Chapitre 2

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Plume

— Merci Plume, tu me sauves encore une fois.


Je rigole doucement à sa remarque. Madame Artmann est une femme attendrissante d’au moins quatre-vingts ans qui me regarde avec un grand sourire aux lèvres et des yeux pétillants de malice.


— Ce n’est qu’une infusion, voyons, ne puis-je m’empêcher de lui répondre, avec plaisir. N’oubliez pas, faites en une le matin et une le soir. Cela devrait calmer vos migraines.


— Comment ferais-je sans toi ?


Le sourire ne quitte pas mon visage, ce petit bout de femme qui doit à peine dépasser un mètre cinquante-cinq est un vrai rayon de soleil à elle toute seule. Sa bonne humeur ne la quitte que rarement. Elle et son mari vivent non loin du marché auquel je participe ce matin, celui de Kayserberg, comme toutes les semaines depuis maintenant deux ans. Quand j’ai rencontré l’octogénaire, elle se plaignait d’avoir régulièrement des migraines. Je lui avais suggéré d’essayer une des recettes que je connais, un mélange de camomille, de lavande, de marjolaine et de verveine afin de calmer ses douleurs. Elle était sur la défensive et dubitative, mais en ayant sur mon étale, je lui avais offert un sachet de mélange, afin qu’elle puisse tester. Elle était revenue me voir la semaine d’après avec un grand sourire aux lèvres. Depuis, tous les mois, je lui procure sa “potion magique” comme elle aime le dire.


— Voici la décoction dont je vous avais parlé, pour calmer les rhumatismes de votre mari. Mélangez deux cuillères à soupe, dans cinquante centilitres d’eau. Qu’il la boive avant l’heure du souper. Je compte sur vous madame Artmann, pour qu’il la prenne, dis-je avec un grand sourire aux lèvres.


— Appelle-moi Solange… Je te l’ai déjà dit.


C’est vrai, chaque semaine Madame Artmann vient me saluer sur le marché, à chaque fois, elle me rabroue pour que je l’appelle par son prénom. C’est devenu un rituel entre nous. Au début, Solange se froissait que je tienne cette distance entre nous. Voyant à mon air espiègle que je le faisais exprès, nous avons gardé notre habitude, je la nomme par son nom marital, tandis qu’elle me rabâche son prénom. Je la regarde ranger les deux mélanges dans son sac de course et la vois sortir de celui-ci un sac en toile qu’elle me tend. Je hausse un sourcil me demandant bien ce qu'elle me ramène cette fois-ci et ne peux contenir l'éclat de plaisir qui doit se lire dans mes yeux. Mon sourire continue de s'agrandir après avoir découvert une botte de poireaux et une autre de radis. Robert - son mari - est un agriculteur à la retraite, il adore s’occuper de son potager, c’est tout naturellement qu’en échange de certains de mes remèdes, sa femme me ramène des légumes qu’il cultive. Cela varie selon les saisons et de la récolte, ils ont aussi des poules et des arbres fruitiers. Du coup, je ne sais jamais si je vais avoir des légumes, des fruits ou encore des œufs. C’est à chaque fois une petite surprise que j’apprécie et qui me touche.


— Remerciez Monsieur Artmann.


— Tu sais bien que Robert est ravi de te donner ses légumes. Vu tout ce que tu fais pour nous, grâce à tes potions magiques, j’ai l’impression de rajeunir de trente ans. Je vais te laisser, je n’ai pas fini mes emplettes. Je te dis à la semaine prochaine.


Je souris toujours et lui fais un signe de la main pour lui souhaiter une bonne journée. Arrangeant mes étals - afin d'éliminer les espaces vides laissés par les produits vendus - je suis concentrée sur ma tâche et c’est un petit raclement de gorge qui m’en sort. Je redresse la tête, surprise quand je vois devant moi, Solange qui a rebroussé chemin sans que je ne m’en rende compte. Accompagnée du boulanger, monsieur Paul Zikker - un homme charmant, d’une cinquante d’années et une bonne bedaine - ainsi que sa femme Anna, fleuriste du village. Mes sourcils se froncent quand je remarque qu’ils me fixent d’une étrange manière. Comme pour Solange, je connais ce couple depuis mon arrivée.


