Chapitre 19

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Plume

Depuis que j’ai quitté la maison de Nick, ses paroles ne cessent de tourner en boucle dans ma tête, surtout ce qu’il m’a dit avant de passer la porte. “N’oublie pas, d’où tu viens et qui tu es. Bientôt tu auras un choix à faire”. Comment puis-je oublier d’où je viens ? Qui je suis, ça par contre, si moi-même je le savais, ça m’aiderait grandement. Cependant, mon vieil ami a raison sur plusieurs points, quoi que l’on fasse nous sommes déjà en guerre, preuve des attaques qui continuent. Je suis assise dans la cuisine, quand des coups de griffes se font entendre contre la porte d’entrée.

Zander, je ne l’ai même pas senti arriver.

Je suis fatiguée de repenser aux révélations de Nick. J’ouvre la porte au loup et lui indique de me suivre jusqu'à la salle de bain pour qu’il puisse reprendre forme humaine, tout en allant lui chercher un jogging que Paul a dû me prêter un jour. Sans attendre, je retourne m’occuper de mes casseroles, dont j’avais totalement oublié l’existence à force de réfléchir.

J’attends qu’il prenne la parole, après tout, c’est lui qui est venu me voir. Alors qu’il me parle de mes remèdes, je souris à sa remarque. Il a une multitude de questions, mais se doute que mes réponses ne l'avanceraient pas. J’observe du coin de l'œil l’Alpha qui arbore lui aussi un petit sourire en coin, en repensant à notre dernière entrevue.

Donc c’est bien ça, ils ont bien été voir le vieux fou. Je réfléchis aussi rapidement que je le peux afin de trouver une solution, nous sommes bien ici avec Erwann, il est temps que j’arrête de fuir. Surtout si les Wolfs sont lancés dans plusieurs régions, partir ne réglera pas le problème loin de là. Je vais devoir confier mon fils à Paul et Callie, je ne vois pas d’autre solution. Le temps que la menace des Sanguinaires ne soit plus présente. Si ma réponse surprend l’Exécuteur, il n’en montre rien. Il m’a surprise en me stipulant qu’il n’attendait pas mon aide, juste nous prévenir pour que nous ayons le temps de nous mettre à l'abri. J'éteint le gaz sous les casseroles, puis lance un regard vers l’heure. Il est encore tôt, mes amis sont encore sur les marchés, ils devaient aussi voir leurs animaux. Ça m'embête de devoir encore leur demander de m’aider et de garder Erwann, je sais qu’ils le font avec plaisir, mais leurs journées sont déjà bien remplies entre leur élevage et les marchés, de plus Paul commence à réfléchir pour agrandir leur exploitation. Je ne veux pas leur en demander plus, ils en ont déjà fait tellement. Je souris, si Callie entendait mes pensées, elle me dirait certainement d’arrêter de raconter des conneries et que comme ça, elle pourrait apprendre pleins de bêtises à son neveu pour qu’il me rende chèvre à mon retour. Voilà, je suis encore parti à dix mille lieues de mon interlocuteur, qui me regarde d’une façon étrange, comme s’il essayait de deviner mes pensées.

Ah, bah bon courage ! Même moi, je m’y perds à force.

Ses yeux gris me scrutent avec attention, son regard me met mal à l’aise, j’ai l’impression que si je le laisse me regarder encore quelques instants avec cette intensité, mes barrières vont s'effriter et il pourra tout comprendre de moi. Je sais, c’est stupide, mais ses prunelles sont hypnotisantes, je ferme les miennes une demi-seconde pour reprendre contenance.

— Je suppose que vous avez déjà un plan ?

— Nous continuons de tourner dans le périmètre par groupe de deux, afin de trouver des indices pour savoir de quel côté ils arrivent.

— Tu as laissé ton binôme derrière toi ? dis-je, en haussant les sourcils.

— Quelque chose comme ça, mais vu que tu as décidé de nous aider on dirait que le problème ne se pose pas. Tu es donc mon binôme pour la journée.

Mes yeux s’ouvrent en grand, avant que je ne cligne plusieurs fois des paupières, comme si cela allait m’aider à être sûre d’avoir bien compris ses mots. Les aider oui, me jeter directement dans la gueule de l’Alpha, alors que j’essaye de les éviter depuis qu’on s’est rencontré, ça ce n’était pas prévu. Mes doigts se posent nerveusement sur mon bracelet, puis jouent avec. Zander suis du regard mes gestes sans mots dire. Il m’a coincé ce bougre, de toute façon maintenant que je me suis proposée de moi-même, je ne compte pas faire marche arrière. Il n’est même pas midi, j’ai donc bien quelques heures devant moi avant de m’occuper de la sécurité de mon fils. Il est à l’école et c’était déjà prévu que sa tante aille le récupérer. Je hoche la tête pour signifier mon accord, puis lui fais signe de m’attendre dehors le temps de récupérer quelques affaires.

Notamment mon sac à dos et surtout j’en profite pour aller dans ma chambre et enlever mon collier, que je dépose sur ma table de chevet. Même si Nick me stipule que je n’ai rien à craindre d’eux quand ils auront percé mes secrets, je préfère ne pas tenter le diable. Je finis par récupérer mon sac, que je viens de poser dans le salon, profitant aussi qu’il ai laissé la porte donnant sur l’extérieur ouverte, pour l’observer un peu. La première fois que je l’ai vu au marché, vêtu d’un jean, t-shirt et sa veste en cuir, je trouvais déjà qu’il avait un physique agréable. En pouvant l’observer torse nu, je ne peux que valider ma première impression.

