La nuit n’arrêtait décidément pas de prendre des tournures inattendues. Mais au moins, elle était enfin terminée ! Lars n’en pouvait plus. Sa tête le lançait terriblement, sans parler de son bras… et tout le reste de son corps courbaturé.

A cela s’ajoutait le sentiment d’être un parfait imbécile, sa cuisante défaite contre Déchet lui restait en travers de la gorge. C’était tellement humiliant ! Et ce sentiment de vulnérabilité qui continuait de lui coller à la peau ! Il avait vraiment besoin de sa cigarette...

Mais plutôt que de la chercher, son regard s’attarda malgré lui sur Liv. Il avait fini par croire qu’elle ne lèverait pas le petit doigt pour les aider. Et pourtant, la voilà qui se ramenait au dernier moment comme une fleur pour leur sauver la vie. Vraiment charmante.

Ses cheveux flottaient avec grâce autour de son visage, ses traits parfaits scintillaient légèrement dans la nuit. Elle était encore plus belle avec la lueur guerrière qui brillait dans son regard saphir. Les derniers vestiges de l’attaque qu’elle venait de lancer disparaissaient lentement en un faible halo argenté autour de ses mains.

— Vous allez bien ? demanda-t-elle en se précipitant. Strøm, vous saignez !

Elle s’agenouilla dans la neige aux côtés de Lars, fixant son bras sanguinolent avec inquiétude. Le jeune homme ne répondit pas. Il ne savait pas s’il devait être touché ou agacé par sa sollicitude. L’agacement finit par l’emporter, elle avait quand même une part de responsabilité dans tous ses malheurs. Cette nuit pourrie était entièrement de sa faute !

A partir de maintenant, terminé le sentimentalisme ! Lars se jura que plus jamais, il ne se laisserait convaincre — embobiner plutôt ! — par les belles paroles de qui que ce soit, et encore moins par de beaux yeux suppliants. Au bûcher, le chevalier en armure !

— C’est très gentil de vous en soucier, mais je vais très bien, merci ! finit-il par grincer d’un ton ironique en écartant la jeune femme d’un geste brusque. Aidez-moi plutôt à retrouver ma cigarette. Elle est tombée quelque part par-là…

— Je suis d’accord que les clopes c’est la vie, mais sérieux l’Aristo ? Faudrait plutôt que tu te fasses examiner le bras d’abord, intervint alors le petit Chat.

Comme si on l’avait sonné celui-là !

Son commentaire inopiné remplit Lars d’une colère sourde. Sans réfléchir, il se jeta sur le gamin pour l’agripper par le col de son blouson. Oui, son bras blessé lui faisait un mal de chien. Oui, le petit Chat pouvait sûrement l’envoyer au tapis d’une simple pichenette. Mais bon sang ! A cet instant précis, Lars n’avait qu’une seule envie : étrangler cet abruti fini !

— Espèce de stupide chat de gouttière ! s’écria-t-il en le secouant comme un prunier.

Le geste envoya une décharge de souffrance le long de son bras, mais qu’importe. Lars avait besoin de cracher son venin. Surtout après ce qui venait de se passer, il se devait absolument de lui dire ses quatre vérités à cet arriéré du bocal !

— Tu n’avais qu’une seule et unique chose à faire ! Mais non ! Au lieu de ça, tu me laisses en plan pour disparaître je ne sais où !! Tu n’es vraiment qu’un boulet INUTILE !

L’autre le dévisagea un instant d’un air ahuri avant de réagir. Vif comme l’éclair, il saisit les poignets de Lars et lui fit lâcher prise d’une simple torsion. Il renversa ensuite la situation en attrapant le magicien par le col de son manteau, rapprochant leurs visages pour mieux le fusiller du regard. Ses magnifiques yeux verts brillaient de rage et d'indignation mêlées.

— Mais va chier, putain ! Qui tu traites de boulet inutile ?! C’est ton foutu sort de merde qui m’a envoyé valser à l’autre bout de la ville ! Du coup, c’est entièrement TA faute si le plan a foiré et que j’ai pas pu intervenir à temps !

Lars ne répliqua pas, trop occupé à le mitrailler des yeux. Le petit Chat fit de même, tout en resserrant rageusement sa prise sur son manteau. Leurs visages se rapprochèrent davantage. Des effluves boisés, auxquelles se mêlait une légère odeur de tabac et de sueur, enveloppèrent aussitôt Lars. Le mélange était terriblement viril et sexy…

Les effluves envahirent tous ses sens. Et malgré la colère, Lars ne put réprimer le flot d’excitation qui embrasa soudain ses entrailles. Le petit Chat avait une lèvre fendue et un oeil au beurre noir, mais restait un pur délice pour les yeux. Et sa jolie bouche ! Un véritable appel à la luxure. Lars n’avait qu’une seule envie : s’en emparer, puis la goûter, la mordiller, la croquer !

