Épisode 16 - Un délicieux carnage

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Des démons. Encore des démons.

Et c’est reparti, grinça intérieurement Lars.

Les nouveaux venus se plantèrent comme un seul homme au milieu de la piste de danse, désormais déserte. Ils étaient huit, tous complètement transformés. Tout comme Déchet, ils avaient une peau rouge qui luisait désagréablement sous l’éclairage violine, de même que leurs crocs qu’ils exhibaient bien à la vue de tous. Le muscles gonflés à bloc, la mine patibulaire, ils affichaient une tête qui se voulait terrifiante, mais que Lars trouvait tout simplement ridicule. Malgré leur stature et leurs cornes imposantes, ils n’avaient rien de si impressionnant comparé aux autres créatures surnaturelles présentes dans le club.

Et pourtant, tout le monde s’écartait vivement loin d’eux, personne n’aimait se frotter aux démons des enfers de Dante. Ces derniers ne se mêlaient que très rarement à la communauté surnaturelle et quand cela arrivait, c’était pour semer le chaos et la désolation sur ordre du Prince auquel ils étaient rattachés. Des êtres bien sympathiques en sommes.

— Des copains à toi, l’Aristo ? s’enquit le petit Chat.

Ses armes restaient pointer sur les nouveaux venus dont les yeux jaunes aux pupilles fendues fixaient Lars avec une haine non voilée.

— Reste en dehors de ça, petit Chat, rétorqua ce dernier d’une voix posée.

La tête légèrement penchée sur le côté, il embrasa ses iris pour évaluer la force de futures victimes pour cette nuit. Des démons de classe Gamma comme Déchet.

— Lars Strøm, nous sommes ici pour venger notre frère, Bechet, annonça justement l’un d’eux d’un ton venimeux. Mais avant, Ørjan nous a demandé de t’offrir ceci.

Joignant les gestes à la parole, il jeta quelque chose dans sa direction, un objet lourd s’écrasa ensuite sur sa table dans un bruit de ferraille et de verre brisé... ainsi que des éclaboussures de sang. Lars ne put retenir un claquement de langue agacé lorsque des giclées d’hémoglobine vinrent tacher sa chemise et son pantalon. Mais zut alors, ne pouvait-on pas laisser ses vêtements tranquilles ?!

C’est avec colère qu’il baissa la tête vers le cadeau si gentiment offert par Ørjan. Ses yeux rencontrèrent alors le regard vide de cette très chère Hilda dont la tête tranchée gisait sur la table. Elle portait toujours son heaume, ses cheveux poisseux s'étalaient sur la surface fracassée et sa bouche s’était figée dans une grimace de surprise des plus grotesques.

La prochaine fois que nous nous reverrons, Strøm, je te tuerai…

— Très chère Hilda, je suis déçu que tu aies perdu la tête avant d’avoir pu tenir ta promesse, murmura Lars comme pour lui-même en se détournant du macabre spectacle.

— Lars Strøm, tu vas mourir cette nuit ! clama encore l’autre de son horrible voix gutturale. Prépare-toi à souffrir milles morts pour ce que tu as fait à notre frère ! Nous allons t’étriper vivant puis t’étrangler avec tes propres entrailles…

— STOP ! Pas de ça ici ! rugit une voix pleine de colère.

Cédès surgit de la foule de badauds inutiles. Les poings serrés, elle irradiait littéralement de rage en foudroyant la bande de démons du regard.

— Le Luxury Eve est une zone neutre, aucune bagarre n’y est tolérée ! DEHORS ! Ou je vous jure que je vais tous vous massacrer jusqu’au dernier…

— Silence, femelle ! cracha le seul démon apparemment doué de parole de la bande. Vu la taille de ses cornes, il s’agissait sûrement du chef... De quel droit ose-tu ouvrir la bouche devant nous ? Tu as peut-être réussi à t’affranchir des enfers, mais tu resteras une misérable chienne comme ta mère et tes sœurs. Tout juste bonnes à ouvrir les cuisses pour les neufs princes et leurs arm…

Personne n’insultait Cédès de cette manière. Personne.

La fin de la phrase se transforma en des borborygmes incompréhensibles lorsqu’une lame de lumière violette transperça la gorge de cet imbécile. Soudainement surgi du sol, le pic s’étira lentement vers le plafond, empalant davantage le démon et l’entraînant dans son sillage. Et bientôt, ses pieds se tortillèrent pathétiquement à un mètre au-dessus du sol.

Il n’en fallut pas plus pour faire réagir les sept autres. Ils bondirent aussitôt en avant dans un hurlement de rage, mais d’autres pic surgirent aussitôt de toute part, au moment où un immense cercle lumineux se traçait sur le sol, tout autour d’eux. Et bientôt, une écoeurante symphonie de chair déchirée et d’os broyés résonna dans tout le club, tandis que les démons se faisaient embrocher, tels de vulgaires tas de viande. Le sang gicla partout, aspergeant le parquet luisant, les murs, le bar et certains invités au passage. Le spectacle était à la fois immonde et merveilleux.

