Leçon numéro 1 - LA COLÈRE
Leur première rencontre fut inopinée. Inattendue. Un simple événement dans une éternité de devoir. Vite oubliée. Vite effacée.
L’ange Elendriel était dévoué à son travail. Fidèle à son poste. Toujours sur le front. Il devait sauver les âmes perdues des criminels et là, il luttait pour l’âme noire d’un condamné à mort.
Une longue discussion sous la forme d’un prêtre venu confesser le prisonnier allait aboutir à la repentance de ce dernier…, lorsque soudain un soupir se fit entendre.
« Quelle perte de temps ! »
L’ange leva la tête, perturbé dans son argumentation.
Une démone se tenait là, assise nonchalamment sur la couchette du prisonnier. Une succube. Elle souriait, amusée, dévoilant les crocs de sa dentition.
Elendriel rétorqua, agacée :
« Sauver une âme n’est jamais une perte de temps ! »
La démone haussa les épaules et répondit négligemment :
« Depuis l’âge de quatorze ans, cet homme a tué. Son âme est dévouée à mon Maître. Aucune raison de le sauver ! »
Ce qui agaça d’autant plus l’ange.
Elendriel secoua sa longue chevelure blonde d’ange divin et la démone regardait ça avec plaisir.
Tiens un ange qui peut éprouver de la colère ? Intéressant ?
« Tout homme mérite d’être sauvé ! Il y a plus de joie à voir entrer au Paradis un pêcheur repentant qu’un juste déjà sauvé.
- On a une phrase de ce genre nous aussi, sourit la succube, moqueuse. Il y a plus de joie à faire tomber un juste qu’à gagner une âme perdue. Celle-ci en l’occurrence est à nous depuis longtemps. »
Puis, sautant de la couchette, l’esprit du Mal vint tourner autour de l’ange du Bien et ajouta, naturellement :
« Simple formalité ! »
Ce qui provoqua enfin une colère divine chez l’ange, à la grande joie du démon. La conversation continua sur ce ton entre l’ange et la succube tandis que le prisonnier maudissait Dieu et refusait de se repentir. La démone titillait l’ange, citant des versets de l’Apocalypse tandis qu’Elendriel assénait des psaumes entiers de foi en la justice divine. Amusant.
L’ange perdait son objectif de vue. Ce ne fut que lorsque le condamné à mort cracha sur la croix que l’ange se réveilla.
La colère !
L’homme était perdu.
Et l’ange était en colère lui aussi.
La succube souriait. Elle avait gagné. A son tour, avec une certaine affectation, elle secoua sa longue chevelure rousse avant d’examiner ses longs ongles griffus.
« Quelle perte de temps pour une simple formalité ! »
Leur première rencontre fut inopinée.
Vite oubliée. Vite effacée. Normalement...
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