Je suis morte...
Je suis morte un 26 avril, renversée par une émotion qui m’a percutée en plein cœur alors que je traversais la rue de Paradis.
Moi qui rêvais de casser mon sablier au jardin des coquillages, c’est raté.
Moi qui rêvais qu’on ne me toilettât pas un jour de printemps, c’est plié.
J’ai su la main tendue d’un inconnu aux yeux clairs qui s’est penché sur mon sort à espérer le changer.
J’ai su l’ambulance qui m’a transportée aux portes de l’au-delà girofarant : "On la perd, on la perd, on la perd !".
J’ai su cette salle aseptisée où l’on m’aurait disséquée si je n’avais pas, en filigrane sur ma peau, tatoué les mots à dire que ma plastique ne supporterait pas le moindre découpage.
Je ne saurai pas leurs têtes à la lecture de mes test-amours, test-amis, test-amants.
Sont ces dernières volontés que j’ai actées sur papier de soi, au fil d’émoi en No taire :
- Ne m’auréolez pas de la moindre couronne de lauriers.
- Ne me mettez pas en boîte. La claustropophe que je suis n’y survivrai pas.
- Ne me passez pas davantage par le feu. La pyrophobie me serait mortelle.
- Offrez-moi une seconde vie à l’empaillé. Je vous laisse, à cet effet, les coordonnées d’un taxidermiste qui fait merveille dans l’appeau.
Mais surtout, conservez l’empreinte de mon rire.
Et puis en mon dernier caprice, faites qu’un maître-queux se mette au piano à faire rissoler les trompettes de la mort.
Pour le reste, je ne ferai pas don de mes organes.
C’est que personne ne saurait se satisfaire d’une cervelle d’oiseau, pas plus que d’un cœur en dérangement, fût-il palpitant.
Quant à ma chute de reins, je la garde. Ça peut toujours servir.
Clopin, clopant, je m’en vais accrocher mon déshabillé de vie au porte-manteau du ciel.
J’ai ma mort à vivre…
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