— Chéri, tu viens de gâcher toute la déco ! protesta Cece en embrassant les lieux d’un regard consterné. Tu ne pouvais pas juste les envoyer dans un de tes portails magiques ? Regarde-moi tout ce sang ! Aaaaaah c’est dégoutant et en plus ça pue ! Je vais devoir tout rénover entièrement… encore ! Et sinon, je pouvais très bien les punir moi-même, je suis parfaitement capable de me défendre toute seule !

— Je le sais très bien, répliqua sèchement Lars. Mais ces démons sont pour moi, Cece, ne t’en mêle pas, s’il te plait. Pour ce qui est de la facture à payer pour réparer les dégâts, aucun souci. Vois ça avec Raz.

Tout en parlant, il rejoignit la piste de danse d’une démarche lente, les paumes ouvertes et tournées vers le ciel. Ses yeux complètement embrasés fixaient le carnage d’un regard froid. La vue de ses adversaires complètement à sa merci aurait dû le ravir, et pourtant, tout son être n’était que fureur. Une fureur glacée qui menaçait de le submerger face à la tournure que prenait la situation. Peu importe leur nombre, ces démons n’auraient jamais pu venir à bout d’une Valkyrie aussi rapidement. Ørjan s’en était donc occupé personnellement, ce qui voulait dire qu’il avait désormais l’anneau !

Par les cornes méritées de Loki ! Toute cette nuit à supporter les assauts lubriques de Déchet n’aurait donc servi à rien ! Absolument rien !!

— Où est Ørjan ? siffla alors le magicien en se plantant devant sa victime la plus proche.

Il avait testé une nouvelle attaque fortement inspirée de celle qu’avait utilisée Liv pour leur sauver la vie. Et le résultat n’était pas mal du tout : empalés sur plusieurs parties de leur corps, les démons étaient encore en vie. Lars les avait embrochés de manière à les empêcher de bouger. Oui, il avait appris de ses erreurs avec l’autre Poubelle. Au lieu de tergiverser comme un idiot, il avait préféré tout de suite les neutraliser. Tout plutôt que de revivre une abominable soirée comme la dernière fois.

Autour d’eux, les gens se décidaient enfin à battre en retraite. Personne ne voulait être mêlés à un massacre de démons et prendre le risque de se mettre l’un des Princes infernaux à dos. Mais oui, fuyez, petits moutons, fuyez.

Pendant un bref instant, Lars se demanda si le petit Chat était toujours dans les parages ou s’il était aussi parti. Ah et puis tant pis. Ce n’est pas comme s’il avait encore envie de goûter à ses lèvres, caresser sa peau ou même passer à la vitesse supérieure avec lui dans un lit… Qu’est-ce qu’il en avait à faire de cet enquiquineur, franchement !

C’est en soupirant d’irritation et de frustration mêlés que Lars reporta son attention sur son indésirable interlocuteur. Il réitéra ensuite sa question d’une voix glaciale :

— Où est Ørjan ?

L’interpellé lui répondit par un gargouillis incompréhensible. Lars leva les yeux au ciel avant d’esquisser un petit geste agacé de la main. Le pic de lumière planté dans la gorge du démon se rétracta lentement, du sang nauséabond jaillit de la plaie béante. Répugnant.

— Et maintenant, parle ! Où est-il ?

Ah et puis zut ! A la guerre comme à la guerre !

Visannhet ! cracha Lars en effleurant la peau rougeâtre avec réluctance.

Le seul fait de toucher ce démon lui donnait la nausée, mais il n’avait pas le choix. Il devait établir un contact physique pour pouvoir entrer dans sa tête. Mais au lieu de s’y plonger, Lars préféra lui broyer le cerveau à la manière d’une éponge pour en extirper l’information qui l’intéressait. Cette forme de magie était vraiment horrible, mais tout plutôt que d’avoir à plonger dans les méandres perverses qu’était l’esprit de cet être infâme.

— Et maintenant, dis moi, murmura le jeune homme alors que sa victime hurlait à la mort.

Lóng... cháoxué… gémit le démon entre deux cris d’agonie.

Il se tortillait désespérément dans une vaine tentative d’échapper aux investigations mentales de Lars. Les yeux révulsés, son visage était ravagé par la souffrance pure.

Lóng... cháoxué… Arrête… ça… par… pitié…

Lars resta un instant perplexe face à cette réponse des plus grotesques, avant de taper des pieds sur le sol comme un enfant. Mais qu’est-ce que c’était encore que ce charabia ! Du chinois !? Voilà que cet abruti cornu se mettait à baragouiner des mots en chinois !! Quel rapport avec Ørjan, bon sang !

