Chapitre 4

9 minutes de lecture

Zander
Dix jours plus tôt

J’ai reçu il y a quelques jours, un message d’un ami de longue date. Il habite de l’autre côté du vallon. Celui-ci m’annonçait que plusieurs loups Solitaires s’approchaient de mon territoire. Ce n’est peut-être rien, mais je préfère assurer le mieux possible nos arrières, nous avons bon nombre d'ennemis. De plus, malgré son statut et ses mœurs, Torkal avait des adorateurs. C’est pourquoi ce matin, j'ai envoyé mon premier Bêta, Keylan, qui est également mon meilleur ami, repérer les lieux autour de notre résidence sur un périmètre de trois kilomètres, avec Cayden. Je préfère être trop prudent et connaissant bien l’expéditeur du courrier, s’il prend la peine de m’écrire, c’est qu’il pense que le passage des Solitaires n’est pas anodin. J’attends le retour de mes deux premiers Bêtas, afin de savoir s’ils ont pu trouver leurs traces et si nous devons nous attendre à des attaques potentielles.

Le premier à revenir quelques heures plus tard est Cayden, il n’a rien repéré, aucune odeur, aucune trace suspecte. Je n’ai pour le moment aucune nouvelle de Keylan. Il a tendance à couper le lien de meute quand il est sur une piste. Cela m’agace, mais il a toujours fonctionné ainsi. Je replonge dans les dossiers posés sur mon bureau, que j’avais refermé plus tôt. Ne trouvant aucune requête pertinente, je soupire un coup avant d’observer l’heure. Seize heures, cela fait plus de deux heures et demie que Cayden est revenu et je n’ai toujours pas de nouvelles de Keylan. J’essaye de le contacter, je n’ai aucun retour. Cela ne présage rien de bon. Il peut être têtu quand il s’y met, mais pas au point de couper aussi longtemps son lien avec nous, d’autant plus s’il a trouvé une piste. Je demande à Cayden de me retrouver devant notre habitation pour partir à la recherche de Keylan et comprendre ce qu’il se passe.

Nous vadrouillons sur le secteur de Keylan, sous forme lupine, l’un commençant au nord l’autre au sud, tout en restant en communication par le lien de la meute. Mon meilleur traqueur est porté disparu, il est hors de question que le second le soit aussi. Au bout de deux heures de recherche, Cayden m'appelle par la toile de la meute, afin que je le rejoigne. J'essaye de rester calme et serein, mais l’angoisse se fait de plus en plus forte. Au bout d’une demi-heure, j'arrive à proximité de Cayden. Il lève les yeux vers moi, me lance un regard énigmatique, alors que devant lui je repère le corps de mon frère de cœur. Keylan ! Merde ! Je tente de maîtriser ma respiration et mon stress qui m'angoissent comme jamais. Si je perds mon Bêta, meilleur ami et frère, personne ne pourra m’arrêter. Je m’approche d’eux et lance un regard à Cayden, qui hoche la tête pour me signifier que mon frère est toujours vivant. Le souffle qui était bloqué dans mes poumons se relâche instantanément.

— Il a été soigné, m'annonce Cayden d’une voix sourde.

Mon cerveau met du temps à assimiler la donnée, après un moment qui me paraît long, je me force à reprendre mes esprits. Ce n’est pas le moment de perdre mon sang-froid, ou de rester statique comme un louveteau paniqué. J’avance vers mon frère étendu sur le sol. Je l’observe et remarque tout de suite l’espèce de pommade verdâtre qui recouvre son torse, ainsi que des blessures sur ses bras qui sont en train de se refermer. Mes mâchoires sont serrées, si quelqu’un l’a soigné pourquoi est-il tout seul, étendu au milieu de la forêt ? Cayden toujours accroupi devant notre ami me sort de ma léthargie. Je tourne la tête vers lui et observe son visage fermé, ses mâchoires crispées, je peux voir qu’il est tout aussi tendu que moi. Ses prunelles croisent les miennes rapidement, je peux y lire de la colère et de la perplexité, avant qu’elles ne m'indiquent une direction que mon regard s’empresse de suivre.