— Plume ! m’interpelle Paul, avec un sourire crispé.


— Monsieur et Madame Zikker, dis-je poliment, pour les saluer. Tout va bien ?


Les trois clients se jettent des regards de connivence qui me laisse perplexe. J’arrête mon rangement pour mieux les observer en attendant leurs réponses, ils arborent tous les trois une mine soucieuse, le visage de Paul est encore plus fermé qu’à son habitude, même Solange et Anna n’affichent pas leur sourire franc, qui est habituellement greffé sur leur visage. Quelque chose me dit que je ne vais pas aimer ce qu’ils ont à me dire. Paul se caresse le menton, comme s’il hésitait à me faire part d’une information. C’est bien la première fois que je vois mes amis agir de cette manière envers moi. Anna jette un coup d'œil rapide vers Paul et Solange, probablement pour savoir qui va prendre en premier la parole, voyant qu’aucun d’eux n’a l’air décidé, elle se décide à rompre ce silence pesant.


— Bonjour Plume, me dit-elle avec un demi-sourire. Nous allons bien. En fait…


La quinquagénaire s’arrête au milieu de sa phrase, ses yeux semblent avoir repéré quelque chose plus loin qui l’interpelle. Je suis son regard et perds mon sourire en apercevant trois hommes plutôt grands, dont le blond que j’ai aidé dans la forêt. Ils ont l’air de chercher quelque chose de précis. Ou quelqu’un... Dix jours sans nouvelles, j’avais espéré ne pas le recroiser. Détournant le regard pour me focaliser sur mes clients, qui ont sans mal aperçu mon changement d’attitude, passant du décontracté à la défensive, mes muscles sont crispés. J’essaye de relâcher la pression et de me convaincre que ce n’est pas moi qu’ils veulent voir, mais Paul anéantit rapidement mes espoirs.


— Ils tournent depuis quelques jours dans le village, en demandant aux commerçants si on connaît une guérisseuse. Tu les connais ?


J'hésite quelques secondes à nier, mais ils ne sont pas dupes, cela fait deux ans que l’on se côtoie régulièrement sur le marché ou dans leur boutique et s’ils sont venus vers moi à la hâte en les apercevant, c’est qu’ils se doutent déjà de la réponse. Je soupire un bon coup, avant de reprendre.


— Il y a une dizaine de jours, lors d’une balade en forêt j’ai retrouvé le blond blessé dans les bois, je l’ai soigné avant de partir. Que leur avez-vous dit ?


Je ne peux retenir une pointe d’agressivité quand je pose la question. C’est l’angoisse qui remonte dans mes tripes et la peur qui m’impose d’être sur la défensive, alors que je les connais bien. Ils ont dû en dire le moins possible. Mes trois amis m’observent avec surprise, il faut dire que cela ne me ressemble pas, de perdre mon calme. Anna me confirme mes pensées, d’une voix calme qui se veut rassurante.


— Que je ne connaissais pas de guérisseuse, mais qu’une jeune femme douée en plantes participait au marché dans plusieurs villages alentour.


