5.1.5 Bande de potes
Mon année scolaire se passe bien. Je reste le premier dans quasiment toutes les matières. Mon excellence comble mes envies de prestance et d'honneur. Je peux faire étalage de mes talents en bon prétentieux que je suis. Ma tête et mes chevilles enflent à vue d'œil à chaque bonne note que j'obtiens. Alice et Rodrigue font de leur mieux pour me faire descendre de mon piédestal.
La meilleure reste Maeve qui m'humilie à chaque duel en cours de Défenses contre les forces du mal. Si elle se contente de gagner en baillant face à ses autres adversaires, elle prend un malin plaisir à me tremper, me congeler, m'habiller en rose bonbon, me couvrir de goudron et de plumes, me faire un groin de cochon ou me coller les fesses sur un toilette. Nous ne nous parlons plus. Toutefois, nous nous disputons quasiment plus. On s'ignore en fait. Sauf le mardi et le vendredi soir, et encore.
Mon caractère se calme un peu grâce au sport. Je suis de nouveau heureux et joyeux bien que Papa me manque terriblement. Je sais qu'il va bien puisque je reçois régulièrement des photos récentes de lui via mon petit canard. J'envoie les clichés à Maman à chaque fois sans lui dire comment je les ai eues. Je pense qu'elle se doute que cela vient de mon ancienne amie et de Benoît.
Je grandis en maturité et je prends le temps de mieux réfléchir avant d'agir. Mon caractère impétueux se tranquillise et je relativise l'importance de certaines choses. Je crois que ce qui arrive à Jamie et Sarah m'a fait prendre du recul sur les événements. Sur l'importance d'avoir des amis et de ne pas avoir de regrets, sur le coté éphémère de l'existence.
Mes potes Horace et Jamie ont eu aussi beaucoup grandi physiquement et mentalement en deux ans. Même si la maman de Sarah et Jamie va beaucoup mieux, elle reste sous surveillance médicale. Les enfants Foalder sont devenus plus sérieux et bien moins insouciants. Ils n'en restent pas moins deux chenapans qui s'adorent.
Horace est notre soutien sans faille. Que ce soit quand j'ai eu des problèmes, avec Charline qui a perdu le lien avec sa sœur ou pour Sarah et Jamie, il a toujours été là, libre, disponible et de bon conseil. Je crois que c'est le plus adulte de notre bande. Mon meilleur ami est quelqu'un de profondément compatissant et bienveillant. Lui aussi est apprécié dans toute l'école pour ses qualités et sa bonne humeur permanente.
Même Alice et Rodrigue ont eu leurs lots de soucis avec pour elle des parents qui divorcent et pour lui, le papa qui a perdu son boulot pendant quelques mois. Nous avons réussi à surmonter les difficultés en se serrant les coudes. Nous sommes plus proches que jamais. Ces deux dernières années ont été particulièrement éprouvantes et épuisantes pour toute ma bande de potes. Les vacances d'été sont attendues avec hâte pour souffler un peu.
Quelques jours avant les grandes vacances, je rentre après le repas du soir dans mon dortoir avec la partie Serpentard de ma bande. Il ne fait que pleuvoir ce week-end. Nous nous ennuyons à mourir. Benoît est là avec ses potes et leurs copines. Chacun d'eux à une fille à ses côtés. Benoit est avec Louise. Maeve squatte mon lit. Elle s'est endormie profondément. Malgré le boucan que nous faisons en rentrant, elle ne se réveille pas. Benoît est tendu. Il doit avoir peur que ca parte en clash comme cela arrive parfois.
- Désolé. Elle est crevée. Elle ne s'est pas rendu compte qu'elle s'endormait. Je vais la porter à son lit. T'inquiètes. Je...
- Non. Pas de souci. Laisse la dormir. Elle ne me dérange pas.
Horace s'approche en douceur. Maeve est si calme. Ses cheveux sont étalés autour de sa tête dans un amas en méli-mélo. Mon pote s'amuse à placer quelques-unes de ses mèches pour faire un dessin. Il a beau dire, je pense que Maeve lui manque. Il me suffit de voir son regard plein d'amour et ses gestes tendres. Sarah me regarde et se dandine.
Peu avant elle m'avait demandé de négocier avec la bande de mon cousin pour qu'elle et Charline puissent rester dormir dans notre dortoir ce soir. La présence de Maeve dans mon lit et des copines de la bande à Benoît changent un peu les choses et elle ne sait pas trop quoi faire.
