Chapitre 15
Plume
Je n'arrive plus à réfléchir ni à respirer. Cela fait une bonne heure qu'ils sont partis et mes poings ne se sont toujours pas desserrés.
Calme. Zen. Respire, Plume.
J'ai besoin de sortir, de prendre l'air. Une fois hors de la maison mes pas me portent naturellement jusqu'à chez Callie et Paul. J'ai besoin de voir mon fils. J'entre sans prendre la peine de m'annoncer. A peine rentré dans le salon, je le cherche du regard, j'ai besoin de le serrer dans mes bras, ce que je fais dès que je l'aperçois. C'est la seule chose qui m'aide dans ces moments-là. Il me rend mon étreinte sans rien dire, enfouissant son nez froid dans mon cou, tout en y déposant plein de bisous mouillés. Il en profite aussi pour me chatouiller, ce qui a pour effet de me dérider. Je rigole, mes yeux s'ancrent aux siens. Il a les mêmes yeux que son père. La nostalgie me gagne, mais il est hors de question qu'elle prenne le dessus. Mon fils, ma bouée, ma bouffée d'air frais. Sans lui, rien ne serait pareil. C'est pour lui et grâce à lui que j'ai le courage d'avancer tous les jours.
Je lui rends ses chatouilles, il se roule dans tous les sens au sol pour tenter de m'échapper. Erwann est mort de rire, ce qui évacue mes dernières tensions. Je me redresse pour aller voir mes amis qui me regardent avec compréhension et amour. Ils savent que quand j'agis de cette façon, c'est que je ne maîtrise plus la situation et que seul mon petit loup peut m'aider. Presque debout, j'ai le droit à une attaque-surprise de mon petit bout, qui en profite pour se transformer en louveteau et me saute dessus de toute sa force. Je chancelle et me retrouve allongée dos au sol alors qu'il me lèche le visage en m'écrasant les épaules de ses pattes avant. Je laisse échapper un rire sonore, retrouvant ma bonne humeur à son contact. Durant de longues minutes, il continue ses léchouilles, avant que son regard ne percute le mien. Je lui caresse affectueusement les poils.
— Tout va bien mon cœur, maman avait besoin de te voir, dis-je avec un petit sourire, espérant calmer ses peurs, dont je suis la seule fautive.
Immédiatement, je m'en veux de lui créer du stress, c'est lui et moi pour toujours. Je continue de caresser son doux pelage beige aux reflets roux, pour le rassurer et lui montrer combien je l'aime. Callie et Paul n'en perdent pas une miette, Erwann se sent en sécurité chez eux, sinon jamais il n'aurait changé d'apparence. Il n'y a qu'ici, ou à la maison qu'il le fait. Je lui ai déjà expliqué qu'il était dangereux de se transformer autre part, sauf si vraiment la situation l'exige, bien sûr à son âge il écoute, mais ne comprend pas la portée de mes paroles. J'attends qu'il reprenne sa forme humaine calmement, tout en continuant de glisser mes doigts dans sa fourrure.
— On va devoir partir, maman ?
Je garde mes yeux fixés aux siens et le serre dans mes bras pour le rassurer tout en déposant des doux baisers dans ses cheveux blonds.
— Non, mon cœur. Je te protégerai toujours, mais est-ce que ça te dit que nous fassions un petit voyage toi et moi voir si on trouve un ancien ami de maman ?
Je peux voir dans ses prunelles de l'envie et du plaisir. Je souris face à sa confiance.
— C'est loin ?
— De l'autre côté de la montagne, il y en a probablement pour quelques heures de voiture.
— On ne peut pas y aller en courant ? me demande-t-il, d'un air triste.
— C'est ce que tu veux, mon chéri ?
— Ouiiiiiii.
Je lui souris. Depuis l'attaque nous n'avons pas fait de balade tous les deux. Ce n'est peut-être pas prudent d'y aller en courant, mais il a besoin de se défouler. Et ça lui tient à cœur.
— Je dois d'abord parler avec tata et tonton, tu me laisses un petit moment pour que je vois quand on part ?
Il quitte mon corps sans attendre, puis va s'habiller avant de jouer tranquillement dans la chambre qu'il a chez eux. Je me relève, puis avance vers la cuisine, pour rejoindre le couple. Une fois installée autour de la table, je leur raconte ma journée et ma discussion avec les Exécuteurs. Bien sûr, ils sont inquiets pour nous. Cependant j'ai surtout besoin de savoir si Nick est bel et bien toujours vivant, il n'était déjà pas jeune quand il s'est occupé de moi et je lui dois la vie. Je ne l'oublierai jamais. C'est grâce à lui en partie que j'ai pu partir.
— Tu ne veux pas attendre quelques jours avant de te décider ?
— Je ne peux pas, ils ne vont pas tarder à me suivre pour tenter d'en savoir plus. Si je pars dans l'heure je trouverai mon ami avant eux, car ils vont aussi aller le rencontrer. J'ai besoin de le voir, je lui dois tant. Cela fera aussi plaisir à Erwann de rencontrer quelqu'un que j'ai connu par le passé. Je lui en ai déjà trop demandé pour son âge. Ce sont mes choix et je les assume, mais il n'a pas à subir une vie d'exil à la moindre frayeur. Hormis vous deux, il ne connaît personne d'autre. J'ai besoin d'avancer et d'arrêter de me cacher.
— Et si les loups te suivent dès ce soir ? me demande Paul.
