Chapitre 30 : Souvenirs (part 1)

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Eva…Je dois parler à Eva…

Matthew rentre de son séjour de la station spatiale. Ses travaux là-bas l'ont éreinté, tant dans le corps que l'esprit. Jamais dans son cursus il n’a enduré période plus harassante. Les allers et retours entre hangars, salles d’entraînement, et examens ont rythmé ses journées. Des heures de cours de mécanique, de réparation de vaisseaux, et de formation à l’équipement spatial ont épuisé ses nerfs. Sa tolérance a l’effort peine à suivre. Les « nuits » dans sa couchette, il s’endormait instantanément. Les cycles de repos dans l’espace n’ont en rien facilité sa récupération. L’expérience du vide cosmique sous air stérile a affecté son sommeil. Il ne rêvait pas, ou différemment. Son âme flottait dans des pensées presque tangibles. Là, un autre combat se jouait. Une même image le hantait. Dès qu’il regardait par un hublot, elle était là. Elle apparaissait dès que ses yeux se fermaient. Sa première impression le jour de son arrivée s’est renforcée. Entre deux tâches, pendant les permissions, son regard s'est sans cesse braqué vers la planète orange. Terre II : le fameux deuxième berceau de l’Humanité. Il a minutieusement épié le globe, sans déceler ni verdure, ni eau. Sa superbe relève bien du mythe. Les éloges taillés à son sujet par les archives ont tourné dans sa tête. Rien de ce qu’il avait lu n’évoquait son état si médiocre. Elle ne lui inspirait qu'incertitude, méfiance et tromperie. Dès lors, tout ne s’est déroulé que par automatisme.

Son corps maintient juste assez d'attention pour gérer le vol de retour. Sa précision instinctive guide le vaisseau dans l'atmosphère, mais son être vagabonde. Les couches d'air glissent sur la coque, des nuages poussiéreux tâchés de rose. Les secousses doublent en violence. La base au sol élève ses murailles au milieu de terres désolées. Elle occupe la surface d'un petit état. Une flaque de civilisation perdue sur une terre sans reliefs. Quelques bâtiments fleurissent un peu aux alentours. Peut-être des villages ? Aucune route, pas de forêts, pas de lacs : voilà donc le fameux monde extérieur. Seul point vert, les vastes espaces agricoles entre les remparts. La ville fleurit au cœur du complexe, des océans de toits en panneaux solaires. Matthew reconnait les tracés, les cachettes, les recoins. Il retourne à son univers figé, sa vielle maison. Cette première sortie n'a pas comblé ses espérances, loin de là. Il rumine sa déception.

Une tornade de questions s’agite dans son jeune cerveau. Terre II est une supercherie. Rabaisser à ce niveau un sanctuaire aussi sacré de la terraformation relève presque du blasphème. Pourtant, c’est bien elle. A plusieurs reprises, il a interrogé d'autres agents de la Fédération. On lui a rétorqué unanimement « Terre II », suivi d'une recommandation de passer un examen psychologique. Il n’y croyait pas au début, mais comment nier la vérité ? Toute son enfance à se passionner de l’histoire de cette planète, à rêver de la grandeur de sa civilisation, sa société parfaite, sa nature paradisiaque, une richesse qui lui fait défaut aujourd’hui. Les données sont erronées, ou ne sont plus à jour. Il a exploré un passé perdu depuis longtemps, si tenté que ce dernier ait même existé. Le cas échéant, quel cataclysme l’aurait autant transformée ? Un chaînon manque dans les évènements. L’a-t-on ignoré dans les archives ? Eva le savait et n'a jamais cru bon de le prévenir. Son cœur se serre en y songeant. Elle l’a invité à se rendre curieux, lui a conseillé tous ces livres. Pourquoi ? Qu’est-ce qui est réel à présent ? Y a-t-il une seule information fiable ? A quoi ressemble vraiment l’Humanité dans ce cas ?

Sa force mentale réduit la tempête à un bruit intérieur. Un explorateur ne laisse jamais ses émotions altérer ses capacités. Elles peuvent coûter la vie, ou pire, l'échec de la mission. Il maintient la descente jusqu'à l'une des pistes. Matthew stabilise son appareil et se positionne à plat grâce aux propulseurs. Une fois qu'il a perdu suffisamment de vitesse, il opère une approche de précision et sort les trains d'atterrissage. Deux minutes, et le choc final des roues sur le béton signale la fin du voyage. Il coupe les moteurs et respire profondément.

« Merci agent Drent, nous vous communiquerons le rapport de vol dans les plus brefs délais. »

La voix de son instructeur manque de le faire sursauter. Sa concentration l'a occulté tout ce temps.