Reprends toi Plume ! C’est le Chef des Exécuteurs…

Je secoue la tête pour me sortir la plastique intéressante du loup, avant de le rejoindre. Je ferme la porte et retiens Zander quand il commence à avancer. Je lui tends une lanière en cuir incrustée d’herbe, il hausse un sourcil dans ma direction.

— Ça aidera à camoufler ton odeur si jamais on trouve une piste, on pourra du coup les surprendre aussi sans qu’ils ne nous sentent arriver, dis-je, nonchalamment. Nous devrions aussi rester sous forme humaine pour ne pas rajouter des traces de pattes.

Il hoche tout simplement la tête, analyse mes paroles, puis récupère la lanière qu’il accroche à son poignet, avant d’avancer. Je le suis en silence, tout en laissant mes sens à l'affût. Rapidement, nous nous enfonçons dans la forêt. Mon regard se pose sur le sol, observant chaque herbes et fleurs, avant de porter mon attention sur les arbres. Cela fait un petit moment que je n’ai pas pris le temps de savourer les différentes odeurs de la forêt, ni le temps d’apprécier ce qui m’entoure avec calme et sérénité. Après avoir lancé un coup d'œil à mon binôme du jour, j’ai pu constater, que lui aussi profitait de cet instant. Le silence entre nous n’est pas pesant, nous profitons juste de ce que la nature nous procure.

Nous marchons depuis au moins quatre bonnes heures, en inspectant la moindre marque ou trace que nous repérons. Profitant d’une halte, j’attrape dans mon sac une bouteille d’eau que je tends à Zander, il la prend en me remerciant d’un petit signe de tête. J’en sors une seconde pour moi et commence à boire tout en portant mon regard au loin. Je ne sais pas comment ils y parviennent, mais les Sanguinaires ne laissent rien derrière eux.

— Nous ne trouverons rien de plus aujourd’hui, rentrons que tu puisses récupérer ton fils et t’organiser.

Sur le retour, nous sommes rejoints par Keylan, le reste du trajet se fait en silence. Une fois proche de chez moi, les deux Exécuteurs prennent le chemin pour rentrer chez eux. Je vais rejoindre Callie qui a dû rentrer avec Erwann depuis une bonne heure. À peine la porte franchie, mon fils me saute dans les bras. Je lui ébouriffe les cheveux, alors qu’il m’offre un sourire éblouissant. Il me raconte sa journée, tout en s'empiffrant de crêpes que mon amie est en train de faire.

— Mais qu’est-ce que ça mange à cet âge-là, rigole-t-elle.

— C’est normal, je suis un loup. Si je veux devenir fort comme maman ou tonton Paul, je dois manger beaucoup, beaucoup !

Je ne peux m’empêcher de rire, ce petit chenapan a toujours la phrase ou le mot pour me faire rire. Je le laisse finir son goûter sous les plaintes de Callie, qui ne cesse de dire qu’elle n’en aura pas s’il continue de tout engloutir à cette vitesse. J’observe la scène avec légèreté et plaisir. Je n’oublie pas le danger qui nous guette, mais là, j’ai juste besoin d’une pause remplie de bonheur, avant de repenser aux sujets plus sérieux. Paul arrive en fin d’après-midi, nous mangeons tous les quatre ensemble. Je profite du repas pour demander à mes amis si cela ne les dérange qu’Erwan passe quelques jours chez eux. Dès qu’ils valident ma demande, mon fils est aux anges, je lui explique de façon très vague que de méchants loups sont encore dans le coin et que j’ai décidé d’aider la meute de Zander, comme ça on pourra à nouveau se promener tous les deux sans danger. Rien qu’à la perspective de pouvoir aller courir dans la forêt, il a retrouvé son sourire et acquiescé d’un signe de tête, tout en venant me serrer fort contre lui. Mes deux amis me demandent d’être prudente et me réaffirment qu’ils seront toujours là pour nous aider.

C’est avec le cœur un peu plus léger que je retourne chez moi, récupère le collier que j’ai laissé avant de partir faire le repérage avec Zander, puis récupère aussi le sac en toile que Nick m’a donné, il y a quelques jours maintenant. Je m’installe dans le salon et sors le tout afin de voir quels emblèmes je reconnais. Cela fait bien longtemps que je me suis éloignée de toute appartenance et des meutes existantes. J’en repère quand même certains qui me parlent, repensant à certains Alphas que j’ai pu rencontrer à l’époque. J’ai l’impression que c’était dans une autre vie. Un soupir s’échappe de mes lèvres, je décide de ranger le tout, quand un éclat argenté interpelle mon regard. Un pendentif couleur argent en forme de dague, je l'attrape et les larmes me montent doucement aux yeux. Je l’observe avec minutie, malgré mes yeux embués, une inscription au dos me fait le retourner pour pouvoir la discerner. Trois lettres sont ancrées dans le bijou Y, O, E. Je n’ai pas besoin de chercher pour comprendre leur signification. Nick a dû le placer dans le sac avant mon départ, la tristesse me submerge et les larmes que je tente de retenir, s'échappent pour couler à flots.

Il a raison, il est temps d’arrêter de fuir et de laisser le passé à sa place, sans l’oublier bien entendu, de toute façon j’en suis incapable. Cependant, il fait de moi ce que je suis aujourd’hui, je dois avancer coûte que coûte, vivre et arrêter de survivre. Je récupère le collier posé sur la table, puis accroche la nouvelle dague à côté de la larme avant de positionner ce dernier autour de mon cou, serrant les trois pendentifs dans ma main, le temps de calmer mes émotions. Pour mon fils, pour son père et pour moi je dois faire ce que je pense juste. Cela commence déjà par me battre aux côtés des Exécuteurs pour éliminer la menace actuelle. Les Sanguinaires !

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