4.1.5 Morticia

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Le mois de Mars réveille la nature et nous débutons Avril sous les fleurs. Je fais une sortie à Pré au lard avec mes potes. Horace et moi voulons changer les idées de Jamie. Nous nous décidons à promener et surtout à squatter les deux boutiques préférées de mon pote : Honeydukes pour ses bonbons et Zonko et ses farces et attrapes.

A force de faire les couillons, nous parvenons à faire sourire Jamie qui enfin se déride et s'amuse un peu. Nous mettons tellement de l'ambiance chez Zonko que nous nous faisons offrir un petit cadeau pour nos achats. Jamie obtient un petit lot de bombabouses, Horace des bonbons à hoquets et moi, j'ai droit à une nouvelle farce. C'est une sorte de boite d'allumettes qui une fois ouverte, libère des tas de petites araignées qui vont chatouiller ou paniquer la victime de la blague. Le vendeur m'en a fait une démonstration en ouvrant boîte sur moi.

Nous sommes contents de notre petite sortie et nous rentrons heureux et plein de conneries nouvelles. Rodrigue est le premier à subir nos âneries et nous rend la pareille. Sarah, Charline et Alice sont bien moins tolérantes à notre égard. Sarah manque d'étrangler son frangin quand il pose une fausse tache d'encre sur sa robe toute neuve. Horace et moi avons eu du mal à la tenir pendant qu'elle tapait son frère. Elle était furieuse et nous hilares. Cela ne l'empêcha pas de venir dormir avec Jamie du soir.

Cela me rappelle le soir où Maeve est venue partager ma couette. Depuis, elle agît comme si rien ne s'était passé. Je pense même qu'elle m'évite. Plus l'année se poursuit, moins elle me parle. Je ne sais plus quoi faire. Elle me manque. Pourtant, je n'arrive pas à aller vers elle.

Je ne comprends pas son attitude totalement illogique. Un jour, elle me snobe, l'autre, elle dort dans mon lit. Cette situation ne peut plus durer. Je ne suis pas un pote jetable qu'on utilise quand on a besoin et qu'on n'a plus d'amis. Si elle est pote avec Benoît, et ben qu'elle aille le voir. Pourquoi donc elle me colle comme ça ? Elle doit s'amuser à me faire garder espoir. J'en ai assez.

Mon cousin aussi, il faudrait qu'il se décide à choisir son camp. Si c'est un gentil, qu'il libère Papa et qu'il fugue. Sinon, c'est un mangemort et les soit disant nouvelles qu'ils me donnent ne sont qu'un moyen pour me torturer. Je pense que j'ai trouvé la vérité. Benoît cherche à me rendre malheureux et à attiser ma colère. Pour que je devienne mauvais. Il n'y arrivera pas. Je suis quelqu'un de profondément bon.

Comment Maeve peut elle trainer avec ce sale type? Elle doit être idiote ou bien désespérée. Un monstre comme elle ne peut espérer avoir de véritables amis. Elle n'est bonne qu'à trainer avec des mages noirs. Sa propre sœur ne veut plus entendre parler d'elle. Maeve ne mérite pas de fréquenter des gens biens comme mes potes. Elle devrait être heureuse qu'on daigne lui adresser la parole. Maeve m'exaspère par sa bêtise et son caractère impossible.

Durant deux mois, je scrute le moindre fait et geste de Maeve et de Benoît et pointe leurs mensonges. Je me fais une liste de toutes les paroles ou gestes inadéquats. C'est bien beau de corriger un harceleur, mais c'est être à son niveau. Je suis sûr que de toute manière, ils font ça pour se faire bien voir et passer pour des héros. Au fond d'eux, ils ne sont pas aussi bienveillants. C'est impossible.

Maeve m'irrite à peine je la vois. Si j'ouvre la bouche, c'est pour me disputer avec elle. J'aimerais lui dire tant de choses et pourtant, ce ne sont que les mots de colère qui ressortent. Un truc cloche. Ce n'est pas moi ni ce que je ressens. Je ne suis pas ce garçon plein de fureur et de rancœur qui se présente à elle au quotidien. J'ai l'impression que ce n'est pas moi qui parle.

Elle et Benoît sont les seuls avec qui je n'arrive plus à être moi-même. J'ai une petite voix intérieure qui me susurre des mots blessants et des doutes à leur égard. Je suis tiraillé entre mon cœur qui veut aller vers eux et ma raison qui me dit de me méfier d'eux. Dès que cela les concerne, je ne vois que le mauvais aspect des choses. Je recherche la moindre faille comme preuve qu'ils sont du mauvais coté.

