elle portait des cheveux courts
Cependant que, serpentant paresseusement, notre train s’approchait de la délicieuse bourgade de Riomaggiore dont nous pouvions voir les premières bâtisses construites en encorbellement au-dessus du vide de la mer, je me surprenais à faire un inventaire discret de Tania, profitant de son intérêt en direction du paysage. Elle pouvait avoir dans les quarante ans environ. Elle était racée, certainement sportive. Son corps en témoignait qui se parait des formes là où elles étaient nécessaires. Etrangement, pour une Italienne, elle portait des cheveux courts, blonds platine. Elle avait un nez discret, légèrement retroussé, qu’on pouvait dire ‘mutin’. Ses lèvres étaient pulpeuses mais sans excès. Elle était en somme une bourgeoise moderne, peut-être même une aristocrate qui dissimulait son rang sous une apparence qu’elle souhaitait modeste. Bien évidemment, en mon for intérieur, je la pensais féline, dissimulant sa vraie nature afin de mieux tromper ses prétendants et les faire aller là où elle voulait qu’ils fussent. Sans y prêter attention, je dressais d’elle le portrait d’une intrigante.
Mais peut-être, était-ce ainsi que mon désir la peignait à mes yeux, moi qui ne demandais pas mieux que d’être sa victime consentante. Je commençais à être dangereusement envoûté. Je priais que notre ‘aventure’ pût se résoudre dans un terme assez court, il en allait de mon fragile équilibre. Entre deux coups d’œil sur les façades rouges et ocres badigeonnées de soleil, mon regard parcourait sa somptueuse géographie, collines et valons, lacs des yeux où brillait une flamme. Elle avait croisé haut ses jambes, si bien qu’un tableau exquis m’était livré, sans doute en toute innocence. Je voyais l’attache de ses bas de nylon. Je voyais l’isthme étroit d’une peau de soie. Je voyais la marque du sous-vêtement, la buée d’un songe pour dire vrai. Les cahots du train faisaient balloter une poitrine que je ne pouvais que juger généreuse, deux globes infiniment mobiles que la respiration, à chaque sursaut, livrait à mes yeux éblouis. J’aurais pu rester là des heures à contempler.
Annotations
Versions