imagine tout puissant.
Le vieil ermite
Croît vers sa déesse bleue
Force de respect
Parmi les hommes nomades, libres de fouler le sol de leurs pas, j'ai connu bien des sages proches de la nature dont l'âme anime toujours mon esprit sédentaire. D'autres ne sont que d'avides explorateurs, imposteurs à la solde de leurs croyances. Tournés vers le ciel, ils invoquent les dieux puissants et sauveurs pour affronter leur peur.
Au cœur de ces montagnes blanches de Californie, je vis aujourd'hui en reclus, protégé de l'humanité.
J'aime sentir ton regard bleu se poser sur mon corps végétal, j'aime ce silence suspendu à mes branches.
Quel que soit ton chemin, n'oublie jamais ton antique nature et préserve ces nourritures affectives qui fleurissent par la force de tes pensées.
Entre l'arbre et l'homme
Le temps s'écoule entre deux
Mondes parallèles
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