L’éveil de l’Enchanteur Roux

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 Les pépiements flûtés et aigus de mon voisin le rouge-gorge se glissent dans mon inconscient. Il se réveille tôt, l’oisillon, mais je fais le choix de garder les yeux fermés pour l’écouter un peu et profiter de son chant mélodieux. Il discute avec sa nouvelle compagne et cherche à l’impressionner de bon matin. Je l’imagine voleter de branches en branches et bomber le torse pour mettre en avant son beau plumage écarlate afin de la charmer. Impossible de lui résister.

 Je finis par dérouler ma longue queue touffue et m’étire avant de me redresser en humant l’air, à l’entrée de ma tanière. L’aube s’étire doucement et les premiers rayons du soleil caressent mon pelage roux. Je me sens comme une flamme vivante dans ce tableau verdoyant. J'avance avec précaution, mes oreilles pointées vers le ciel, à l'affût du moindre bruit. La forêt murmure des secrets que seul un renard comme moi peut comprendre. Je connais les passages secrets, invisibles aux autres créatures, entre les buissons et les racines, qui me permettent de me déplacer sans me faire repérer. Je sais où trouver les réserves de nourriture qui me donnent les moyens de survivre. Personne mieux que moi ne peut trouver ces baies et ces myrtilles ou s’infiltrer près d’un nid ou d’un terrier afin d’y trouver de quoi se sustenter. Je suis aussi l’un des rares à pouvoir me rendre jusqu’aux sources qui ne tarissent jamais ou jusqu’aux champignons qui remplissent autant que le gibier, tous ces trésors que la nature cache et réserve à ses habitants les plus méritants. Lorsque le vent souffle, je peux récolter un lot important d’informations transportées par les sons subtils et les odeurs que nul autre animal ne peut percevoir. Dans ce milieu si féérique, si atemporel, je me sens comme le prince dans les légendes : extraordinaire et invincible.

 Alors que je me lance dans une journée ordinaire, je suis surpris par un papillon bleu qui traverse mon champ de vision. Léger comme une brise estivale, il virevolte gracieusement parmi les fougères. Ses ailes, d'un azur profond, rappellent la couleur du ciel par une claire journée d'été. Elles sont parsemées de délicates nervures argentées qui scintillent à la lumière et leurs bordures sont finement dentelées, ajoutant une touche d'élégance à son vol léger. Lorsqu'il se pose, on peut apercevoir des motifs subtils en forme de minuscules points et lignes noires, contrastant délicatement avec le bleu vibrant de ses ailes. Ses antennes, fines et élégantes, se balancent doucement alors qu'il explore son environnement, tandis que son corps est couvert de minuscules écailles pastel, presque veloutées au toucher. Son vol est une danse aérienne, pleine de pirouettes et de virages imprévisibles, comme s'il jouait avec les rayons du soleil et les ombres des feuilles. Il semble toujours être en quête de la prochaine fleur, attiré par le doux parfum des pétales et la promesse du nectar.

 Je le suis des yeux, amusé par ses pirouettes désordonnées. Peut-être connaît-il un endroit secret ? Je le poursuis, bondissant légèrement à travers les fougères. Nous arrivons ainsi près d'un ruisseau où l'eau chante une mélodie cristalline en sautillant sur les pierres. Je m'arrête pour boire, laissant la fraîcheur de l'eau glisser sur ma langue. Le papillon, lui, continue son ballet au-dessus de la rivière, reflétant ses couleurs dans les éclats scintillants. Après cette pause désaltérante bienvenue, je découvre plus loin une clairière baignée de soleil. Des fleurs sauvages y dansent, agitées par une brise douce. Leur parfum m'enivre, et je me roule dans l'herbe, laissant le monde tourner autour de moi. La terre est fraîche sous mon dos, et je ris intérieurement en pensant aux humains qui ne comprennent pas ce plaisir simple.

 Je continue mon exploration, découvrant un arbre centenaire dont les racines massives serpentent à travers le sol comme des rivières pétrifiées. Je gratte légèrement par terre, sentant l'odeur de la terre ancienne, riche de souvenirs que je ne peux malheureusement pas découvrir. Des oiseaux bavardent sur ses branches, échangeant des nouvelles des contrées lointaines. Curieux, je dresse mes oreilles et écoute leur concert. Je ne comprends pas tout, mais leurs chansons me racontent les histoires des jours passés et des saisons à venir.

 Alors que je suis perdu dans mes pensées, un mouvement gracieux attire mon regard. Une renarde, d'une beauté mutine, s'avance dans la clairière. Son pelage est d'un roux flamboyant, plus vif encore que le mien, et ses yeux pétillent d'une malice amusée. Elle s'arrête, me fixe un instant, puis s'approche avec une démarche légère et élégante.