« Vous avez trois jours de permission pour vous reposer. Votre agenda pour les rendez-vous médicaux et psychologiques vous seront transmis dans la soirée. »

Le salut d'usage, et le jeune homme quitte le vaisseau. La première bouffée d’air de Terre II emplit ses poumons. La chaleur ambiante témoigne d’une fin de journée ensoleillée. Sur le pont de débarquement, il lève la tête vers les cieux. La lumière décline, transformant l'orange en débuts de lueurs bleutées. La station spatiale s'est éloignée depuis longtemps là-haut. L’amertume de cette première sortie le relance. Plus rien ne l’attire derrière les remparts de la base. Des agents l'incitent à se diriger vers ses quartiers. Il obéit. Divers modèles de fusée stationnent sur les côtés. Les équipes de maintenances procèdent à des entretiens çà et là. Une perspective fugace le distrait. Il s’imagine dans quelques années aux commandes du meilleur vaisseau de la flotte d’exploration. Aucun autre appareil ne rivalise avec celui que développe la Fédération pour SysMeg. Le Darwin promet de révolutionner le cosmos. Il l’étudie depuis des années, salivant sur sa technologie et ses futures prouesses. Un engin de puissance pure, indestructible ! Et que serait un navire sans son pilote. Il devra se montrer exceptionnel, à sa hauteur ! Le plus grand héros de son temps ! Il sera ce héros !

Des propulseurs détonnent. Un vaisseau sur sa droite décolle. SysMeg importe peu tout de suite. Il s’est fourvoyé trop longtemps pour demeurer dans l’ignorance. Il ne partira pas en paix sans comprendre. Qu’est-ce qui est arrivé à cette planète ? Pourquoi les archives ne le mentionnent pas ? Eva doit lui dire ! Il doit savoir la vérité. Au diable la fatigue, il doit trouver Eva !

Si elle est en permission, il sait où la rencontrer à coup sûr. Le garçon s'engouffre dans les séries de couloirs jusqu'aux secteurs les plus animés. Il pénètre dans le cœur de la base. Rien n’a changé en son absence, il y règne une agitation ordonnée. Des hordes d’enfants suivent leurs instructeurs dans une cadence parfaite. Aucun regard, aucun bavardage. L’éducation de la Fédération obtient d’eux la discipline la plus totale. Bientôt, ils seront assignés à une formation spécifique pour un poste : technicien, astronaute, pilote, scientifique, ou soldat pour des programmes militaires quelque part. Leur dévotion les imperméabilise à tout stimuli extérieur. La Fédération, et par extension l’Humanité, a foi en chacun d’entre eux ! L’honneur de contribuer à cette machine formidable n’a pas de prix. L’ordre des choses et la survie de la race dépend d’eux, hommes et femmes de l’avenir.

Matthew s’interroge. Est-ce que l’un d’entre eux sait à propos de Terre II ? Est-ce que l’un d’entre eux se pose la question ? Comme lui, ces recrues ont suivi le programme de la Fédération. Elles ont été sélectionnées bébés, et entraînées à leurs missions. Mais elles n’ont pas accédé aux archives. La valeur de ces documents leur est totalement étrangère. Elles n’ont jamais lu les œuvres qui traitent des colonies, des vestiges de la Terre d’origine et de la soi-disant splendeur de la nouvelle Terre II. Seul le protocole compte. Des études de cas abordent vaguement les colonies parfois. Ils connaîssent des milliers de sciences, mais pas une seule ne traite de la société, ni de l’histoire en profondeur. Pourquoi faire ? S’encombrer de données sans intérêt n’apporte aucun bénéfice pratique. Matthew ne devrait pas faire exception. SysMeg est la clé, le sens de son existence. Un explorateur se jette dans l’inconnu. Il ne nécessite que ce qui le prépare à son sacrifice, pour sauver des milliards de civils. La Fédération y veille.

Eva lui a pourtant donné l’accès aux archives. Comment s’est-elle débrouillée pour obtenir l’autorisation ? Son grade élevé en tant que formatrice supérieure lui a peut-être permis. Il ne connaît personne d’autre qui a eu cette chance. Tout ce qu’il a appris de l’extérieur provient des pages poussiéreuses. Elle l’a encouragé à lire, l’a éduqué, a débattu avec lui sur tellement de sujets. Aucun ne concernait la mission. Pourquoi cette peine ?

