Chapitre 3 : Le système Meg

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Submergé par ses émotions, Matthew ne parvient plus à parler. Il reste là, sur place, le cœur battant comme un fou. Les mots de Litz se répètent dans sa tête, encore et encore. Toute sa vie se met à défiler devant ses yeux. Son enfance dans les troupes de formation, sa sélection pour la mission SysMeg. Tous ces moments où il a regardé le ciel, priant pour que ce jour incroyable arrive. Maintenant, c'est chose faite. Il ne rêve plus. Matthew Drent, le premier humain à avoir atteint le système Meg, le plus éloigné des territoires découverts. Le premier explorateur à avoir parcouru en solitaire une aussi longue distance dans l'espace. Et bientôt, le premier à fouler la planète Meg 15. Une euphorie le gagne soudainement. L'homme rie, ne contenant plus sa joie.

« Tout va bien Matthew, demande Litz ?

-Oui ! Je ne me suis jamais senti aussi bien de ma vie. »

Il s'avance vers la surface vitrée. Il veut le voir à présent... L'espace... Le vrai... De l'autre côté du volet de métal. A quoi ressemble cet univers derrière ?

« Litz, peut-on ouvrir le volet de protection ? Puis-je voir quelle vue on a d'ici ?

-Les niveaux d'énergie sont bas Matthew... Peut-être est-il plus prudent de recharger l'appareil au préalable.

-Litz... J'ai attendu toute ma vie pour voir ce qu'il y a là, dehors... S'il te plaît...

-Affirmatif. Ouverture du volet de protection. Boucliers antiradiations opérationnels. »

Lentement, le monstrueux voile commence à se lever derrière la vitre. Le verre s'assombrit, réagissant pour barrer la route aux rayons nocifs du cosmos. Le noir abyssal de l'espace se découvre aux yeux de Matthew. À nu, l'infini donne un sentiment de vertige, d'impossible. L'humanité n'est rien devant le Silence... Dans cet océan sans fond, tout se perd. Cette première vision effraie l'explorateur malgré lui. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'il voit ce décor. Mais là, la véritable solitude le foudroie sur place. Il est seul. Seul face à cette masse qui entoure son vaisseau. Le système Meg s'étend à perte de vue dans toutes les directions.

Au loin apparaissent des milliards de points lumineux. Leurs intensités varient. Quelques-uns, plus proches, se dessinent nettement sur la toile. Tandis que les autres, plus nombreux, s'effacent dans le néant. L'ensemble crée une nébuleuse de poussières sans limite précise qui s'écoule telle une rivière de diamants. Puis, c'est lorsque le volet termine son parcours qu'elle apparaît au plus à gauche, enfin. Tel un papillon, Matthew est attiré par son éclat.

L'étoile Meg Alpha. Une sphère parfaite brillante de mille feux. Elle scintille telle une danseuse, applaudie par le reste de ses sœurs. À cause de la distance, l'astre n'apporte aucune chaleur. Elle n'est d'ailleurs pas plus grosse qu'une cerise vue d'ici. Mais elle resplendit tellement que l'homme l'admire une minute entière.

« Elle est magnifique. »

Tranquille, il se rassoit et profite du spectacle. La planète Meg 15 ne semble pas sortir du paysage. Peut-être ne se trouve-t-elle pas dans la zone.

« Beau boulot Litz ! Je crois que nous pouvons nous applaudir cette fois.

-Affirmatif. Mais je n'ai fait que suivre les directives de la mission. Matthew, j'insiste, le niveau d'énergie dépasse le seuil critique. Les réserves de carburants restent suffisantes pour la navigation mais le vaisseau doit se recharger immédiatement.

-Oui c'est vrai, tu as raison. Je m'en occupe. »

S'approchant des commandes, Matthew enclenche le déploiement des surfaces photovoltaïques du vaisseau. Conçu pour se recharger en autonomie, le Darwin dispose d'une coque entièrement recouverte de panneaux solaires. Le rayonnement des étoiles procure de l’énergie photovoltaïque à l’infini. Malgré tout, plusieurs jours seront nécessaires pour rendre le vaisseau à nouveau opérationnel, le moment idéal pour fixer un itinéraire vers Meg 15. Mais d'abord, il faut la localiser.

Après une pause bien méritée, le travail reprend.

« Litz, j'aimerais que tu repères la position de Meg 15 par rapport au vaisseau. Une fois que tu l'auras, transmets-moi les images. Si tu repères d'autres astres dans le système, marque-les que nous puissions trouver un chemin sûr à emprunter.