— Hormis des traces de pas, juste à côté de lui il n’y a rien. On a dû le tirer pour le déplacer jusqu’ici.

Avec la pluie de ces derniers jours, on peut voir des empreintes de pieds assez petites tout autour de mon frère, ainsi que deux traînées de boue remontant sur plusieurs mètres, ce qui atteste de la théorie du Bêta. Je m’avance doucement vers les marques au sol et remonte celle-ci afin d’espérer trouver des indices sur ce qu’il s’est passé. Une centaine de mètres plus loin, le sol ne laisse plus rien paraître, hormis une empreinte de patte et de chaussures. Un léger parfum fruité me parvient aux narines, ainsi qu’une odeur de rouille qui me laisse un arrière-goût amer dans la bouche.

Du sang…

C’est tout ce que je parviens à détecter, aucune odeur ni signe supplémentaire. Je rebrousse chemin pour retourner auprès de Cayden qui s’affaire à redresser Key, pour qu’on puisse le ramener à la résidence.

J’inspecte mon ami qui papillonne des yeux par moment, sans parvenir à les garder ouverts ni à rester conscient. Dès que nous serons rentrés, j'enverrai Tya examiner mon ami, elle saura m’en dire plus sur son état et sur la pommade qui lui a été administrée. Quant à Naël et Gaya, ils iront inspecter une nouvelle fois les environs pour trouver des indices. Même si j’essaye de me mettre totalement dans l’analyse des lieux. Ma priorité actuelle est Keylan, il est donc possible que je laisse quelque chose m’échapper du à mon inquiétude à son égard.

Au bout de deux bonnes heures interminables, nous sommes enfin de retour. Je fais signe à Cayden d’emmener Keylan dans sa chambre. Rentrant dans le salon, j’observe les trois personnes qui me font face attendant que je leur donne des réponses.

Si seulement j’en avais !

Je répartis rapidement les tâches auprès d’eux, de toute façon, le temps que Tya aille examiner mon premier Bêta, ou que celui-ci ne reprenne connaissance, il ne sert à rien de rester tous ici à se regarder dans le blanc des yeux. Je déteste être inactif, il me faut des explications et ce n’est pas en restant inoccupé, que nous en aurons. Je retourne dans mon bureau pour examiner une nouvelle fois les mandats d’exécutions que j’ai reçus. Une demande ou information m’a peut-être échappé. Ce ne sera que la troisième fois aujourd’hui que je les relirai, je dois les connaître par cœur, toutefois cela m’aide à garder un semblant de contrôle et à canaliser ma colère, qui ne cesse de grandir en moi. Ne trouvant rien de plus dans les documents, je redresse la tête, me frotte la nuque pour tenter de faire redescendre la pression. Je ne cesse de penser à mon ami, qui est allongé dans sa chambre, j’aimerais avoir des nouvelles. Mais cela ne sert à rien de presser Tya, quand elle aura fini son auscultation, elle viendra d’elle-même me donner son verdict.

Nous nous connaissons depuis toujours avec Keylan, lui et moi, avons grandi ensemble dans la même meute, celle de mes parents. L’assassinat, qui à coûter la vie à plus de quatre-vingts pourcents des loups de la meute dans laquelle nous sommes nés, mes parents étant les Alphas de celle-ci n’ont pas survécu. Nous sommes les derniers survivants de ce temps passé, je passais déjà à l’époque tout mon temps avec Keylan. Son père était le premier Bêta du mien. Serge devait partir à la rencontre d’une autre meute, qui vivait non loin des Landes, le territoire sur lequel on vivait. Il m’avait proposé de les accompagner, son fils, sa femme et lui, pour voir comment se déroulaient des négociations, je m’étais bien sûr empressé d’accepter avec l’aval de mes Alphas. Sur le chemin du retour, je me voyais déjà annoncer fièrement à mon père que les négociations étaient une réussite. Du haut de mes dix ans, j’étais euphorique et ravi d’avoir pu aider les miens, quand tout a basculé. Alors que je me chamaillais un peu avec Keylan, j’ai pu sentir au fond de mes tripes, une angoisse sans nom montée le long de mon échine, avant qu’une douleur effroyable ne traverse tout mon corps, en sentant le lien de meute se dissoudre au fur et à mesure que ma famille s’éteignait sous l’attaque. Je ne me rends compte que j’ai les poings serrés sur mon bureau et le souffle erratique en repensant à cette période difficile, quand Tya rentre dans le bureau et me sors de mes pensées.