- Les gars ? Sarah et Charline voudraient rester ce soir. Alors si vous voulez, vos copines peuvent elles aussi squatter. Je dormirais avec Maeve en tout bien tout honneur, si vous me promettez de l'empêcher de me trucider au petit matin.
C'est Louise qui me répond en faisant un immense sourire lumineux. Elle me remercie de ma proposition et l'accepte volontiers. Louise me promet de s'interposer entre Maeve et moi si jamais ma squatteuse d'oreiller se lève du mauvais pied. Nous nous installons donc pour dormir. Charline et Sarah se blottissant dans les bras de leurs grands frères.
Je m'inquiète du fait de dormir avec Maeve devant tout le monde. Je ne suis pas sûr qu'elle apprécie de se réveiller à mes côtés devant nos deux bandes de potes. Vu la surprise de Benoît et de Louise quand je me suis proposé comme binôme de couette pour mon petit canard, j'en déduis qu'ils ne savent rien de nos rendez-vous bihebdomadaires. Cela me peine quelque part qu'ils ignorent cela. Moi, j'en ai au moins parler à Horace.
Pendant que chacun s'installe et se prépare, je me mets en pyjama et recouvre Maeve de ma couette qui était au pied avant de me glisser contre elle. Je dois me placer sur le flanc, la tête sur un de mes bras, la demoiselle occupant les trois-quarts de la place. Je trouve un creux et finis par m'endormir rapidement comme toute la chambrée.
Dans la nuit, je suis réveillée par de faibles gémissements. Maeve est en plein cauchemar. Elle bouge un peu et grimace. Elle respire à toute vitesse et agite la tête. Doucement, avec la main de mon bras libre, je caresse les cheveux de Maeve et son visage. Sans prévenir, elle se tourne vers moi et se blottit contre mon torse, en emprisonnant ma chemise dans ses mains. Elle est encore endormie. Je déplie mes bras pour l'attirer plus confortablement.
Je m'aperçois qu'elle pleure tout en dormant. Je décide sans vraiment réfléchir de la bercer comme une enfant et de déposer des petits bisous sur ses cheveux. Je frotte son dos pour qu'elle se calme. Peu à peu, Maeve semble retrouver sa sérénité. Malheureusement, elle se réveille un peu perdue, se demandant où elle est. Elle lève son visage ensommeillé vers moi.
- Oliver ?
- Oui. Chut. Calme toi. Tu t'es endormi sur mon lit tout à l'heure. Je n'ai pas voulu te réveiller. Tu viens de faire un cauchemar. Calme toi. Tout va bien.
Je murmure en lui caressant les cheveux, plongeant mes yeux dans son regard violacée colérique comme à chaque réveil de cauchemar. Elle ferme les yeux quelques instants pour retrouver une respiration normale. Je continue à la bercer doucement pour qu'elle se tranquillise. J'aimerais tellement qu'elle se rendorme contre moi.
Maeve réouvre ses paupières pour me frapper de plein fouet par la lueur lavande tendre qui me fait craquer. Elle sourit doucement et un peu tristement et observe la chambrée endormie et surtout Niles qui ronfle légèrement. Je suis content qu'elle ne soit pas fâchée de se trouver aussi près de moi.
- Je... Pardon Oliver. J'étais épuisée. Je vais partir et te laisser tranquille maintenant. Désolée de t'avoir réveillé.
- Non. Reste. Sarah, Charline, Louise et d'autres filles sont là aussi cette nuit. Tu peux rester sans souci.
- Je ne veux pas te déranger, murmure t'elle en baillant.
-Reste. S'il te plaît mon petit canard. Reste.
Je la supplie d'une voix faible. Je caresse sa joue de la main et j'essaye de lui rendre son sourire pour l'inciter à ne pas bouger. Je plonge mes pupilles dans les siennes, tentant d'implorer par mes yeux ma demande pour qu'elle continue sa nuit à mes côtés. J'ai envie de dormir avec elle devant tout le monde. Je ne sais pas pourquoi, mais j'en ai envie.
- Je... D'accord. Merci Majesté.
Je dépose un baiser sur son front et la serre doucement contre moi. Je profite un peu de la situation pour tenir mon petit canard contre moi. Je resserre mes bras autour d'elle pour lui faire comprendre combien j'ai envie de la voir squatter mon matelas. Je caresse son dos et ses flancs doucement, tendrement. Je veux qu'elle se sente bien, en sécurité avec moi.
