La Présence
Il se tenait face à moi, à quelques centimètres seulement. Ma tête dépassait de la sienne, de peu ; ses cheveux noirs partaient, dans tous les sens, courts et épais. Ses yeux se levaient pour se plonger dans les miens. Ses yeux… tellement sombres, et à la fois tellement attendrissants. Sa peau était brune, plus profondément qu’un bronzage de surface qui masque le retour d’une pâleur génétique, mais d’un brun profond qui ne craint pas le soleil, et qui trouve sa place parmi les ombres.
Sa main se leva ; une main fine et agile. Il l’amena vers mon visage ; j’eus un mouvement de recul et me détendit. Il caressa ma peau ; je frissonnai. Alors son visage s’approcha, et je fermai les yeux. Nos lèvres se touchèrent doucement, avec hésitation. Mon cœur s’affolait dans ma poitrine ; j’avais l’impression de n’avoir jamais fait cela. Jamais, en effet, je n’avais eu ces yeux devant moi, me regardant si intensément. Jamais je n’avais goûté ces lèvres.
Sous mon regard probablement troublé, il détourna le sien, embarrassé. Je levai alors mes bras et le pris par les épaules, pour le rattraper avant qu’il ne disparaisse. Son corps, sous mes mains, me fit une drôle d’impression. Sa présence sembla tout à coup infiniment plus réelle ; sa chaleur, la résistance de ses muscles, la pression de mes doigts… J’approchai mon corps du sien et lui rendis son baiser, le pressant contre moi. Son contact m’enveloppa, son torse collé au mien, ses bras dans mon dos, les miens l’enserrant.
Comme si une digue avait cédé face aux vagues retenues de nos désirs conjoints, nos quatre mains se mirent à glisser sur nos habits et soulevèrent nos chemises, trouvant la douceur de la peau, la chaleur du sang qui courait sous notre épiderme.
Sous mes mains, je sentis son corps mince, fragile, qui contenait tellement de chose. Dans mon esprit, je me répétai que c’était lui, c’était son corps, sa peau, sa chaleur contre moi. J’eus du mal à m’en convaincre jusqu’au moment où nous fîmes passer notre habit par-dessus tête, et que nos torses à nu se pressèrent, peau contre peau. Mes baisers ne purent s’empêcher de jaillir, dans son cou, sur son visage, sur ses lèvres. Mes mains glissaient sur son corps, comme si elles eurent cherché une issue, un passage pour plonger plus loin en lui, vers son cœur, derrière la barrière infranchissable de sa peau. Il n’était pas grand ni musclé, son visage ne m’avait jamais paru particulièrement beau jusqu’à ce que mes yeux le voient différemment, jusqu’à ce que ce soit lui ; ce qu’il était, ce qu’il disait et représentait pour moi, qui me fasse me rendre compte de sa beauté.
Alors j’avais commencé à le regarder. Un malaise s’était emparé de moi, à chaque fois que nous allions nous baigner, à chaque sortie de douche. Un malaise qui avait émergé du néant durant des moments où, auparavant, jamais mon esprit n’aurait songé aux choses qui le traversaient à présent.
Qu’avait-il fallu pour que mon regard voit en lui autre chose que ce simple ami de toujours, que sa nudité partielle me perturbe à ce point, et que mes rêves s’emparent de son image ? Des mots, peut-être, des paroles échangées, juste une idée qui avait émergé, une clé pour voir l’autre sous un autre angle. Il s’en fallait de si peu pour que l’on s’égare dans le bonheur.
Mon souffle hoqueta soudainement quand je sentis ses mains au niveau de mon bermuda. Ses yeux étaient toujours fixés sur les miens. Une mèche de ses cheveux noirs était venue empiéter sur son front. Sa bouche était entrouverte, comme la mienne en cet instant, pour juguler cet afflux d’oxygène qui peinait à se trouver un passage dans nos poumons.
Il défit l’habit, et, pour ne pas prendre de retard sur son désir, je me mis à déboutonner le sien. Nos deux shorts tombèrent à nos pieds, et il y eut un seconde suspendue hors du temps où nos pieds se débarrassèrent de l’encombrant habit.
Le souffle court et tremblotant, je n’osai aller vers lui. La situation embarrassante me fit esquisser un sourire auquel il répondit presque en riant. Puis, d’un coup, il vint vers moi. Tout mon corps s’ébranla, crispé face à son contact soudain et presque total dont le seul sous-vêtement qui nous restait ne masquait nullement la présence physique. Ses mains crassèrent tout mon corps, et petit à petit les miennes, posées sur ses épaules, retrouvèrent une aisance relative.
Je sentais mon désir augmenter bien plus vite, hors de mon contrôle, et je pris peur face au sien qu’il ne pouvait dissimuler. Je n’avais jamais connu cela face à moi. Ses mains, dans mon dos, glissèrent sur mes fesses, et se frayèrent un chemin sous l’élastique de mon caleçon. Il courut le long de ma taille, et je me sentis le souffle court, la gorge serrée, lorsque ses doigts vinrent devant moi. Je m’aperçus alors que je le serrai, fort, mes mains fermées comme des griffes sur ses omoplates. Tout mon corps tremblait, et mes lèvres embrassaient son cou, encore et encore, mes yeux clos me laissant voir, dans le noir de mes pensées, sa main qui s’aventurait là où mon désir croissait chaque seconde.
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