Les pas de Matthew s’accélèrent. Il rejoint le département bibliothèque. La pièce longe des jardins agricoles et leurs robots laboureurs. Matthew a toujours adoré les regarder s’activer derrière la baie vitrée, la musique dans les oreilles. Les premières étagères soutiennent des longueurs de manuels. Tout le personnel dispose de ces ressources à volonté. Plus loin, derrière une cloison sécurisée s’étendent les archives. Le garçon s’engouffre entre les rangées désertes. Il identifie du coin de l’œil les titres sur le chemin et leurs contenus. Il les a tellement dévorés que chaque mot s'est inscrit dans son ADN. Chaque page est une fenêtre sur un univers intangible. Eva lui a même confié qu'avec un peu d'insistance auprès des hautes instances de la Fédération, il pourrait peut-être en emporter quelques-uns lorsqu'il serait sélectionné.

Qu’est-ce qui est vrai là-dedans ? L’image de Terre II depuis la station défie les photos, les relevés, et autres preuves d’une gloire éteinte qui s’entassent ici. Matthew appelle Eva une longue minute.

« Vous lisez dans mes pensées agent Drent ! »

Sa formatrice apparaît près d’un grand écran. Une tablette à la main, la femme lui adresse un sourire tendre.

« Désolée, je n’ai pas pu assister à ton atterrissage, j’avais un peu de travail, s’excuse-t-elle. J’ai suivi ton journal d’activités et ton rapport de vol. Très beau travail là-haut Matthew ! Je n’en attendais pas moins. Je suis fière de toi. »

Un rayon de soleil. En un instant, un calme précaire se restaure dans son esprit. Le visage accueillant de la femme l’apaise. Sa tempête intérieure réduit sa colère. Matthew refrène son envie de l’enlacer. La Fédération ne tolère que modérément ce genre d'attitude, surtout de la part d’un futur explorateur.

« -Eva, est-ce que tu vas bien ?

-C’est plutôt à moi de te demander, rie-t-elle. C’est toi qui viens d’aller dans l’espace pour la première fois ! Comment tu te sens ? »

Le moment qu’il priait. Ses muscles se tendent. Il tente de parler, aucun son ne sort de sa bouche. Eva l’invite à s’assoir autour d’une table.

« Tu dois être épuisé. Ça n’a pas été l’entraînement habituel hein ? Si tu es déboussolé, c’est normal. Il faut que ton corps s’imprègne des conditions de l’espace. Laisse-toi du temps, je crois que tu es en permission. Tu devrais aller te reposer hein ? »

Assez, il ne tournera pas autour du sujet, pas avec elle.

« -Ce n’est pas la Terre II des archives. »

Un silence. La femme fronce les sourcils.

« -Quoi ? Comment ça ?

-Je l’ai vue. La planète où nous sommes. Elle est déserte… Il n’y a rien ! J’ai cherché Eva… Il n’y a pas de plantes, ni d’eau à sa surface. J'ai essayé de retrouver les tracés des cartes. Sa géographie est totalement différente. Il n'y a même pas de villes ! Où sont les gens ? Je… C’est l’inverse de ce que disent les archives ! Il y a une erreur ! Qu’est-ce qu’il se passe ici ? Tout le monde le voit bien ! Pourquoi les archives n’en parlent pas ? Pourquoi personne n’en parle ?»

La mine d’Eva change subitement. Son sourire faiblit. Un nouvel éclat brille dans ses yeux. Elle examine rapidement les alentours. Sa réaction intrigue Matthew. Son désarroi ne la déstabilise pas, au contraire. Elle s’approche, lui prend la main et adoucit sa voix.

« Je suis désolée. Tu as raison, il faut qu’on parle. »

Matthew devine qu’elle a anticipé cette conversation.

« -Tu le savais, proteste-t-il ! Tu ne m’as rien dit ! Cette planète n’a jamais été notre sanctuaire ! Les archives disent n’importe quoi !

-Non, Matthew… »

Dans un soupir, la femme quitte ses tâches en cours sur sa tablette, et ouvre le registre des archives. L’écran déroule la liste des livres des stocks ordonnés par date de parution. Le plus jeune est un article sur l’état des champs agricoles dans la région des grands lacs de Terre II, daté d’il y a trente-trois ans. Le cerveau de Matthew bondit dans son crâne. Depuis tout ce temps, il n’a jamais prêté assez d’attention à l’ancienneté des sources.

« Excuse-moi. On aurait dû avoir cette conversation depuis longtemps. Mais je voulais que tu le voies par toi-même.

-C’est bien la même Terre II ? Tout est vrai ?

-Oui.

-Alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ?