Je me demande bien pourquoi je suis aussi négatif envers eux. Je veux me persuader qu'ils sont tous les deux des futurs mages noirs et donc mes potentiels ennemis. Pourtant, rien dans leurs actes ou leurs paroles ne me l'indique. Ce serait même plutôt le contraire. Je refuse de les croire innocents des crimes dont je les rends coupables mentalement.

Ce n'est pas moi d'accuser les gens sans preuve et de les jauger sur des rumeurs. Je parle à Horace des tourments qui me torde l'esprit à leur sujet. Il est beaucoup plus serein que moi. Lui, les trouve plutôt sur une bonne voie. Horace ne partage pas mon anxiété. Il me traite d'idiot et me gronde d'avoir des aussi mauvaises pensées. Il n'arrive même pas à comprendre comment je peux penser de telles âneries.

Horace tente de me rassurer et met ma souffrance sur le compte de l'absence de Papa. Mon inquiétude pour la sécurité de Papa me ferait voir les choses en noir. Comme il est au manoir Lestrange, je m'en prends à Benoît comme bouc émissaire et puisque Maeve se rapproche de mon cousin, je la mets dans le même panier.

Je comprends la logique de Horace. Il a sûrement raison. Mon cœur et mon esprit me disent qu'il a raison. Mon démon intérieur se met à les détester, à avoir envie de leur faire du mal. Je me mets à douter des paroles d'Horace. Je me questionne et vérifie qu'il ne subit pas un mauvais sort.

À plusieurs reprises, je me retiens in extremis, de leur envoyer un sort, sans aucune raison. Juste par haine irrationnelle et incompréhensible. La simple vision d'eux au loin ou l'évocation de leurs prénoms me rendent irritable. La haine commence à apparaître en moins. Je prends peur en réalisant ce nouveau sentiment horrible. J'assume d'être colérique mais haineux non. Ce n'est pas moi. Je deviens fou.

Je vais voir le professeur Bordial qui me regarde bizarrement et me recommande d'aller courir et de me baigner dans le lac. Sa réponse est incompréhensible. Je l'écoute tout de même. De toute façon, je suis paumé. Les grandes vacances approchent et je n'ai pas envie de partir avec cette rage en moi. Je dois me détendre. Le sport a toujours été efficace pour me vider la tête.

Je vais donc courir et je fais deux tours du lac. Je suis en nage et il fait nuit noire. Je m'approche de l'eau avec crainte. Ce lac m'a toujours effrayé. Le professeur Bordial est un homme de bon conseil. S'il pense que je dois me baigner, alors allons-y. Je retire mes chaussures et pose mes pieds dans l'eau.

Je vois Maeve qui trottine au loin. Toute ma haine contre elle remonte malgré ma fatigue. J'ai envie de lui hurler dessus, sans aucune autre raison de la voir dans mon champ de vision, perturbé mon moment de détente. Elle m'aperçoit et s'immobilise. Puis elle fonce d'un coup vers moi en s'enflammant. Elle me crie dessus :

-Ne bouge surtout pas.

Maeve m'envoie une boule de feu vers le visage. Ma haine se transforme d'un coup en désespoir. Puisqu'elle me déteste, autant qu'elle me tue. Mort, je cesserais de souffrir. Je n'ai pas envie de me battre et je ferme les yeux. Prêt à brûler vif. Je sens la flamme passer à coté de mon oreille, puis des chatouillis glacials me parcourent le corps. Je sens quelqu'un de chaud qui gesticule autour de moi.

- Putain de saloperie. Tu ne vas pas t'en sortir comme ça. Je vais te choper et de cramer la face.

Je rouvre les yeux sans comprendre. Maeve semble vouloir attraper quelque chose. Ses mains s'approchent de mon visage à toute vitesse. Soudain, elle pousse un petit cri et recule en me montrant sa main. Elle tient une espèce d'araignée dont le corps est une tête-de-mort miniature. Je n'ai jamais vu cela de ma vie.

- Une Morticia. Ca va aller mieux maintenant.

- C'est quoi une Morticia ? Ne me réponds pas "ca" en me montrant la bestiole, s'il te plaît, lui demandais je d'un ton suppliant.