— Ils ne s'en prendront jamais à mon fils, si ça doit mal tourner, ce sera entre eux et moi. J'ai foi en mon jugement, ils ne toucheront pas à Erwann. Je pense surtout que derrière leur travail se cache autre chose. Quoi ? je ne saurai le dire, mais leurs liens sont solides, alors qu'ils n'ont pas de liens de sang. Ils se sont trouvés une famille et surtout ils ont un but commun. Il ne faut pas oublier que je sais cacher nos traces et nos odeurs. S'ils ne me suivent pas tout de suite, je peux aisément leur fausser compagnie. Par contre, je vais avoir besoin de vous. Si mes doutes sont fondés, l'un d'entre eux viendra vous voir dans les jours à venir pour savoir où je me trouve.
Je me gratte nerveusement le crâne de ma main et soupire un coup.
— Planquez la camionnette dans le hangar et dites-leur que je suis parti faire une livraison à quelques jours d'ici, pour un client important. Normalement, nous serons de retour dans deux jours, si nous partons de suite. Si dans cinq jours vous n'avez pas de mes nouvelles, allez voir Zander et sa meute et dites-leur tout ce que vous savez.
— Tu es sûre de toi ? Tu ne veux pas qu'on garde Erwann ici ? Comme tu nous l'as expliqué, des loups Sanguinaires font leur apparition sur les deux vallons. Ce n'est pas risqué de l'emmener ?
— Si, bien sûr que ça l'est. Mais ne pas l'emmener est tout aussi dangereux. Je ne pense pas que ce soit moi qu'ils cherchent directement, mais ces derniers temps j'ai aussi été moins prudente. Donc, dans un cas comme dans l'autre, il est en danger, car c'est mon fils. Par contre, je pourrais mieux le protéger que vous. Si des loups viennent ici et cherchent mon fils, même si normalement aucun lien n'existe entre nous, vu que seuls vous et la meute d'Exécuteurs connaissez son existence, vous ne ferez pas le poids face à eux. Je pourrais lui faire gagner du temps pour qu'il vous trouve, vous ou la meute, si nous subissons une attaque. Je suis désolée de vous embarquer dans mes problèmes, mais comme vous me l'avez répété ces dernières années, je ne peux pas passer mon temps à fuir. Alors quoi qu'il se passe, si dans cinq jours nous ne sommes pas revenus aller voir Zander ou ses Bêtas : Keylan et Cayden.
— Trois jours ! me répond sèchement Callie, elle s'inquiète et c'est normal.
— Quatre ! dis-je d'une voix déterminée.
— On te laisse trois jours à compter du moment où tu es partie, si tu n'es pas revenu dans trois jours, je vais les voir et leur déballe tout ! Cela est non négociable.
Je soupire, je sais que dans tous les cas elle n'en fera qu'à sa tête. En même temps, je suis exactement pareil. Je hoche la tête, puis me lève pour aller vérifier que nos bracelets sont prêts, au bout de vingt minutes je suis de retour chez eux. J'appelle Erwann qui court tout de suite vers moi, se collant à ma jambe. Je lui souris, avant de me concentrer sur mes amis.
— Il est à peine seize heures, si tout se passe bien nous serons de l'autre côté dans quelques heures seulement.
Le couple se lance un regard de connivence, avant de me répondre en chœur.
— Trois jours maximum, tu connais la suite si on n'a pas de nouvelles.
Je hoche la tête et fais signe à mon fils de rejoindre sa chambre pour qu'on change de forme tout de suite, histoire de gagner un maximum de temps. Nous partons sans attendre. Il est ravi et tient une bonne foulée, je reste à ses côtés tout en scrutant les alentours pour pouvoir réagir au plus vite au moindre danger.
Cela doit faire non loin de trois heures que nous courrons, sans nous arrêter, au rythme d'Erwann. Il commence à être fatigué, ce qui est normal, j'avais pensé qu'il fatiguerait bien avant. Mon fils est un survivant, sans le savoir il me donne la force d'avancer et de continuer, pour lui ! Je lui fais signe de faire une pause proche d'une rivière. Mon louveteau ne se fait pas prier et bois à grandes goulées l'eau fraîche à côté de lui, je me poste sur son flanc droit et fais de même. Une fois réhydratés, nous reprenons notre course. Mes sens aux aguets, je ne sens et n'entends rien. Je reste tout de même sur mes gardes, au vu des dernières attaques, les Wolfs ont su me prouver qu'ils savent se cacher et qu'on ne les repère qu'au dernier moment.
Après plusieurs pauses, je finis le trajet en portant mon fils dans mes bras. Il s'est endormi, je ne pensais pas qu'il parviendrait à tenir aussi longtemps. Je commence aussi à être fatiguée et à être essoufflée. Toutefois, nous sommes entourés de forêt et je n'ai pas encore la moindre idée d'où peut se trouver mon ami. Bien sûr, j'ai une idée du périmètre, mais je ne suis pas parvenue à me cacher aussi longtemps sans bon conseil et entraînement avant. Donc, retrouver mon mentor ne sera pas aisé et si ça l'était je m'en inquiéterais.
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Bonjour :)
Plume se décide à agir.
Elle part à la rencontre de son vieil ami.
Risqué d'y aller sous forme lupine, alors que les Wolfs ne cessent de tourner dans les parages :/
Est-ce que Nick va pouvoir l'aider ?
Je ne vous fait pas languir plus longtemps, la suite arrive sous peu :D
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