-La maladie du vivant Matthew, voilà ce qu’il s’est passé. »

Le garçon étouffe un tressaillement. La maladie du vivant, bête noire des œuvres post-Expansion. Il a tant lu à ce propos : la soif la plus primitive, l’appétit insatiable des êtres vivants pour les ressources. Il croyait que les sociétés modernes avaient réussi à l'endiguer. Comment cela a-t-il pu se produire, et en trente ans ? Alors que la civilisation était plus grande que jamais ? Eva continue de raconter sous l’oreille impatiente de Matthew.

« Tu mérites des explications, tu es assez mature pour l’entendre maintenant. C’est allé très vite. Tout ce que tu as lu de Terre II était la stricte vérité il y a à peine cinquante ans. Terre II était le centre des nations humaines. Notre survie dépendait d’une gestion durable de l’environnement. Comme ce que l'on t’enseigne ici, on renouvelait les ressources que l’on consommait. Cela a marché pendant des siècles parce que nous n’étions que quelques milliards. Entre temps, la Fédération a été créée pour nous étendre sur d’autres planètes. Nous avons construit les colonies, elles-mêmes sont devenues des ensembles de pays avec leurs politiques, et leurs besoins. C’est là que tout s’est emballé. Notre population globale a explosé. Nous étions rapidement une vingtaine de milliards. Toutes nos prédictions ont été dépassées. Notre modèle de gestion n’a plus suffi. Cette planète a été la première. Les besoins ont grandi, nous avons usé l’écosystème, surexploité les espaces agricoles. A terme, l’eau a été épuisée, les cycles naturels de la terraformation se sont déréglés. Les sols ont perdu de leur fertilité. Tu vois bien la quantité d’engrais qu’on utilise rien que dans cette base pour rationner tout le monde. Lorsque je suis arrivée sur Terre II, ses pays embarquaient dans des flottes de vaisseaux pour déménager sur d’autres colonies. Petit à petit, il n’y a plus eu que nous. Et voilà la Terre II que tu as vue aujourd’hui. »

Eva accorde un moment au garçon pour encaisser le choc. Ce dernier la fixe muet. L’effroi s’esquisse sur ses traits. La révélation le brise comme un coup de poing dans ses tripes. Son estime pour sa bien-aimée humanité s’effondre. Les récits qui l’ont forgé brossaient le portrait d’un peuple sage, marqué par les leçons de ses échecs. Un peuple qui le rendait fier. Des siècles d’avancées, pour que la même bêtise les tue une seconde fois. La mort de la Terre natale, l’exode dans la nuit infinie, tant de souffrances pour rien ! Elle n’a rien appris ! Elle l’a trahi !

« Je suis désolée…

-C’est ce qui se passe dehors ? C'est ce qui arrive aussi aux autres colonies ?

-Pas toutes les colonies... Mais cette crise est une réalité. Voilà pourquoi des missions comme SysMeg se multiplient. Mais tu es en sécurité ici.

-Pourquoi les archives n’en parlent pas ?

-Les archives sont gérées par le département historique de la Fédération. Ce département aujourd’hui se concentre sur le stockage de données scientifiques uniquement. J’ai demandé à ce que l’on intègre plus d’ouvrages à notre collection. Mais mes demandes ont toujours été rejetées.

-Mais… et qui est au courant dans cette base ?

-Tout le monde, je suppose.

-Alors, pourquoi personne ne réagit ? Pourquoi personne n’a voulu m’en parler ?

-Ce n’est pas dans nos attributions. Et puis, peu de gens y attachent réellement de l'importance. Je suis heureuse que toi oui.

-Les recrues ont été informées ?

-Il n’y a que toi Matthew… »

Il avait vu juste tout à l’heure. Aucun des enfants entraînés ne sait quoi que ce soit. Matthew comprend toujours l’utilité de la manœuvre, mais elle lui semble à présent plus injuste.

« -On doit savoir ce qu’il s’est passé ici, et ce qui est en train d’arriver ! Il faut leur dire à tous ! C’est important que les futurs agents comprennent. Pourquoi on ne nous l’a pas enseigné ?

-Ce n’est pas dans l’intérêt de la Fédération. Ce que tu sais maintenant ne change rien à ta mission, ni à la mienne. Nous jouons un rôle vital, chacun d’entre nous. Rien ne doit nous compromettre. Notre organisation estime que vous informer de ces actualités ne feraient que vous distraire, mais je ne suis pas d'accord. J’ai essayé de me battre pour que cela soit inclut dans les programmes de formation. Mais je n'ai pas reçu d'approbation. »

Eva plonge ses yeux noisette dans les siens.

« Nous ne sommes pas des dieux. Nous commettons des erreurs. Et ce sont ces erreurs que nous répétons si nous nous entêtons à ne plus les voir. Tu comprends ?