Lóng... cháoxué… cháoxué… Lóng... Lóng... cháoxué… Sors de ma tête ! Pitié…

Sa victime répétait inlassablement son incompréhensible réponse dans une litanie implorante. Mais plus elle gémissait, plus Lars raffermissait impitoyablement la prise sur son esprit. Toute cette souffrance… était délicieuse. Sans même s’en rendre compte, le jeune homme se passa une langue avide sur les lèvres. A mesure que l’autre suppliait, l’améthyste de ses yeux s’assombrissait lentement pour devenir ténèbres…

— Lars, chéri, arrête.

La voix ferme, mais inquiète de Cédès, le ramena brutalement à la réalité. Son amie posa une main apaisante sur son épaule, lui donnant la force pour se reprendre. Lars relâcha aussitôt la pression qu’il exerçait sur le cerveau du pitoyable démon face à lui. Il repoussa ensuite tant bien que mal cette envie perverse qui le poussait à vouloir dévorer son esprit et son aura immonde. Partagé entre le délice et la répulsion, il ferma les yeux dans un geste désespéré, puis reprit lentement son souffle.

Inspire, Lars, expire.

Il lui fallut encore plusieurs secondes avant de retrouver enfin le contrôle de sa magie. Ses paupières se rouvrirent sur ses prunelles redevenue violette. Pendant ce temps, l’autre continuait de répéter “Lóng cháoxué” en pleurnichant comme un idiot.

Lóng de Cháoxué, murmura Lars comme pour lui-même. L’antre du dragon… Un indice laissé par Ørjan… Mais qu’est-ce que cela veut bien dire, Cece ?

— Je ne sais pas, répondit cette dernière sans cesser de le dévisager avec inquiétude, avant de se mettre soudain dans une colère noire. Et pour l’instant, je m’en fiche !

— Cece, s’il te plait…

— Non mais regarde-toi ! Tes yeux ont repris leur couleur habituelle, mais tu trembles, tu es tout pâle ! Tu es complètement inconscient, ma parole ! Entrer dans la tête d’un démon ! Aurais-tu perdu l’esprit ?? Tu ne dois jamais utiliser ce genre de sort, jamais !!

Les yeux de son amie lançait des éclairs et Lars baissa aussitôt les siens dans une grimace contrite. Il jeta un œil sur ses mains et constata en effet qu’elles tremblaient. Zut.

Lóng de Cháoxué ou l’Antre du Dragon, c’est le nom d’une chaîne de boîtes clandestines éparpillées un peu partout en Europe, intervint soudain une voix derrière eux, volant au secours de Lars par la même occasion.

Bénis sois-tu, petit Chat ! songea le magicien en saisissant l’occasion pour se détourner de Cédès. Il fit semblant de se concentrer pleinement sur le gamin qui fumait une cigarette, debout près de ce qui restait de leur table. Il était parfaitement tranquille, soufflant des ronds de fumée dans l’air, nullement gêné par la tête coupée juste à côté. Charmant.

— Une chaîne de boîtes clandestines, dis-tu ? répéta Lars, pensif. Comment sais-tu cela ?

— Parce que c’est mon boulot. Et puis j’ai des contacts.

Et voilà que monsieur faisait à nouveau son prétentieux. Mais sa réponse eut le mérite de mettre à nouveau le cerveau de Lars en ébullition. Son boulot, son boulot. Intéressant.

— Rappelle-moi ton travail déjà, petit Chat ?

— Je croyais que t’avais déjà compris, l’Aristo ! Mon job c’est de traquer les gens : on me paie pour les trouver… et après je les bute !

Tout en parlant, le gamin affichait un sourire jusqu’aux oreilles. D’une main, il mima ensuite un pistolet posé sur sa tempe, avant de lâcher un “boom” théâtral tout en parodiant grossièrement la tête de quelqu’un qui se prenait une balle en plein dans le crâne. Hilarant.

— Pourquoi ? Monsieur le super-magicien-capable-de-se-débrouiller-tout-seul aurait-il besoin de mes services ?

— Je crois bien que oui, répondit Lars en ignorant délibérément le grand rictus ironique du gamin. Il se contenta de lever les yeux au ciel en lui faisant signe de s’approcher.

D’après ce qu’il avait compris, le petit Chat n’était pas encore familier au monde surnaturel et pourtant il avait réussi à remonter jusqu’au Luxury Eve et le retrouver en seulement une semaine. Et si vraiment, Ørjan s’amusait à se cacher parmi les humains comme il le pensait… Lars n’y connaissait pas grand-chose au fonctionnement de la société non-magique, autant faire appel à un “expert” en la matière.

Et il en avait justement un sous la main.

Un expert diablement beau qui plus est. Et qui embrassait merveilleusement bien...

Parfait !

— Très bien, petit Chat. Je vais avoir besoin de toi… Nous allons chasser le Serpent.


Et voilà ! C'est ainsi que se termine ENFIN la partie 1 d'ASG ! On va pouvoir passer aux choses sérieuses !! Avec Lars et son petit Chat qui ne sont pas prêts de se quitter de sitôt ! AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH si vous saviez tout ce que j'ai prévu pour ces deux boubous, j'ai tellement mais tellement hâte ! Je vous dis à bientôt pour la suite !

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