Maeve pose son front contre mon torse. Ses poings desserrent leur étreinte et relâchent ma chemise. Toutefois, Maeve laisse ses mains posées contre ma poitrine. Elle cesse de pleurer et m'autorise à effectuer davantage de gestes tendres envers elle, comme en troisième année, quand je la consolais après ses cauchemars pendant les vacances.
Je déploie toute ma douceur et ma tendresse. Je ne supporte pas de voir ses yeux ravagés par les larmes. Bien sûr, on se dispute souvent. On a des caractères difficiles tous les deux. Dans le fond, je tiens à elle et je n'ai jamais cessé de le faire, même si elle s'est éloignée depuis deux ans. Je la calme jusqu'à ce qu'elle se rendorme. Puis, je laisse moi aussi le sommeil me gagner.
Au petit matin, Horace, le premier à se réveiller, la trouve allongée sur moi, mes bras autour de sa taille, les siens agrippés à mes épaules. Il ne dit rien et m'aide à bouger pour que les autres ne voient pas cette position délicate. Je vois son air peiné en apercevant les yeux encore rouge de larmes de Maeve. Si seulement, on savait comment faire cesser ses horribles cauchemars.
Les congés estivaux débutent. Je perds de vue Maeve et mon cousin pour deux mois. J'ai de quoi faire avec Charline qui a décidé de se trouver un copain cet été. Je sens qu'Horace et moi ne sommes pas au bout de nos peines. La demoiselle a un cœur d'artichaut et elle va tomber amoureuse du premier crétin qui lui fait les beaux yeux si nous ne surveillons pas.
Dès les premiers jours, Charline commence à draguer Jamie qui ne s'en rend même pas compte. Il est encore soucieux pour sa maman. Il aime bien Charline, cependant, il la voit comme une copine et rien de plus. Du coup, les papillonnages de cils, pose suggestive et autres compliments passent totalement inaperçus aux yeux de Jamie. Sarah, elle, s'en rend compte et très vite, elle remonte les bretelles à la jolie rouquine sans que moi ou Horace n'ayons à intervenir.
Deux semaines plus tard, c'est au tour de Rodrigue de subir les assauts de ma jeune amie. Là, le problème est tout autre. Mon pote comprend le jeu de Charline. Il cherche un moyen poli pour lui faire réaliser qu'elle n'est pas son type de filles. Il préfère les demoiselles plus matures dans leur tête. Charline est trop gamine. Cette fois, c'est Alice qui s'y colle pour faire entendre raison à notre petit écureuil.
Charline multiplie les tentatives auprès de tout les mecs qui passent de près ou de loin chez nous. Horace et moi menaçons ceux qui auraient idée de profiter de la naïveté de notre amie. Je suis bien occupé à faire fuir tous les crétins de passage. Quand elle se met à me faire des avances totalement déplacée et que je suis obligé de la repousser assez violemment, Horace finit par s'énerver devant mon malaise et gronde Charline, lui demandant pourquoi d'un coup elle veut absolument se mettre en couple, quitte à être avec un parfait abruti, vu les spécimens qui sont passés ces dernières semaines.
Nous finissons par comprendre que Charline s'est inventée une compétition avec les autres filles et veut être la première de la bande à être en couple. Elle est jalouse du succès que rencontre Sarah, Alice, Louise, et même Maeve. Ce qu'elle ne réalise pas, c'est que les filles ne cherchent pas à séduire et attendent de trouver quelqu'un avec qui elles seront bien. Charline est persuadée que pour être adulte, il faut être en couple. Alors qu'en fait, cela n'a strictement rien à voir.
Je soupire devant le manque de maturité de mon amie qui me fait une scène de jalousie sur ma soi-disant préférence pour Maeve depuis toujours, le fait que je la traite toujours comme une enfant, sans voir combien elle a grandi et est devenue femme, et d'autres inepties dans le même style. Elle finit par se vanter d'avoir fait pleurer Maeve le dernier week-end avant les congés, estimant que Maeve le méritait bien. Horace et moi ne pouvons en entendre davantage et partons avant de gifler de colère Charline.
Pour que les choses soient bien claires, je décide de finir mes vacances loin d'elle avec l'accord d'Horace, et ne réponds à aucun de ses hiboux d'excuses. Je reprends le chemin de Poudlard, déçu par l'attitude de Charline qui s'est montrée idiote et mesquine.
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