Une vague de magie souffla soudain dans toute la crypte, coupant court à ses absurdes pensées. Liv débitait désormais sa litanie alfique d’une voix rauque et rapide, tandis qu’une intense lumière blanche irradiait entre ses paumes. Autour d’eux, les parois en pierre se mirent à trembler. Lars faillit perdre l’équilibre. Il réussit à se rattraper de justesse, mais son verre lui échappa des mains et son contenu lui gicla en pleine figure. Raah, mais zut alors !

Et puis tout cessa brusquement.

Un silence aussi épais qu’une chape de plomb s’abattit sur les lieux. Silence que Lars ne tarda cependant pas à rompre. Le jeune homme grommela des insultes contre sa foutue malchance, tout en s’essuyant le visage avec un mouchoir trouvé dans une de ses poches.

Lorsqu’il releva la tête, ce fut pour croiser le regard amusé de Liv. Cette dernière tendait une main vers lui, paume ouverte, dévoilant la source de tous ces tourments. Enveloppé dans une faible aura blanche, l’anneau flottait paresseusement dans les airs, tournoyant sur lui-même. Enfin !

Lars se précipita aussitôt, impatient de mettre la main sur la maudite breloque asgardienne.

— Draupnir… grinça-t-il en stoppant devant la paume tendue. Il fixa ensuite l’anneau avec un mélange de dégoût et de fascination, sans esquisser un geste pour le prendre.

— L’anneau d’Odin, un artefact puissant et dangereux qui confère des pouvoirs infinis à celui ou celle qui le porte, mais uniquement s’il.elle est du même sang que le roi des Dieux, fit Liv d’une voix monocorde, comme si elle récitait une leçon particulièrement ennuyeuse.

— Je ne vois vraiment pas pourquoi cette bande de dégénérés immortels ne garde pas toutes ces fichues babioles dans leur monde, grommela Lars en levant les yeux au ciel.

Il s’empara ensuite finalement de Draupnir, mais sans pour autant le toucher. Le jeune homme plaça ses deux mains de part et d'autre de l’anneau. Ses paumes s’embrasèrent et son aura enveloppa brièvement l’artefact, avant de disparaître avec ce dernier.

Mission accomplie ! Les Dieux n’avaient plus qu’à dépêcher un émissaire pour récupérer l’anneau. Il était hors de question pour Lars de mettre ne serait-ce qu’un pied à Asgard…

— Pourquoi bridez-vous vos pouvoirs, Strøm ? demanda soudain Liv.

Comment ?! Lars resta un instant sans voix en se tournant vers elle. La question le prit d’abord au dépourvu… avant de l’agacer profondément. Non mais, de quoi se mêlait-elle, franchement ? Il décida de répondre au tac au tac, le ton sec :

— Et vous, pourquoi n’avez-vous pas utilisé les vôtres cette nuit ?!

La jeune femme détourna aussitôt les yeux avec gêne. Elle se tordit les mains comme une gamine, se mordilla les lèvres, tandis que son expression s’assombrissait, jusqu’à prendre un air tout tristounet qui remua Lars plus que de raison.

— Vous ne pouvez pas comprendre, chuchota-t-elle. La magie des Alfes n’est plus ce qu’elle était depuis que notre peuple a été asservi par les Dieux… Cela fait maintenant des centaines d’années que nous avons été relégués au rang de simples “gardiens”, nous ne sommes plus que des “réceptacles” pour les artefacts asgardiens…

Elle s’interrompit un instant, ses iris semblèrent se ternir alors que ses épaules tremblaient d’accablement. Et Lars ressentit la colère le submerger, une haine vorace à l’encontre des responsables de tous leurs malheurs. Cette bande de petits pédants ignobles…

Le jeune homme serra les poings, ouvrit la bouche pour répliquer, mais Liv poursuivait déjà. Elle parlait à nouveau de cette voix monocorde, complètement détachée, même si son visage exprimait un chagrin immense.

— J’avais espéré que Luna soit épargnée par… tout ça. Qu’elle puisse vivre une existence “normale”, faire des études à l’étranger, se marier avec une personne qu’elle aime… C’est pour ça que je ne l’ai pas initiée, mais on ne peut pas fuir qui on est réellement, n’est-ce pas ? Ce massacre d’enfants, cette nuit… je me dis que tout est de ma faute… Si je n’avais pas agi en égoïste, tous ces innocents...