Je ne m’étais pas rendu compte que je bloquais l’air dans mes poumons et quand Anna finit de parler, je relâche d’un coup l’air retenu. Je tente encore une fois de me convaincre que les trois hommes ne sont pas à ma recherche. Peut-être que si je me planque dans ma camionnette ça fonctionnera ? Allez Plume ! Reprends-toi ! Tu es toujours parvenue à te cacher, ce ne sont pas trois pauvres louveteaux qui vont t’effrayer ! Solange réduit à néant tous mes espoirs quand elle laisse échapper un : Saperlipopette…


Je pose mes prunelles sur elle, avant de suivre la direction qu’elle regarde. Je déglutis, quand j'aperçois le groupe s’avancer rapidement vers moi. Nom d’un radis ! Mes trois amis me font signe de la main avant de déguerpir au même moment où les trois loups sévères s'approchent. Le blond que j'ai aidé à l'air en meilleure forme. Vu sa nature Lupine, en dix jours, il a amplement eu le temps de guérir. Je rougis légèrement, en repensant que j’ai pu le voir totalement nu… Quand je détourne le regard, pour ne pas penser à cette rencontre incongrue, mes iris se posent sur celui à sa droite. Un homme qui me regarde avec méfiance. Il doit avoir une trentaine d’années, avec des cheveux blonds, cendrés et longs, vêtus d’un t-shirt blanc et d’un jean. Les deux blonds doivent mesurer non loin d'un mètre quatre-vingt-dix. L’inconnu de la forêt porte un t-shirt et pantalon noir ainsi que des Rangers de la même couleur, un sourire illumine son visage dès que ses prunelles croisent les miennes.

Mes iris finissent par se poser sur le troisième homme qui les accompagne. Ce dernier a des cheveux noirs mi-longs, un visage fin, légèrement moins grands que les deux autres, mais d’une carrure assez imposante, ses yeux gris m’observent avec attention comme s’ils cherchaient à sonder mon âme. Je profite de quelques secondes supplémentaires pour le scruter, il porte un t-shirt sombre recouvert d’une veste noire qui semble être en cuir et un jean bleu foncé. Je déglutis légèrement, mal à l’aise de me retrouver devant ses trois gaillards. Mes yeux continuent pourtant leurs inspections et remarquent que les trois jeunes hommes portent tous un croc à l’oreille droite, chose que je n'avais pas repérée quand j’ai aidé le blondinet dans les bois. Tout mon corps se crispe quelques secondes, avant que je ne parvienne à reprendre contenance. Mince… des Exécuteurs ! Calme… Zen… Respire Plume… Ils ne savent pas qui tu es !


— Bonjour ! dis-je, le plus calmement possible, alors que la peur fait rage dans mes veines.


Ils ont dû profiter de mon égarement pour changer d’emplacements. Les deux blonds encadrent l’homme aux cheveux noirs, désormais. Calme-toi ! Ils te cherchent, mais ne savent pas qui tu es ! Reprends-toi, Plume ! Mes paupières se ferment une brève seconde, mon regard à nouveau neutre - voir noir - les scrute. J’analyse rapidement la situation. Contrairement à ce que je pensais de prime abord, l’homme aux cheveux noir est leur Alpha. J’en mettrais ma main à couper. Il a la prestance et l’aura d’un loup important. Mes mâchoires se crispent, alors que j’essaye d’éviter de poser un regard trop insistant sur leur boucle d’oreille. Leurs iris ne me quittent pas un seul instant, me scrutant avec intensités et curiosités. Une fois mes émotions partiellement calmées, quelques secondes seulement ont dû s'écouler, mais cela m'a semblé être une éternité. je prends la parole.


— Puis-je vous aider ? Vous recherchez une tisane ? Un remède spécifique ?


Une œillade de connivence passe entre eux, avant que le blond que j’ai aidé ne s’avance vers moi. Je donne le maximum pour paraître neutre. J’attends qu’ils prennent la parole, mais ils ont plutôt l’air de chercher à me faire craquer sous leurs regards scrutateurs. Mes iris se voilent rapidement de colère, je tente de garder le contrôle, cependant le stress et la peur remontent le long de ma colonne vertébrale. Le silence est pesant, je décide donc de le rompre en reposant mes questions calmement, mais d’une voix un peu plus forte.


— Puis-je vous aider ? Vous recherchez une tisane ? Un remède spécifique ?


