Supplique à Neyneb

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En voyant le contenu de la gamelle que venait de lui déposer le garde, Frédéric regretta de ne pas avoir gardé un morceau de la pomme. Même le trognon y était passé tant elle lui avait paru savoureuse après sa diète forcée.

Alors que le garde repartait sans rien dire, le jeune homme hésita un peu avant d'oser demander une couverture. L'autre se contenta d'un haussement d'épaules et ne daigna pas répondre. Il avait refermé la porte derrière lui avant que son prisonnier n'ait eu le temps d'insister.

Il fallait vraiment qu'il ait faim pour attaquer ce qui lui tenait lieu de repas. Ça ressemblait fortement à ce qu'il avait eu la veille, mais à quoi d'autre pouvait-il s'attendre dans un endroit pareil ?

Il avala le contenu de la gamelle sans trop réfléchir à ce qu'il mangeait, mais décida de garder le morceau de pain sec pour plus tard. Si ça se passait comme la veille, il n'aurait rien d'autre à manger jusqu'au lendemain.

Serait-il encore là ? Et le jour d'après ? Combien de temps cette histoire allait-elle durer ? Les questions se bousculaient dans sa tête et faisaient monter son angoisse. Si la reine avait parlé au roi comme promis, il aurait déjà dû avoir pris sa décision. Mais si elle n'avait pas été convaincante ? Ou si elle l'avait tout simplement oublié ? Car il se sentait bel et bien oublié, isolé comme il l'était dans ce cachot, sans aucune nouvelle. Puis il repensa à ce qu'elle lui avait dit de l'anneau.

Il se remit à l'étudier. Cet anneau était censé représenter la vie et la mort, un truc du genre en tout cas. Mais pour lui le serpent qui se dévore lui-même paraissait plus morbide qu'autre chose. Comment l'avait-elle appelé – Neb quelque chose ? Il ne se souvenait plus du nom exact de ce dieu. De toute façon, il ne voyait pas en quoi le folklore local pourrait l'aider.

D'un autre côté, une petite prière ne pouvait pas faire de mal, si cela pouvait lui attirer les faveurs d'une divinité. C'était bien sûr ridicule, mais il finit par se lancer dans une supplique improvisée, un sourire ironique aux lèvres.

« Écoute ma prière, ô ... Neyneb ! » commença-t-il avec emphase, le nom du dieu lui étant soudainement revenu au moment de le prononcer. « Aie pitié du pauvre homme que je suis et qui ne comprend pas ce qui lui arrive... hem... Je t'en supplie, laisse moi retourner chez moi, divin Neyneb ! »

Après cette prière ni très inspirée, ni très sincère, il attendit un peu de voir s'il allait être foudroyé sur place. Comme rien ne se passait – le contraire l'aurait étonné – il abandonna l'idée de s'en sortir par la prière et décida de réessayer de retirer l'anneau. Puisqu'il n'y avait pas de puissance mystique pour le punir de son impudence, il n'y avait pas de raison qu'il n'y parvienne pas.

Il regardait l'anneau depuis un moment quand il se rendit compte qu'il n'avait pas encore fait un geste pour l'enlever. Il ne comprenait pas ce qui le faisait hésiter de la sorte. Était-ce la crainte de ressentir la même douleur que lors de sa précédente tentative ? Une douleur qui finalement n'avait été que le fruit d'une illusion, et il s'était laissé aller à tomber dans le panneau. Il était temps qu'il se reprenne en main.

Cette fois fermement décidé à aller jusqu'au bout, il surmonta l'étrange réticence qui tourna presque à la nausée quand il toucha l'anneau. Il serra les dents, agrippa l'anneau et tira sans se donner le temps de réfléchir. La douleur était atroce. Il se força à regarder pendant qu'il tirait, sentant sa chair en feu alors qu'il ne voyait rien d'anormal. Se forçant à ignorer ce qu'il ne pouvait voir, il continua à tirer sur l'anneau tout en poussant des jurons, la sueur perlant sur son front.

Était-ce son cerveau qui se détraquait à force de recevoir ces signaux contradictoires ? Il lui sembla voir des flammes qui léchaient sa main en partant de l'anneau devenu rouge comme un métal en fusion. Des flammes qui commençaient à monter le long de son bras... pour le consumer tout entier.

Il lâcha l'anneau en poussant un cri de frayeur. Le cœur battant, il regarda avec angoisse sa main en feu, avant que les flammes se résorbent finalement en même temps que la douleur s'atténuait. Il inspecta sa main à la recherche de séquelles. Rien. Il n'avait absolument rien, comme si rien ne s'était passé. Pourtant l'illusion avait été si parfaite qu'il était impossible de l'ignorer.

Les jambes flageolantes et la gorge sèche, il alla s’asseoir près des barreaux pour boire un peu de sa ration d'eau. Il ne sentait plus qu'un élancement dans sa main, mais le souvenir de ce qu'il avait subi restait vif. Il commençait presque à croire ce que la reine avait dit de l'anneau, à propos d'un maléfice. Si son intellect tentait encore de nier le témoignage de ses sens, son instinct avait pris le dessus et était disposé à accepter l'évidence.

Combien de temps resta-t-il ainsi, assis par terre, appuyé contre le mur, tantôt les yeux dans le vague, tantôt le regard fixé sur l'anneau ? Des heures ? Il n'avait pas moyen de mesurer l'écoulement du temps, seul le passage du jour à la nuit et de la nuit au jour témoignaient du temps qui passe.

Il n'attendit pas la nuit pour s'allonger par terre et tenter de trouver le sommeil. Non pas qu'il était fatigué, mais dans l'espoir d'y trouver l'oubli.

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