Les derniers mots moururent dans sa gorge et elle se tut, la tête baissée. Elle avait l’air si triste et résignée, une expression que Lars ne pouvait tolérer sur des traits aussi magnifiques. Surtout que non, ce n’était pas sa faute. Quel mal y avait-il à rêver de liberté ?! Sans réfléchir, il saisit alors délicatement son menton d’une main et posa ses lèvres sur les siennes avec douceur. Il ressentait toute sa souffrance et c’était insoutenable. Liv ne méritait pas ça, Lars voulait que ça s’arrête. C’était étrange, il ne la connaissait même pas, et pourtant, il voulait la voir heureuse.

Sa paume glissa sur la joue de la jeune femme, son baiser se fit plus intense. Liv resta un instant interdite face à son initiative. Et Lars se rendit soudain compte de sa bêtise. Par les Dieux, ce n’était vraiment pas le moment de réfléchir avec son entrejambe ! Il voulut aussitôt se reculer, mais Liv noua soudain ses bras autour de sa nuque. Ses doigts s’enroulèrent dans ses cheveux, sa langue vint chercher la sienne avec exigence.

Sa bouche avait un délicieux goût fruité, songea Lars. Puis dans un bref moment d’égarement, il attrapa son visage à deux mains. Elle se pressa contre lui en gémissant doucement, tandis qu’ils s’embrassaient avec passion. Son corps s’arqua contre le sien et Lars se retrouva poussé contre l’autel, Liv toujours accrochée à son cou, ses lèvres…

Et puis soudain, la jeune femme s’écarta d’un bond, la respiration haletante et les cheveux ébouriffés. Ses magnifiques saphirs s’écarquillèrent d’effroi et de désir mêlés, alors qu’elle passait un doigt tremblant sur sa jolie bouche si exquise.

— Je suis… navré, murmura aussitôt Lars en se reculant, la mine affligée. Je n’aurais jamais dû vous embrasser, c’était extrêmement malvenu et déplacé. Je…

— Strøm… murmura alors une petite voix étranglée.

Il leva les yeux vers Liv, à nouveau sensible à sa détresse. Les joues roses et la respiration rapide, elle le fixait d’un regard légèrement embué. A cet instant précis, elle paraissait vingt ans plus jeune, telle une adolescente indécise et effrayée.

— Strøm, répéta-t-elle en lui attrapant la main d’un geste hésitant. Je veux que… j’aimerais que vous restiez encore un peu avec moi… s’il vous plaît ?

Tout ce qu’elle voudra… du moment que cette expression triste quittait ses si beaux traits. Le jeune homme l’attira aussitôt à lui, il la serra dans ses bras avec douceur, le nez plongé dans ses cheveux couleur neige. Ils restèrent ainsi pendant de longues minutes, puis Liv le repoussa doucement. Elle avança une main, lui effleura la joue.

Leurs visages se rapprochèrent lentement, puis leurs bouches se trouvèrent presque avec avidité. Les mains fines et délicates fourragèrent dans sa chevelure ébène, glissèrent sur ses épaules. Liv lui retira ensuite son manteau d’un geste presque impérieux. Lars n’y prêta aucune attention, trop occupé à se délecter de la peau soyeuse et parfumée de sa gorge. Liv sentait bon la rose… et le miel ? Le mélange était terriblement délicieux.

Il fit courir ses doigts sur ses clavicules, hésita un instant sur les bretelles de sa robe. D’un mouvement impatient, Liv les fit glisser d’elle-même le long de ses bras. Le vêtement tomba au sol dans un bruissement d’étoffe. Nue contre Lars, elle frissonna légèrement, mais c’est avec ardeur qu’elle captura à nouveau les lèvres du magicien.

Ses bonnes résolutions visiblement jetées aux orties, ce dernier esquissa un geste de la main et des cercles de feu apparurent aux quatre coins de la crypte. D’immenses flammes en jaillirent, s’élevèrent en colonne jusqu’au plafond, réchauffant immédiatement les lieux. Pendant ce temps, Liv ne quittait pas sa bouche et Lars n’allait pas s’en plaindre. Sa langue aux goûts fruités était incroyablement addictive… tout comme sa peau aux senteurs gourmandes. Il referma ses bras autour de sa taille, sans même s’en rendre compte.

