La Cave
Au 124 rue du Fond de bassin se présente une courte impasse entre le bâtiment au numéro"124" et un pilier du pont ferrovière surplombant cette partie de la ville. Un étouffant coupe gorge, une allée d'une vingtaine de mètres, sans nom, ni numérotation.
Ce lieu n'existe pas sur les plans de la ville, ni même sur le cadastre.
Pourtant un étrange repaire à deux étages et deux fenêtres est encastré là, au bout de cette impasse anonyme. Une bicoque du XIXème siècles, reliquat des installations hasardeuses au gré de l'exode rurale. Témoin d'une époque où des ouvriers et leurs familles s'installaient ça et là dans le quartier. Un vestige resté dans son jus. Oublié par la course de la ville et de sa société. Une construction hative rappelant les bidonvilles, mais bizarrement soigneusement faite en pierres et mortier. Enclavée entre le pilier du pont et le "124", les pierres grises noircies par la pollution et la crasse, voici "La Cave".
Lieu de perdition, humide et sombre. Où les cafards ont laissé la place aux cloportes dans les boiseries vermoulues des deux fenêtres ternies par le temps. Pas de propriétaire, pas de squatteurs, juste les "Alchimistes". Esprits dérivant dans les marges de la société, se rassasiant de leurs propres vices. Autoproclamés détenteurs du lieu, les Alchimistes règnent sur La Cave comme les rats règnent sur les égouts. L'immonde au goût artistique. Une crasse assumée - une décadence du "beau". Esthètes du malsain, les Alchimistes façonnent leur vision déchéante dans une joie aigre et sombre. La joie semblable à celle du poivreau au fond de son caniveau, étendu dans sa pisse, mais si heureux d'être ivre.
La Cave les habite autant qu'ils y habitent, lieu et amis. Elle est la pièce maîtresse, ce qui a rendu "cela" possible.
Regardez ce portrait de bâtiment et vous y verrez le prélude aux portaits des Alchimistes. Ainsi, se finit ce préambule, mais la suite ne sera que plus étouffante. A la marge de la marge.
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