-Oui…

-Et c’est ce que la Fédération fait en ce moment avec vous. Mais pas toi, je refuse ! Tu es plus que ça !

-Pourquoi moi ? »

Elle le serre contre elle.

« -Parce que tu es différent. Tu es tellement plus que la Fédération, et c’est là ta vraie force Matthew. J'ai essayé tout ce temps de t'enseigner des valeurs humaines, motiver tes réflexions sur toi et sur le monde, sur ton envie de découvrir ! C'est pour ça que je me bats ! Tu es le précurseur d’une nouvelle colonie. Tu inspireras un monde meilleur, j’en suis certaine. Je n'ai pas le pouvoir d'affronter le protocole et de montrer la vérité à toutes les nouvelles générations. Mais je peux agir à mon échelle, avec toi. Avant que tu partes, il fallait que tu saches tout ce que peut être l’Humanité, ce que nous sommes capables de faire en bien comme en mal.

-Pourquoi tu ne me l’as jamais dit ?

-J’ai attendu que tu fasses ta propre expérience. Mais crois-moi j’aurais aimé tout te dire un million de fois. Peut-être que je n'ai pas eu la meilleure approche. Je suis vraiment désolée... »

Ses paroles résonnent dans l’âme de Matthew. Ils marquent une pause l’un contre l’autre. Les pensées du jeune homme filent plus vite qu’il ne peut les analyser. La chaleur d’Eva le garde à la surface du chaos comme un radeau de lumière.

« Je suis tellement fière de toi … Comment tu te sens ?

-Je ne sais pas… Qu’est-ce que je dois faire maintenant ? …

-Ressentir Matthew, suivre tes sensations et tes valeurs. Chercher une vision d’ensemble, et pas seulement celle du protocole. Il y a du bien et du mal en chacun de nos actes. La Fédération le fait oublier. Tous ces jeunes gens n’auront pas ce recul. Je pense que c’est trop tard pour cette base…. Mais toi, si ! Tu n’es pas une machine, tu es un être humain. Nous traversons une crise, mais ce n'est que si on en a conscience qu'elle se résolvera.

-Comment peut-on la résoudre ? Qu’est-ce qu’on peut y faire ?

-Nous poursuivons SysMeg bien sûr, c’est ça notre but. D'ailleurs tu dois être en pleine forme mon petit héros des étoiles. Tu as une Meg 15 qui t’attend ! Et aujourd’hui, tu es plus prêt que tu ne l’as jamais été. Viens, et si on allait manger un peu ? »

Eva… Je me souviens. Je n’oublierai jamais tes mots. C’est le jour où j’ai compris qui j’étais, que j’ai compris le vrai sens de notre cause, grâce à toi…

Je ne suis plus un enfant…. Ce n’est pas réel. J’ai grandi. Je suis parti il y a plus de vingt-six ans. Ça suffit !

Main dans la main au milieu des rayons de livres, les secondes se suspendent. Eva se fige sur son sourire d’ange, le sourire qu’il aime se remémorer lors des temps difficiles.

Merci Eva. Ce jour-là, tu m’as enseigné la seule vraie leçon. Nous ne sommes pas des dieux. Tellement de choses me l’ont rappelé… Nous ne savions rien de cette planète, de cette mission, nous avions tort sur toute la ligne! Nous nous sommes lancés dans une quête perdue d'avance! Je suis en train d'amorcer la conquête d'un monde habité par des formes de vies innocentes. J'ai peur que nous les détruisions, comme nous avons détruit Terre II... Je n'ai pas le choix, j'en suis responsable. Aucun protocole ne m'aidera... Je suis seul...

Il se tourne vers le visage de la femme et lui embrasse la joue.

Tu m’as appris à aimer. Par tous les astres je t’ai tellement aimé.

« -Merci Eva.»

Il lâche sa main. Soudain, le décor se dissipe. Un gouffre de ténèbres le dévore. Il dégringole dans un puis sans fin. L'homme veut hurler. Où est passée sa bouche ? Où est son corps ? La matière a disparu.

Qu’est-ce qu’il se passe ? Ce sont des illusions ? Je suis dans un cauchemar ?

Plus de haut ni de bas. Est-il en mouvement ? Matthew se perd. Ne subsiste que la seule maîtrise de ses pensées. Il croit entendre de temps à autre des voix dans le lointain, des battements de coeur. Des images furtives et imprécises le traversent, tandis que des flashs s'abbattent autour de lui tels des éclairs. Où est-ce que je suis ? Je ne me rappelle plus de rien...

Une étoile lointaine s'allume droit devant. Elle s'approche, ou bien est-ce lui ? Avant qu'il ne l'atteigne, un voile le happe.

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