Chapitre 1 - come back queen

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Eka se laisse tomber sur le divan rongé qui encombre le salon qu'elle partage avec ses deux colocataires. Elles ont rescapé le meuble qui était destiné au dépotoir. C'était toute une épreuve de le monter au troisième étage à travers l'escalier en colimaçon. Les filles reprennent leur souffle, satisfaites de leur trouvaille

— Il a besoin d'un peu d'amour, mais ça sera mieux que de s'asseoir sur le plancher, déclare Eka, observant les autres filles.

Ses propos semblent faire l'unanimité du groupe. Kelly se dirige vers la cuisine alors que Blue se perche sur le bras du divan. C'est la petite dernière, l'oiseau cassé, tout juste rescapée d'une situation dont elle n'a pas encore le courage de parler. Eka lui laissera le temps qu'il faut pour se faire apprivoiser. L'appartement de trois chambres qu'elle occupe depuis toujours a connu son lot de filles de passage. C'est pas grand chose, mais c'est un chez-soi où se fermer les yeux en sûreté. Blue a du mal à regarder les gens dans les yeux, cachant son regard sous une frange de cheveux pastels qui font contraste à ses vêtements noirs et ses accessoires de cuir et de clous.

Eka ne dit rien, force tranquille qui règne sur les lieux. Ses longs cheveux noirs s'insinuent dans le col de sa veste de denim saturée de patchs et d'épingles en tous genres. Ses genoux pointent à travers les lacérations de ses jeans délavés.

Kelly revient avec trois bières sous un bras et un sac de chips abandonné par une précédente colocataire dans l'autre main.

— Bon, c'est quoi le plan du weekend, demande Kelly, distribuant ses victuailles.

— Je rejoins Alice au Misfit dans quelques heures, vous êtes les bienvenues, propose Eka.

Kelly hausse un sourcil, ayant posé ses fesses sur la table à café, sa bière suspendue à mi-chemin vers ses lèvres. Kelly habite avec Eka depuis plus de trois ans. Eka la considère comme sa meilleure amie, comme sa soeur, mais ça vient avec le nez de la blonde dans ses affaires.

— Quoi ? Demande Eka, certaine de ne pas vouloir entendre ce qui va suivre.

— Tu sais qu'elle est folle de toi, ça crève les yeux. Ça va mal finir tout ça.

— On est que potes, elle et moi.

Kelly expire bruyamment alors que Blue se mordille l'intérieur de la joue, tirant sa bouche d'un côté d'un air dubitatif. Kelly noue ses longs cheveux bouclés au-dessus de sa tête, maintenant bordée d'un halo blond, ironique image pour ceux qui la connaissent. Eka s'occupe à boire quelques gorgées de bière, refusant d'avouer qu'elle a quelques fois terminé des soirées arrosées avec ses lèvres contre celles d'Alice.

— Tu la connais depuis la petite école, elle te suis partout depuis et elle déteste toutes tes copines, énumère Kelly.

— C'est pas comme ça, t'as qu'à venir ce soir, tu verras bien.

Kelly ne semble pas convaincue. Blue sirote sa bière silencieusement, refusant de s'en mêler. La soirée est encore jeune. Eka a besoin de décrocher. Entre son boulot qui bouffe lentement son âme, parasite de son temps et le groupe de filles qu'elle supporte bénévolement, il reste peu de moment pour simplement exister.

La conversation continue sur d'autres sujets, Eka s'inquiétant que Blue ne manque de rien. La jeune femme est arrivée avec quelques effets dans un sac de plastique. Eka l'a aidée à trouver un job de caissière à la pharmacie, Kelly l'a emmenée à la boutique de vêtements de seconde main et à tous les vides greniers du coin pour lui monter un trousseau, de quoi remettre sa vie dans le bon chemin. Kelly a un style particulier. Plus elle porte de motifs, de textures et de couleurs différentes, plus elle se sent bien dans sa peau. Ça ne l'empêche pas de trouver des morceaux parfaits pour ses amies, dans leur style à elles.

Alors que le soleil se couche, Eka dépose sa bière au pied de leur nouveau divan usagé et se dirige vers sa chambre pour enfiler un t-shirt propre avec un slogan pour le libre choix à l'avortement. Elle roule les manches quelques fois avant d'enfiler sa veste de denim. Face au petit mirroir sur sa commode, son reflet la dévisage. Ses longs cheveux noirs sont soyeux, son regard au maquillage fatigué complémente ses yeux en amande, sa peau dorée est le vestige d'un père qu'elle n'a jamais connu, ayant copié les traits de sa mère Coréenne.

Eka revient au salon pour remplir ses poches du nécessaire; clés, portefeuille, téléphone. Kelly et Blue regardent un vieux film d'action aux effets douteux, ayant décidé de passer une soirée tranquille.

— Bon, je vous laisse, les filles, dit Eka. Soyez sages!

— C'est pas de nous qu'il faut s'inquiéter. Allez, à plus, répond Kelly.

Blue lui offre un petit aurevoir de la main, les yeux rivés à l'écran.

Eka ouvre la porte d'entrée, se retrouvant face à face avec une jeune femme, le poing levé, à quelques secondes près de toquer à la porte.

— FUCK, jure Eka, claquant la porte.

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