Il lui suffirait d’un tout petit geste de la tête pour abolir la distance entre leurs lèvres et capturer celles de ce ravissant, mais si insupportable petit Chat. Avec un léger rictus, Lars enroula alors ses doigts autour des poignets du blond. Doucement, lentement…

— Ça suffit vous deux ! claqua soudain la voix autoritaire de Liv, coupant court à leurs échanges de regards révolver et aux fantasmes de Lars par la même occasion.

Tel un gamin rappelé à l’ordre par sa mère, le petit Chat sursauta brutalement. Il relâcha aussitôt Lars, l’air toujours aussi furibond, mais ne s’écarta pas tout de suite. Il fixa le magicien d’un air circonspect pendant un court instant, avant de se vautrer dans la neige en grommelant dans sa barbe. Pendant ce temps, Liv continuait de leur jacasser dessus.

— Ce n’est pas le moment de se disputer… ou flirter ! Strøm, arrêtez de faire l’idiot et laissez-moi examiner votre bras avant que la blessure ne s’infecte.

— Quoi ? Mais non ! Pas du tout ! s’écria vivement le petit Chat d’une traite et l’air effaré.

Lars constata avec amusement que ses joues étaient un peu rouges malgré la tête assurée qu’il essayait d’afficher. Il était décidément à croquer… Enfin, bref ! Ce n’était vraiment pas le moment de se laisser à nouveau distraire par des pensées salaces. Plus tard.

— Merci, mais je vous ai dit que je n’ai pas besoin de soins, finit-il par dire d’un ton sec. Ce qu’il me faut c’est cette fichue cigarette. Alors, si vous voulez bien m’aider à la trouver au lieu de rester planter là, à me fixer comme si j’allais mourir…

Et pourtant, elle n’avait pas tort. Les griffes de Déchet étaient sûrement empoisonnées… Il pourrait bel et bien finir six pieds sous terre s’ils continuaient de tergiverser comme des idiots. Lars se redressa sur son séant en grimaçant, puis s’agenouilla sur le sol glacial et humide. Il ignora sciemment les protestations mysophobes de son cerveau, préférant scanner l’étendue immaculée autour de lui d’un œil fébrile.

De toute façon, son costume n’était plus qu’un tas de loques immondes, alors à quoi bon faire encore son snob ? Pour l’heure, il devait absolument mettre la main sur… Ah la voilà ! Ses yeux repérèrent enfin de faibles éclats violets dans la neige. Sa dignité temporairement jetée aux orties, Lars s’y précipita à quatre pattes, faisant fi de la douleur qui tenaillait son bras blessé à chaque fois qu’il s’appuyait dessus.

C’est avec un soulagement intense qu’il saisit l’objet de sa convoitise en essayant d’être le plus délicat possible. Fort heureusement, sa précieuse cigarette était intacte. Les minces filaments violets scintillaient faiblement sur toute la longueur de la tige. Lars la porta aussitôt à ses lèvres, son impatience croissant au fur et à mesure.

— Du feu, vite ! exigea-t-il en tendant une main impérieuse vers le petit Chat. S’il te plaît, gamin, ajouta-t-il en réprimant tant bien que mal son agacement face à l’apathie du concerné.

Mais qu’est-ce que cet idiot fichait ? Lars avait tellement hâte de retrouver ses pouvoirs pour soigner ses blessures. Ensuite, une fois l’anneau en poche, il pourrait enfin quitter ce trou paumé et rentrer chez lui ! Brûler ses vêtements poisseux, prendre un bon bain chaud… Tout un beau programme qui n’était cependant pas encore près d’arriver si le petit Chat continuait de faire son enquiquineur ! Le gamin n’esquissa en effet aucun geste pour lui prêter un briquet. Il se contenta de croiser les bras en toisant le magicien avec défi.

— Je ne suis PAS un gamin, cracha-t-il, les dents serrés. J’ai vingt ans, donc majeur et vacciné ! Tu commences sérieusement à me taper sur le système avec tes surnoms débiles !

Mais oui, bien sûr ! De toute façon, qu’est-ce que Lars en avait à faire de ses état d’âme ! Quoique… Le magicien nota quand même soigneusement dans un coin de sa tête la virulence avec laquelle le petit Chat insistait sur le fait qu’il n’était plus un enfant, mais un adulte. Qui acceptait volontiers les avances, donc…

Bon, à cet instant précis, Lars n’avait plus vraiment la tête à ça. Il pinça les lèvres, des éclairs plein les yeux. Mais qu’on lui donne un briquet, par les foutus Dieux d’Asgard !