— Bonjour, Etranger, dit-elle, sa voix douce comme le murmure du vent à travers les feuilles. Que fais-tu dans cette partie de la forêt où je ne t’ai jamais vu ?

 Je me redresse, essayant de paraître aussi désinvolte qu'elle alors que mon cœur bat la chamade.

— Je suis un explorateur, répliqué-je avec un sourire. La beauté de ces bois me transcende et m’emmène dans des rêves tous plus enjôleurs les uns que les autres. Et j’avoue que la réalité dépasse parfois les rêveries quand je te vois surgir ainsi, Belle Renarde. Quel est donc ton nom ? demandé-je, curieux d’en savoir plus sur la magnifique créature qui est venue s’insérer dans mes pensées.

— Je m'appelle Violette, dit-elle en inclinant légèrement la tête. Je connais chaque recoin de cette forêt. Peut-être pourrais-je te montrer quelques secrets que tu ne connais pas ?

 Je suis intrigué par son assurance et sa gaieté un peu délurée. Je suis aussi plus que charmé par tout ce qu’elle renvoie, que ce soit par ses yeux rieurs, son sourire coquin ou le fait qu’elle semble clairement intéressée par le renard que je suis.

— Quels mystères pourrais-tu me révéler, Violette ? Ne sais-tu donc pas que la forêt me communique tout ce qu’elle dissimule aux autres ? Je suis le Prince de ces bois, n’en as-tu donc pas conscience ?

 Elle rit doucement, un son cristallin qui résonne comme un ruisseau joyeux.

— Viens avec moi et tu verras. Il y a des endroits où même les soi-disant princes n’ont jamais mis les pattes, je t’assure.

 Violette m'emmène à travers la clairière, sous les arbres anciens dont les branches forment une voûte protectrice au-dessus de nos têtes. Elle me montre des chemins cachés, des arbres aux écorces marquées par le temps, des plantes rares et des fleurs délicates. Nous nous arrêtons près d'un petit étang, où des nénuphars flottent paisiblement. Violette s'assoit près de moi, et nous regardons ensemble les reflets du ciel dans l'eau.

— Tu vois, énonce-t-elle doucement, la forêt est pleine de merveilles, si on prend le temps de les chercher et qu’on ne se contente pas de ce qui passe sous notre museau.

 Je me tourne vers elle, reconnaissant de cette rencontre inattendue. Si je me considérais le prince de cette forêt, il semblerait que le destin m’en ait fait croiser la Reine. Je ne peux que m’incliner devant sa capacité supérieure à déceler le beau dans cette nature qui fait notre quotidien.

— Merci, Violette. Tu as ouvert mes yeux sur des beautés que je n'avais jamais vues et dont tu es la première représentante. Je pensais tout connaître, tout savoir et tu me fais découvrir un monde dont je ne faisais qu’approcher la magnificence.

 Elle sourit, ses yeux brillants de malice. Elle semble heureuse d’avoir réussi à m’emmener là où elle le souhaitait.

— C'est toujours mieux de découvrir le monde à deux, n'est-ce pas ? Que dirais-tu de me conter ta vision de ce monde que nous partageons désormais ? Je suis sûre que tu sauras trouver les mots qui feront que pour moi aussi, ces merveilles apparaîtront comme nouvelles et extraordinaires.

 Et alors que ses mots résonnent dans l'air, la scène autour de moi commence à s'estomper, se dissolvant comme la brume sous les premiers rayons du soleil.

 Je me réveille en douceur, les paupières lourdes de rêves encore vivants, appréciant le pépiement des moineaux à ma fenêtre. À mes côtés, une jolie femme rousse est blottie contre moi, sa chevelure flamboyante s'étalant sur l'oreiller. Elle ouvre les yeux, et ses iris pétillent de la même malice amusée que celle de la renarde de mon rêve.

— Bonjour, murmure-t-elle avec un sourire tendre. Tu as bien dormi ?

 Je lui rends son sourire, reconnaissant la Violette de mon rêve dans la réalité.

— Oui, et toi ?

 Elle hoche la tête, son sourire s'élargissant.

— Toujours, à tes côtés, énonce-t-elle avant de poser ses lèvres sur ma barbe, rousse elle-aussi.

 Je caresse doucement ses cheveux, réalisant que parfois, les rêves et la réalité se mêlent d'une manière merveilleuse, nous offrant des moments de magie inattendue. Ainsi, nous restons là, savourant la douce quiétude du matin, prêts pour une nouvelle journée à explorer ensemble les merveilles du monde, main dans la main.

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