-Affirmatif. »

A ces mots, l'intelligence artificielle oriente tous ses yeux vers les cieux. Une vingtaine de télescopes épient la moindre radiation extérieure à la recherche de la planète.

Pendant ce temps, l'homme effectue un état des lieux du Darwin. Même si Litz assure qu'il n'y a aucun dégât important, le mieux reste de vérifier. En parcourant les couloirs, il constate quelques fuites dans la tuyauterie ainsi qu'une fissure dans le filtreur d'eau. Grâce à une résine, il parvient à tout colmater. La sortie d’hyperespace a surtout détérioré les réseaux d’éclairages et de hauts parleurs. Il s’attèle à en réparer le plus possible. Heureusement, les sécurités ont bien protégé les circuits profonds. Il termine son tour en examinant les ordinateurs du cerveau central. Contrairement à l'affirmation de Litz, quelques éléments ont souffert, notamment le pilote automatique. Même s’il réussit à restaurer quelques fonctions, il devra superviser lui-même le trajet du navire jusqu'à destination. Des dommages secondaires de ce type étaient prévus. Plus un vaisseau voyage longtemps, plus ses installations se fragilisent. Les modèles antérieurs au Darwin n’auraient pas supporté la sortie de l’hyperespace. Auparavant, plusieurs heures d’opérations étaient nécessaires pour freiner après un voyage aussi long. Ses améliorations ont prouvé leur efficacité.

Une fois son inspection terminée, il rejoint sa chambre et tente de faire le tri de ses dernières émotions. Ses mains sont liées, il n’a plus qu'à patienter, le temps que Litz repère la planète tant désirée.

De son côté, le robot accumule les données pendant des heures. Ses télescopes observent attentivement la moindre parcelle, le moindre fragment d'espace qui entoure le vaisseau. À partir de plusieurs milliers de photos assemblées bout à bout, elle crée une carte sphérique des alentours. Son cerveau de métal répertorie un bon million d'étoiles encore inconnues à ce jour. La plupart ne présentent aucune particularité, sinon un volume très important. Ne pouvant générer assez de nom pour toutes, elle décide de se repérer autrement. Elle découpe ces nouveaux secteurs en cadrans et permet ainsi d'alléger son travail. Elle fixe des points et se focalise sur sa mission : trouver Meg 15.

Quarante-huit heures s'écoulent sans détecter la moindre trace. Soumis à la force gravitationnelle de Meg Alpha, le Darwin dérive de quelques mètres.

Litz a étudié ce soleil. Comme le pensaient les scientifiques, il s'agit d'une naine jaune. Une boule de feu de masse moyenne, composée en grande partie d'hélium et de dihydrogène. Son rayon doit légèrement excéder le million de kilomètres, sa température de surface les six mille degrés, et de cœur les seize millions. Une étoile parfaite pour offrir à son système une zone habitable, avec de la lumière et de l'eau liquide. Suivant ses estimations, la planète devrait se trouver aux environs des deux cents millions de kilomètres en orbite. En focalisant les observations sur cette zone, les télescopes finissent par repérer quelque chose.

Des rochers, passant tels des petits points devant Meg Alpha. Ils semblent nombreux et de diamètres variables, bien souvent difficiles à détecter. Litz note leur présence comme un obstacle sur la carte. Le système Meg possède une ceinture d'astéroïdes, mais son orbite paraît serrée. Seulement une quarantaine de millions de kilomètres de l'étoile. A cette distance, seuls les corps les plus massifs n'ont pas coulé dans la masse de Meg Alpha. Leur composition est certainement métallique. Hormis cette découverte, Meg 15 demeure bien cachée. Cette absence inquiète Matthew.

Les chercheurs se seraient-ils trompés ? Non, certainement pas. Ou bien, la planète aurait-elle été détruite avant que le Darwin n'arrive ? Réduite en un tas de gravats. Cette théorie bien que malheureuse pourrait expliquer la présence de cette ceinture d'astéroïdes. L'homme ne sait plus quoi penser... Cette attente le frustre. Mais sa volonté ne faiblit pas. Tout ce chemin... Impossible de baisser les bras. Il n'acceptera l'échec que lorsqu'il aura fouillé le système jusqu'à la dernière particule.

Les jours passent. Le Darwin s'est rechargé grâce à l'énergie solaire. Au bout du compte, Litz annonce qu'elle n'a plus rien à observer dans la zone. Cette partie du système a été entièrement cartographiée.

« Continuons Litz. Meg 15 doit être là. Elle doit être là.... Demain, nous entamerons une approche de l'étoile. Nous irons dans la zone habitable pour explorer. Elle est sûrement là-bas. »

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