Un long chemin

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Lorsque j'ai fait le choix de vivre à la campagne, il y a maintenant près de 15 ans, je trouvais mon paradis. Je pouvais vivre dans une maison, profiter de la nature environnante, retrouver la sérénité et le charme de chez moi en rentrant du travail. Elever les enfants dans un tel cadre ne pouvait être qu'une bonne idée.

Pourtant, je m'accorde un soir par semaine, seule, en ville. Lorsque je tourne la clé pour démarrer la voiture, je me sens légère, pleine de confiance en moi. Je sais qu'au bout de 40 minutes de trajet, je ressentirai de nouveau la moiteur de la ville, les personnes qui trainent dans les bars, les restaurants, sortent du cinéma ou simplement se baladent. Les notes de musique qui s'extraient d'un saxophone devant une boîte de jazz ou les basses trop fortes d'un automobiliste peu mélomane. Les rires un peu trop forts lorsque je gare ma voiture, le bruit de mes talons sur le bitume qui succèdent au cliquetis de la fermeture centralisée. Je m'accorde toujours une retouche de rouge à lèvres en marchant. La nuit vient de tomber, je sais que toute ma petite famille est maintenant endormie.

Dans la ville, je me sens en sécurité. Je ne suis pas la femme apeurée, qui s'emmitoufle dans un plaid en rentrant chez elle après avoir vérifié 3 fois que les portes sont bien fermées à clé, que les fenêtres sont bien fermées ou inaccessibles de l'extérieur et que mon téléphone est bien chargé, à proximité immédiate de ma main. Rentrer chez moi ne me détend pas, bien au contraire. Ma nuit sera blanche, une insomnie m'attend, dominée par mon angoisse.

Un soir, nous avions été invités par des collègues de mon mari à un dîner en ville. Cela ne nous était pas arrivés depuis des années. Je ne sortais plus, de peur de manifester mon angoisse en public, de passer pour une hystérique ou une dépressive. Tout s'était pourtant bien déroulé. Quand nous étions sortis vers 22h30, Tristan avait alors proposé :

"Et si nous allions prendre un verre ?

- tu n'es pas fatigué? Tu ne veux pas rentrer à la maison?

- profitons de la douceur de la soirée...Tu n'en as pas envie?"

Je lui avais répondu avec un large sourire.

Nous sommes rentrés chez nous à plus de 2h du matin. Je me suis couchée et me suis endormie sans difficultés.

Alors j'avais compris. J'avais besoin du tumulte, des lumières, de la foule. Cet environnement m'apaisait. Déambuler dans les rues, sentir la moiteur sur mon visage, m'arrêter prendre un verre quand je voulais un endroit chauffé et entendre des voix inconnues. Je me suis rendue compte que peu de femmes sortent seules. Elles sont parfois seules pour rentrer chez elles, mais rarement dans un bar ou pour flâner. Certaines courent aussi parfois, les écouteurs dans les oreilles.

Je n'ai jamais eu peur, seule, dans un bar. Je sais que les barmen sont bienveillants. Puis, au fil du temps, l'un d'entre eux est devenu mon ami. Ce n'est pas un confident, mais il me raconte ses péripéties du quotidien et me demande des conseils. Je dois avoir l'âge de sa mère mais il ne m'en tient pas rigueur. Parfois, quand il me demande si je veux bien l'accompagner voir le dernier groupe à la mode le samedi soir, je ris et lui rappelle :

"je suis mère de famille et vis à la campagne, tu as oublié?"

Et il me répond toujours :

" Mais pourquoi ne t'inventes-tu pas une nouvelle vie, avec moi?"

Et à son tour, il éclate de rire. Nous ne flirtons pas. Tout est une question d'attitude. Je ne cherche pas à séduire, lui ne cherche pas à me séduire. C'est grâce à cette confiance que nous pouvons nous confier. Il sait pourquoi je suis là et les angoisses qui me rongent.

Lorsque je remonte dans ma voiture, rarement après minuit, je me sens plus légère. J'ai profité de ma soirée et suis prête à retrouver le calme. Sereine, je reprends la route en restant concentrée sur ma conduite. Une fois, j'ai failli percuter une biche qui traversait la route. L'adrénaline n'était pas retombée avant un long moment. Allez, plus que quelques kilomètres et je serai de retour chez moi.

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