Les mains de Liv s’égarèrent à nouveau sur ses épaules, descendirent le long de son torse… Ses doigts tatonnèrent à la recherche des boutons de sa chemise. Mais Lars ne lui laissa pas le temps d’aller plus loin. Il se colla impérieusement contre son corps nu. Il sentit son pouls s’accélérer, son bas-ventre s’embraser. Le feu se mit à gronder dans ses veines.

Lars ressentait également tout le désir et l’excitation de Liv. Mais en même temps, il y avait tellement de tendresse dans ses baisers, ses étreintes, ses caresses… C’était presque comme… de l’amour ? La peur le prit aussitôt à la gorge à cette idée. Une angoisse sourde qui l’arracha presque brutalement de la douce étreinte de la jeune femme.

Non, non, non ! Elle ne devait surtout pas…

— Strøm, qu’est-ce que… ?

La concernée le fixait avec surprise, tandis qu’il se reculait, la bouche légèrement entrouverte et la respiration haletante. Essayant de reprendre contenance, il s’empressa de ramasser son manteau qu’il déposa sur les épaules de Liv en évitant soigneusement son regard. Il s’accorda quelques secondes de répit supplémentaires avant de lever la tête, s’attendant à affronter deux saphirs accusateurs.

Mais non, la jeune femme ne semblait pas réellement offusquée, juste un peu gênée. Elle resserra le manteau autour de son corps nu en se raclant la gorge. Et pendant une absurde fraction de seconde, Lars se prit à espérer que le vêtement sente bon. Il ne manquerait plus qu’il ait enveloppé Liv dans une loque malodorante, après lui avoir collé un vent phénoménal. Aaah et puis zut, pourquoi se prenait-il autant la tête ?!

Il avait vraiment besoin d’un remontant !

— Strøm, vous allez bien ? lui demanda Liv, alors que Lars faisait apparaître sur l’autel deux verres, ainsi que la fameuse bouteille de vin bon marché. Vous voulez en parler ?

Le magicien ne répondit pas, trop occupé à remplir les deux contenants. Il fourra l’un dans les mains de son interlocutrice d’un geste presque brusque, puis vida le sien d’une traite.

— Que les choses soient claires, lâcha-t-il soudain d’une voix irritée en se servant un autre verre. Il ne s’agit aucunement d’une panne sexuelle ou je ne sais quoi, d’accord ? Vous êtes magnifique et bien sûr que vous m’attirez, mais je… c’est juste que je…

Par les Dieux ! Voilà qu’il se mettait à bafouiller comme un imbécile de première !

— … vos envies et vos pensées sont ailleurs ? termina Liv à sa place, sans esquisser un geste pour boire son vin. Lars fut presque tenté de le lui reprendre si elle n’en voulait pas.

La jeune femme le fixait désormais avec un léger amusement ce qui le vexa au plus haut point. Il se sentait tellement stupide ! Ciel, comme toute cette situation était humiliante ! Mais en même temps, un sentiment de soulagement emplissait tout son être. C’était à ne plus rien y comprendre, la faute à cette horrible nuit !

— Vous n’avez pas besoin de vous justifier, vous savez, murmura alors Liv alors que Lars se pinçait l’arrête du nez dans un geste mélodramatique. Je ne vous en veux pas… Au contraire, j’estime que c’est moi qui devrais m’excuser. Ma demande était… complètement déplacée. Surtout après tout ce que vous avez fait pour le village…

— Aaaaah s’il vous plaît, Liv ! Arrêtez ça ! la coupa aussitôt Lars avec colère. Vous n’avez toujours pas compris ?! Je ne suis pas un héros ! Tout ce que j’ai fait ce n’était ni pour vous, ni pour votre village, ni même pour les Dieux ! J’ai fait tout ça pour mes intérêts personnels, pour retrouver enfin ma liberté ! Voilà, le genre d’homme que je suis !! Et maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je vais rentrer chez moi !

Le magicien tourna les talons une fois sa tirade finie. Il ne savait même pas pourquoi il réagissait ainsi, mais de toute façon, peu importe ! Le jeune homme s’éloigna à grands pas vers la sortie, attrapant le blouson du petit Chat au passage. Une fois hors de la crypte, il s’empressa d’ouvrir un portail qu’il traversa ensuite sans un regard en arrière. 

Voili voila ! C'était l'épisode 12, les amis ! Comment l'avez-vous trouvé ? Les réactions de Larsounet chéri ? Je suis impatiente de lire vos commentaires !