- C'est une créature qui perturbe l'esprit et qui envoie des faux sentiments. C'est une arme méconnue des mages noirs les plus puissants. Une personne malveillante te l'a envoyé pour que tu te mettes à détester quelqu'un ou quelque chose. Tu peux sortir de l'eau maintenant.

Je lui obéis et observe l'étrange créature. Maeve semble soucieuse. Elle me caresse la joue puis repart en trottinant avec sa bestiole. Ses baskets sont trempées. Elle a plongé dans l'eau sans réfléchir pour attraper la créature. J'ai mal à la tête et pourtant, je me sens plus léger.

Comment ai-je pu croire que Maeve allait me tuer ? Pourquoi je me suis mis à penser qu'elle était en train de devenir un mage noir et Benoît aussi. Mon esprit est embrouillé. J'ai l'impression qu'on vient de m'arracher des œillères qu'on m'aurait greffé de force.

On m'a implanté cette bestiole à mon insu, pour que je me mette à détester Maeve et Benoît. Mais pourquoi et qui ? Je suis épuisé et vidé de mes forces. Je me traîne pour rentrer au château et m'écroule dans mon lit. Je me réveille le lendemain après-midi.

Je n'ai pas revu Maeve depuis qu'elle m'a retiré la Morticia de la tête. Je me suis senti très fatigué durant quelques jours. Depuis, mon esprit est moins embrouillé et je me sens davantage maître de mes pensées et d'actes. Effectivement, cette chose me faisait du mal. Ma colère est retombée comme un soufflé manqué.

J'ai demandé au Professeur Bordial des renseignements sur cette bestiole. Il n'a pas pu m'en dire beaucoup plus. Avant que je ne lui en parle, il n'était pas sûr de la réelle existence de la Morticia. Un de ses livres en parle sommairement. C'est une créature malveillante qui se nourrit des émotions négatives comme la colère ou la peur. Son existence était purement théorique jusqu'à l'avènement du Seigneur des Ténèbres.

Les sorts Doloris et la légilimancie pratiqués ont fait rappliquer les bestioles auprès du mage noir qui s'est mis à les utiliser pour renforcer la terreur sur ses victimes. Voldemort en avait même dressée quelques-unes pour qu'elle se focalise sur une personne, lui suggérant des idées noires. Des personnes attaquèrent leurs familles ou leurs proches, se mutilèrent ou se suicidèrent sous le contrôle d'une Morticia.

Une chasse avait été organisée pour les exterminer. Tout comme les mangemorts, il semblerait qu'il subsiste encore de nos jours. La bestiole étant invisible, il est difficile de la retirer. La victime et les proches ne se rendent pas compte de la présence. Je demande au professeur comment il a su. En fait, il ne savait pas. Il me conseillait juste de faire du sport puisqu'il savait que cela me faisait du bien.

Nous discutons de Maeve. Il ignore comment elle a pu voir la Morticia et surtout comment elle l'a retiré de ma tête. Maeve lui a apporté afin qu'il observe la créature qui trône dans un terrarium géant au sein du bureau du professeur. Étrangement, elle lui a demande de ne pas en parler au ministère. Ce qui est plus inquiétant, c'est de trouver comment j'ai pu être mis en contact avec cette chose.

J'en ai parlé à Horace qui depuis me surveille et me questionne à chaque moment de blues ou de colère. Nous en avons discuté tout l'été. Je suis tout de même bien plus serein depuis l'intervention de Maeve. Je retrouve ma joie d'enfant et surtout mes sentiments affectueux dissimulés envers mon cousin et mon petit canard.

Je passe un été plutôt calme et agréable à m'amuser avec Horace, à soutenir Jamie et Sarah, et surtout retrouver ma complicité avec Maman. Nous essayons d'oublier mes soucis pour être proche de la famille de Jamie et Sarah pour les aider au mieux dans cette épreuve. Je suis d'autant mieux placé que j'ai vécu l'absence de parents et les tourments des changements d'humeur parental.

Les situations ne sont pas vraiment comparables, toutefois, je trouve les mots pour redonner le moral à Jamie. Horace est plus doué avec Sarah. Jamie a besoin d'évacuer un trop-plein d'émotions de manière physique. On se ressemble bien sur ce point. S'épuiser physiquement pour se vider la tête, c'est notre méthode pour aller mieux. Je prends donc l'habitude d'aller trois fois par semaine courir avec Jamie tandis qu'Horace se promène avec Sarah.

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