Ce fut Liv qui mit, de nouveau, un terme à leur joute visuelle en se raclant exagérément la gorge. La jeune femme semblait partager entre l’amusement et l’irritation. Elle tendit une main impatiente vers Lars, fit jaillir unique flamme d’un magnifique blanc pur dans sa paume.

— Voilà le feu que vous avez si gentiment demandé, Strøm ! Et maintenant, dépêchez-vous de fumer votre maudite cigarette, je dois encore m’occuper de tous ces pauvres gens !

Blablabla. Et la voilà qui remettait son auréole de Sainte ! Lars dut faire de sérieux efforts pour ne pas lever les yeux au ciel. Il lui attrapa ensuite le poignet pour approcher sa paume, et donc la flamme, du bout de sa cigarette. Sitôt que cette dernière fut allumée, le jeune homme aspira goulûment une grande bouffée de nicotine. Enfin !!

La tige s’embrasa entièrement d’une vive lueur violette. La lumière se propagea en filaments partout sur son visage. Elle se résorba ensuite dans ses yeux, les transformant en deux puits ardents. Lars rejeta la tête en arrière, ferma les paupières. Ses lèvres s’étirèrent en un grand sourire extatique au moment où l'étrange cigarette violine terminait de se consumer.

Un immense flot d’aura se déversa en lui, la lumière irradia de son corps. Sans même s’en rendre compte, Lars flottait désormais dans les airs. Ses cheveux fouettaient doucement son visage, pendant qu’il savourait le retour de sa magie. Tel un torrent de lave en fusion, elle envahissait impérieusement chaque recoin de son être. La sensation était si intense qu’elle lui arracha un gémissement de plaisir. C’était tellement bon ! Encore mieux qu’un orgasme !

Lars avait complètement perdu la notion du temps lorsque ses pieds retrouvèrent le sol. Sa magie continuait de crépiter sous sa peau et lui envoyer des décharges d’endorphine dans tout le corps. Il poussa un petit soupir de bien-être en rouvrant les yeux. Ses iris luisirent encore faiblement dans la nuit lorsqu’ils se posèrent sur Liv et le petit Chat.

Le duo le dévisageait en silence, les yeux ronds. Le blond surtout. Son regard émeraude scrutait Lars d’un air qui semblait partagé entre l’admiration et l’agacement.

— Ouah, l’Aristo ! finit-il par commenter d’un ton ironique. Très malin le coup de la cigarette magique ! Surtout que ça t’a permis de te donner en spectacle… encore !

Adorable petit Chat, songea l’interpellé en se passant lentement la langue sur les lèvres. La tête moqueuse du gamin aurait dû l’offusquer, et pourtant… Sans même s’en rendre compte, Lars s’avança lentement. Il se planta ensuite devant le petit Chat, alors que celui-ci continuait de blablater n’importe quoi comme à son habitude. Heureusement que Lars connaissait un moyen efficace (mais surtout très plaisant !) de le faire taire…

Enivré par sa puissance retrouvée, il posa ses mains sur les épaules de son acolyte.

— L’Aristo, mais tu fous quoi là ? protesta aussitôt ce dernier en se raidissant de surprise, ses jolis yeux écarquillés comme des soucoupes.

Lars ne répondit pas, trop occupé à le dévisager, la tête légèrement penchée sur le côté, tout en se mordillant la lèvre. Puis ses doigts remontèrent doucement vers le cou du petit Chat, ils s’attardèrent un instant sur la carotide qui pulsait vite. Plus vite que la normale.

— L’Aristo…

La voix du petit Chat était pleine d’avertissement, mais en même temps un peu étranglée. Lars n’y prêta aucune attention. Il se sentait grisé, déconnecté de la réalité. 

Ses doigts glissèrent vers la nuque du petit Chat… qui attrapa fermement ses mains baladeuses en le fusillant du regard. Lars continuait cependant d’afficher son petit sourire en coin. Il n’y avait ni rejet ni dégoût dans les yeux verts, juste de l’incrédulité.

Mu par cette envie irrépressible qui le tenaillait depuis une bonne partie de la nuit, Lars se hissa soudain sur la pointe des pieds. Il déposa ses lèvres sur celles du petit Chat. 

Coucou, tout le monde ! Et donc voilà, c'était l'épisode 11 ! Comment l'avez-vous trouvé ? Que pensez-vous qu'il va se passer dans la suite ? Moi je saaaaaaaaaaais, mais je ne dirais rien XD Peut-être qu'il va enfin y avoir du olé... oups j'ai rien dit ! Je vous donne rendez-vous bientôt pour la suite ! Gros bisous