[Première partie] LANDSCAPE

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Le diable solitaire a tout pour provoquer la fin du monde. Il est né malin, né menteur, né voleur, né tueur. Mais il résistera encore et toujours, il refusera de s'y soumettre.

Je revois son visage dans ma chambre d'hôpital. C'est lui, mon ennemi ! J'ai souvent entendu sa voix. Il a été à mes côtés pendant très longtemps. Il pose des fleurs sur ma table de nuit et me parle alors que je ne peux rien lui répondre. Ah ! Si seulement je pouvais quitter cet état. Parler, bouger... Et frapper !

L'infirmière le lui dit. Elle lui fait comprendre que je l'entends quand même.

Quelle humiliation d'être à sa merci quand je suis au plus bas. Ah, quelle plaie...

Il faut que je me calme, ça ne sert à rien de s'énerver. Je ne peux rien faire dans cet état. Je n'ai aucune envie de l'entendre radoter, alors revenons à mes pensées. Qu'est-ce que je disais, déjà ?

Ah, oui. Je dois me souvenir de ce qu'il s'est passé. Du déroulement EXACT des choses. Dans l'ordre, pour savoir quand ça a commencé.

Je dois me souvenir des détails, être impartial, et affronter la réalité, quelle qu'elle soit.

Allez, encore une fois. Une dernière fois :

Qu'est-ce que je ne vois pas ?

"L'important, je pense, c'est de ne pas blâmer ceux qui ont peur."

J'entendais encore la voix de la héros de mon enfance, six ans, peut-être dix ans plus tôt. Celle-ci venait de répondre à l'une des questions posées dans le public. Laquelle était-ce, déjà ? Je ne sais plus trop.

Je n'en revenais pas. Il avait le front un peu dégarni, maintenant. Sans maquillage, il avait l'air un peu plus fatigué. Mais peu importe. Il était à quelques mètres devant moi, alors que je l'avais vu jouer dans l'"Ennemi Invisible", dans les "Ombres Porteuses" et surtout, surtout, qu'il avait incarné Ludovic dans 'Le Fils du Temple". Je n'avais que 6 ans le jour de la diffusion.

Je savais qu'ils étaient tous là pour le voir, pour l'admirer, pour enfin tout savoir de lui. Mais je me sentais plus légitime qu'eux tous. Non, moi je n'étais pas un "geek" puant et obsédé. Je valais mieux que ces joueurs de League of Legends.

Moi, j'étais là pour lui poser de VRAIES questions. Lui dire d'homme à homme combien son travail m'avait inspiré. Je n'attendais qu'une chose : que l'animateur me voit lever la main et me tende le micro. Je savais aussi que ça avait peu de chances de se produire. Et pourtant :

- Le monsieur avec l'écharpe, là ! Oui, vous !

C'était moi. C'était bien moi qui allait avoir l'honneur de lui montrer tout mon respect. J'allais pouvoir graver un souvenir dans la tête de mon vrai père. Celui qui avait VRAIMENT bercé ma vie. Il ne me connaissait pas encore, mais il ne m'oublierait jamais. Je venais de prendre le micro.

- Vous avez déjà pensé à changer de métier ?

L'acteur se leva aussitôt et me balança sa chaise au visage. En descendant dans les gradins, il essaya de me trouver et les gens ne l'arrêtaient pas. Lorsqu'il se tint face à moi, alors que j'avais attendu de le rencontrer toute ma vie, il me décocha une énorme droite. Et puis, je revins à moi.

Pourquoi m'arrivait-il de m'imaginer ce genre de scénarios ? Je quittais la réalité pour me retrouver dans cette dimension qui n'avait rien d'angélique sans pour autant être cauchemardesque.

A chaque fois que j'essayais de me souvenir de comment tout avait commencé, je dérivais, je retraçait les faits au début, et j'invite la fin.

Parfois, je rêvais d'être quelqu'un d'autre avec mes amis, mes proches, et ceux que je rencontrais dans mes rêves.

J'avais l'intuition profonde que c'était mon "véritable moi". Je n'avais pas peur d'exprimer mes désirs et mes peurs (qui se rejoignaient souvent, sans surprise) quand j'étais cette personne.

Depuis l'enfance, je fuyais cette réalité ci. Je me disais au contraire que je ne pouvais pas me laisser autant devenir "moi". Heureusement, j'ai changé d'avis en avril 2004. Qu'est-ce qui m'avait ouvert les yeux à cette période ? Je ne le sais pas, et au fond je pense que je ne le saurais jamais. Mais quelque chose m'avait comprendre que je devais avancer vers elle. Cette part bizarroïde, j'avais envie qu'elle prenne de plus en plus de place dans ma vie, jusqu'au point où cela deviendrait ma vie.

Je n'avais absolument rien à y gagner, mais je sentais que c'était la chose à faire. Que je devais être cet homme fou pour me réveler à tous, et peut-être à mon tour trouver quelqu'un qui le soit tout autant.

Ben oui, écoutez. Je suis comme tout le monde. Ce que je veux, c'est éviter le plus possible d'être seul et si possible, être bien accompagné. Et par là, je veux dire vivre avec quelqu'un qui ne se sente pas menacé ou troublé par ce que je suis. Je veux pouvoir penser et m'éveiller constamment, sans que l'on me gêne dans cette tâche.

Homme ou femme, ça, ça m'importe pas beaucoup. En fait, j'aime bien les deux, alors...

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