— Keylan est toujours inconscient. Je ne sais pas qui l’a aidé, mais la pommade est efficace.

Je secoue la tête, pour finir d’éloigner, ses souvenirs douloureux, avant de porter mon attention sur la jeune femme aux cheveux blonds. Elle est avec nous depuis trois ans maintenant. C’est aussi elle, qui s’occupe de nous soigner quand on est vraiment mal en point. Ce qui heureusement n’arrive pas souvent. Il faut dire que nos gènes de loup-garou aident bien. Je demande plus de précision sur les blessures de mon ami. Tya m’informe que beaucoup sont bénignes, mais que celle qui était cachée sous le baume s’étend sur une bonne longueur, le long de son abdomen et aurait dû prendre plus de trente-six heures à cicatriser complètement. Alors que d’ici à peine quelques heures, mon Premier Bêta ne devrait plus porter aucun stigmate, de l’attaque qu’il a subie. Mes sourcils se froncent, suite à son annonce.

— Tu sais ce qu’il y avait dans cette crème ?

— La personne qui l’a aidé s’y connaît forcément en plantes, c’est tout ce que je peux te dire Zan.

Un nouveau soupir s’échappe de mes lèvres, je masse mes tempes, tout en essayant de trouver des réponses quant à l’état de mon ami et son ‘sauveur’. Rien… Il me manque plusieurs pièces à ce puzzle, pourtant je promets que je trouverai le fin mot de cette histoire.

***

— J’ai été pris par surprise, je n’ai rien senti, rien vu. Probablement un loup Solitaire qui savait où nous trouver et qui a tenté sa chance. Il y est presque arrivé cela dit.

J’écoute Keylan tout en serrant les poings, oui il s’en est fallu de peu. Et ça me met hors de moi, j’aurais dû leur dire de ne pas se séparer et surtout y aller avec eux ! Malgré toute la colère qui s’insuffle dans mes veines je me concentre sur le récit de mon frère.

—J’ai réussi à lui donner quelques coups, il n’a rien à envier de mon état.

Un petit sourire narquois prend place sur son visage.

— Je ne sais pas pourquoi il s’est arrêté, mais j’avais l’impression qu’il suivait des ordres et ne devait pas m’éliminer de suite. Ou alors quelque chose l’a effrayé, mais je ne peux te dire quoi. J’ai essayé de rebrousser chemin après son départ précipité, mais malgré notre guérison rapide j’ai fini par m’écrouler. Quand je suis revenu à moi... une femme aux cheveux roux était penchée sur moi. Elle allait me badigeonner le torse d’une crème où je ne sais quoi, quand j’ai arrêté son geste. Malgré la peur qui se lisait facilement sur son visage, elle insistait pour que j’accepte ses soins, car ça m’aiderait à cicatriser plus vite.

Je hausse un sourcil à sa remarque. Cicatriser plus vite ? Au vu de l’état de mon ami, comment pouvait-elle savoir qu’il allait survivre ? Et pourquoi l’a-t-elle laissé là-bas, sans chercher à le ramener en ville ? Il a su nous détailler la jeune femme - rousse, plutôt fine, des yeux vert émeraude - dès qu’il sera totalement rétabli nous irons nous renseigner. Peut-être pourra-t-elle nous en dire plus. J’attends aussi le retour de Naël et Gaya en espérant qu’ils auront quelques réponses supplémentaires à nous apporter. Et surtout je ne laisserai pas le salopard qui a osé toucher à un des miens, vivant.

~~~~~~~~~~~~~~~~

Bonjour les louveteaux :)

Désolé pour le retard de chapitre, mais le voici :D

J'espère qu'il vous a plu. On en apprend un peu plus sur la meute et sur le lien qui relie Keylan et Zander.

A la semaine prochaine ^^

Annotations

Vous aimez lire Gobeuse De Livres ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0