J’essaye de faire abstraction du regard insistant que l’homme blond de la forêt me lance. Quand il prend la parole, mon sang se glace dans mon corps, je me reprends le plus vite possible. Je ne peux exposer mes faiblesses face aux Exécuteurs… Ils travaillent pour ceux que je hais, au plus profond de mon être.


— C’était vous dans la forêt ! Pourquoi être partie aussi vite ?


Retenant de justesse un soupir, je réfléchis à ce que je peux répondre. Faire semblant de ne pas comprendre de quoi il parle ? Non, c’est stupide. Il m’a très bien reconnue, mais je ne dois pas non plus leur faire savoir que je connais leur nature. Sinon, je suis morte ! Des Exécuteurs ! Mince, des tueurs de loups solitaires. Ils ne doivent surtout pas savoir qui je suis. Réfléchis, Plume. Calme-toi.


En effet, je réponds d’une voix douce. La crème que je vous ai appliquée aide à cicatriser plus vite, vous n’aviez pas besoin que je reste à vos côtés.


Je les regarde tous les trois, ne sachant pas si ma réponse leur convient ou non. Leur offrant un sourire franc, car même si leur présence ne m’enchante pas, je suis contente qu’il soit guéri. J’attends qu’ils prennent la parole, mais ils ont l’air de ne pas savoir quoi dire. Face à cette absence de réaction de leurs parts, je me tourne vers un client qui vient de se présenter devant mon étal. C'est une aubaine pour moi de répondre à ses questions. Lorsque je termine avec lui, l’Alpha se décide à prendre la parole.


— Nous voulions te remercier d’avoir aidé notre ami.


Je reporte mes iris sur lui et hausse un sourcil. Son visage est fermé, il ne montre ni expression ni émotion. Sa voix est plutôt bourrue, son timbre neutre. J’essaye de garder contenance, mais face à eux, ce n’est pas évident. Sept ans que je me cache du mieux possible et que j’évite les territoires où des meutes sont installées. Il fallait que je fasse la rencontre d’Exécuteurs. Des assassins à la solde du Haut Commandement Lycan... J’affiche un sourire timide sur mon visage avant de répondre.


— N’importe qui aurait fait la même chose. Il ne fallait pas vous déplacer pour ça.


La cloche sonne midi et demi, c'est l'heure de plier bagage - et de s’éloigner d’eux rapidement - alors je commence à remballer mes affaires. Une fois mes produits rangés dans les caisses de transport, je les place dans la camionnette. Je ferme cette dernière dès que tout est en place, je n’ai qu’une envie, partir loin d’eux. J’essaye pourtant de calmer mes nerfs, je tourne la tête vers les trois hommes, celui aux cheveux noirs, me scrute toujours de ses yeux couleurs aciers. Il avance d’un pas vers moi.


— Plume, c’est ça ?


Je fais tout pour ne pas montrer ma surprise, mais cela n’a pas l’air de fonctionner vu le petit rictus satisfait qui s’affiche sur son visage.


— On se reverra, me dit-il avant de tourner les talons et de partir avec ses deux acolytes.


Nom d’un radis ! Il ne peut pas savoir, hein ? Je le porte toujours ! Une fois assise au volant, mes doigts frôlent mon poignet pour être sûre que mon bracelet s’y trouve toujours. Il faut que je déstresse face à cette vague d'angoisse qui me prend de court tout comme cette bande d'Exécuteurs. Je suis certaine d'être protégée par mon “talisman“. Je ne dois rien voir d'autre qu'un remerciement de leur part pour avoir aidé l'un des leurs. Rien de plus.

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Bonsoir,

Navré pour le retard, mais c'est la quinzième fois que j'essaye de poster le chapitre. J'espère que cette fois-ci sera la bonne ^^

J'espère qu'il vous plaira.

Oups ! Plume est tombée sur une meute d'Exécuteurs :O

On se revoit fin de semaine :)

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